Les candidats-vaccins font semble-t-il quelques progrès ces temps-ci, dans la lutte contre le SARS-CoV-2. Mais plutôt que d’attendre la prochaine pandémie, si on essayait d’avoir un coup d’avance ?
Cela fait des siècles que l’humanité fait face, périodiquement, aux maladies contagieuses. L’une des plus marquante en Europe, de 1347 à 1352, fut la peste noire, qui a exterminé entre 25 et 50 % des populations touchées. Heureusement, les progrès de la science dans le domaine de la vaccination, conjugués à l’amélioration de l’hygiène et à une bonne alimentation, nous ont permis d’obtenir, peu à peu, une immunité collective bénéfique.
Pour bien comprendre ce qui nous arrive aujourd’hui avec le coronavirus, il faut savoir que la plupart des pandémies connues et émergentes sont causées par des virus d’origine animale, appelés « zoonoses », qui peuvent se transmettre de manière directe, ou indirecte, par la consommation de produits animaux, comme les œufs, le lait ou la viande.
Selon l’OMS, l’Organisation Mondiale de la Santé, 60% des maladies infectieuses chez l’Homme proviennent du monde animal, et sur les 30 nouveaux pathogènes humains détectés ces trente dernières années, 75 % sont issus d’animaux. Merci les pangolins, merci les chauve-souris.
Mais ce qui inquiète les scientifiques actuellement, c’est que les opportunités pour les pathogènes de sauter les frontières de l’espèce ne peuvent que se multiplier, en raison notamment de l’urbanisation rapide, des mouvements de population – dans lesquels le tourisme ne joue pas un rôle négligeable – ou encore en raison du défrichage frénétique de nouvelles terres à travers le monde. Greenpeace le rappelait récemment, d’ailleurs : la destruction des écosystèmes favorise le développement de maladies infectieuses puisqu’elle met les animaux sauvages directement en contact avec l’Homme. Autres causes : le commerce croissant de viande, de lait et de produits animaux, le changement climatique, et la résistance aux antibiotiques.
Or la mondialisation des échanges et la crise écologique qui en découle vont s’accroître dans les années à venir, et provoquer toujours plus d’occasions de pandémie. C’est ce que révèle un rapport publié sur les pandémies le jeudi 29 octobre dernier par la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES).
Selon les chercheurs qui travaillent sur ces questions, des solutions existent, et elles sont toutes simples (et ce sont toujours les mêmes) : changer les modes de productions agricoles, notamment les plus invasifs, et freiner la perte de biodiversité. On tourne donc bien toujours après la même question : celle de la réduction de la pression sur les écosystèmes.
À l’heure où l’on se rend compte qu’il aura fallu au moins un an (et plus d’un million de morts) pour trouver un début de vaccin contre le SARS-CoV-2, on pourrait peut-être arrêter de courir après les virus… Et commencer à s’intéresser à la prévention.
Depuis quelques jours, une chanson obsède notre playlist, avec son décalage volontairement rétro et son humeur solaire tout en apesanteur. Ce titre se nomme « La Chevauchée Électrique », il est le prélude au premier EP en solo de la musicienne Wendy Martinez, véritable et évidente révélation de cette fin d’année.
Tout ceci n’est pas vraiment un hasard : depuis les débuts du Chantier en 2018, son groupe, Gloria, figure de proue du label Howlin’ Banana Records, est une des gourmandises organiques qui transportent notre couleur musicale vers des ailleurs colorés et psychédéliques. Sur son nouveau chemin, si elle conserve cette attirance pour les sonorités vintage, elle assume totalement l’héritage d’un état d’esprit symbolisé par la vivacité du label Saravah de Pierre Barouh, toujours accompagnée par le décisif Kid Victrola dans le développement d’une instrumentation feutrée, toute en finesse et en nuances.
Loin d’être une suiveuse, elle propulse l’élégance naturelle d’une Lætitia Sadier (Stereolab) dans une théâtralité que n’aurait pas reniée, l’étonnant collectif d’Avignon, le Théâtre du Chêne Noir (auteur entre autres, de l’album culte, trésor pour tous les diggers de la planète, Chant pour le Delta, la Lune et le Soleil en 1976). Avec un sens artistique rare, elle montre que la chanson peut toujours être en France, un lieu d’exigence, d’aventure et de poésie.
Le premier EP de Wendy Martinez sortira en février 2021 via Le Pop Club Records et Belka.
Actuellement, 40% de la production de plastique dans le monde est destinée à des emballages à usage unique. C’est une catastrophe en soi, mais comment peut-on tenter de faire évoluer ce chiffre, alors même que l’enjeu de l’industrie est d’augmenter la production de produits emballés dans les pays où son utilisation est limitée ?
La réponse à cette question passe par le sujet du recyclage, qui reste une problématique non résolue.
A titre d’exemple, en 2019, les États-Unis ont exporté plus de 500 millions de tonnes de déchets plastiques à recycler à travers le monde. Mais l’Asie et la Chine, qui étaient encore depuis peu les principales destinations mondiales du recyclage, ne veulent plus servir de « poubelles », et c’est désormais l’Afrique qui devient visiblement « l’Eldorado des déchets ».
La preuve : les États-Unis envisagent de sceller un « plastic deal » (un accord sur le plastique), avec le Kenya, dans les mois prochains.
Cet accord commercial permettrait officiellement de développer une industrie du recyclage dans le pays, pour, disent ses promoteurs, créer des emplois. Mais le revers de la médaille, selon Frederik Mehu, responsable de Greenpeace Afrique, c’est que seulement 7% des déchets concernés peuvent être recyclés par le Kenya. Le reste risque de terminer dans des décharges à ciel ouvert, ce qui serait une catastrophe pour l’écosystème local.
… et ce qui irait à l’encontre de l’interdiction récente de l’utilisation, de la fabrication et de l’importation d’emballages plastiques dans le pays.
Car il faut dire que l’Afrique, continent le moins polluant de la planète, n’a attendu personne pour mettre en place des politiques environnementales vertueuses sur ces sujets-là : citons l’exemple du Rwanda, qui est un modèle de propreté depuis des années. En effet, Kigali, la capitale rwandaise, est devenue la ville la plus propre du continent Africain : depuis 2008 les sacs et emballages non-biodégradables y sont interdits. Les rues sont impeccables, et on n’y plaisante pas : une police de la propreté distribue des amendes à celles et ceux qui ne respectent pas les règles.
Et pour impliquer la population, une journée de nettoyage obligatoire a été mise en place, tous les mois, c’est l’Umuganda, pendant laquelle tout le monde se mobilise pour la propreté. Un bon exemple de « deal » plus intéressant que ceux qui viennent des USA…
À l’occasion de la 13ème Journée mondiale pour le droit de mourir dans la dignité qui se tiendra lundi prochain, Terrain Social s’interroge sur les inégalités face à la mort digne en France avec Jean-Luc Romero-Michel.
MEDIA
Homme politique français aux multiples engagements, Jean-Luc Romero-Michel fonde en 1995 l’association des Élus Locaux Contre le Sida et préside l’A.D.M.D. (Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité).
Que ce soit l’affaire Vincent Lambert ou plus récemment la tragédie vécue par Alain Cocq, dans son combat pour recevoir une sédation profonde et le refus d’Emmanuel Macron de l’y autoriser, la question de la dignité devant la mort fait toujours débat dans notre société : la sédation profonde, étant réservée, dans le cadre de la Loi Léonetti de 2005, révisée en 2016, aux personnes dont la mort à brève échéance est certaine.
Celles et ceux qui souhaitent, en France, mourir dignement se doivent de partir en Belgique ou en Suisse. Et donc d’avoir les moyens de le faire !
Jean-Luc Romero-Michel a publié aux Éditions Michalon en 2018, Lettre ouverte à Brigitte Macron, dans laquelle il souhaitait « la sensibiliser aux dures conditions de la fin de vie en France ».
L’album « A Life With a Large Opening » de Samba de la Muerte aura indéniablement marqué les esprits par son sens mélodique, son ouverture d’esprit, mais aussi sa grande musicalité. Près d’un an après sa sortie, Samba de la Muerte ouvre les portes de son territoire créatif, à un ensemble d’artistes, musiciens, producteurs pour un album de remix imminent autour de l’emblématique track « Motech ». Mais histoire de bien débuter cette nouvelle histoire, une première sensation signée par l’étoile montante de la scène électronique française Calling Marian est à découvrir dès aujourd’hui, en avant-première sur notre site, et bien sûr sur notre antenne.
Tempo appuyé, beat puissant, montée progressive, groove insidieux et minimal, trajectoire rectiligne vers une vraie ligne de mire dancefloor, la touche Calling Marian imprègne les premiers instants de cette relecture deep techno, où le refrain s’exprime comme un lointain fantôme, apparaissant et disparaissant à l’envi, comme un phare au milieu d’un piste de danse onirique fantasmée. Aucun doute, l’intention est volontairement dansante, au sens rythmique du terme, elle pourrait ainsi rappeler par certains aspects, les pépites que dévoilait et dévoile encore la passionnante Ellen Allien dans ses mixes élégants, immersifs, énergiques et planants.
L’album Motech & Friends sera disponible le 20 novembre prochain.
C’est la sortie rap de la semaine (et peut-être de la rentrée), le nouvel album de Pumpkin & Vin’S Da Cuero nommé, Abysses Repetita est le rayon de soleil hip-hop du moment. Leur nouvel LP est l’expression extrêmement aboutie et personnelle d’une complicité artistique décisive. Abysses Repetita affiche une esthétique vibrante, à travers sa musique élégante, fluide, sensuelle et moderne mais aussi une poésie consciente totalement assumée.
Ce nouveau chapitre présente ainsi la rappeuse Pumpkin à un haut niveau de maturité et d’assurance, toujours animée par la conviction, la détermination, qu’on lui connaît. Mais elle semble aussi libérée d’un certain poids et d’une certaine pression. Dépassant les sentiments de frustration et de découragement, qui peuvent s’emparer des artistes indépendants, elle assume totalement son univers aussi bien textuel que musical. Il y a de la nuance, de la fluidité, de la maîtrise, du groove dans son flow organique et joueur. Il y a de l’audace dans ses formules et ses rimes. Il y a beaucoup d’intelligence et d’implication dans son regard très personnel sur l’humain, l’identité et plus simplement sur la vie, à l’image de Banana Bread, sommet de générosité et de vérité, et titre phare de la playlist du Chantier depuis quelques semaines.
De son côté, le beatmaker (terme presque réducteur sur ce nouveau disque), Vin’S Da Cuero démontre encore une fois, son envie de se remettre en question à chaque nouveau chapitre de leur discographie, et sa soif d’évoluer vers toujours plus d’ambition et de musicalité. Il a mis en son, une continuité sonore et musicale remarquable, magnifiée par un sens du détail extrêmement fin. Toujours aussi inspiré par les grands producteurs du boom bap original, mais aussi littéralement à l’affût de la création actuelle, notamment de l’autre côté de l’Atlantique, il active une musique qui dépasse largement le cadre classique du rap, par ses aller-retours vers le jazz, la soul, le R’n’B, l’électro. Pour Le Chantier, Vin’S Da Cuero dévoile d’ailleurs dans un mix inédit, les sources d’inspirations qui ont nourri la genèse d’Abysses Repetita. Il est à découvrir ce vendredi 23 octobre à 19h (avec rediffusion ce dimanche 25 octobre à 11h) sur Le Chantier.
Voici les références du mix :
Dizzee Rascal – Quality Dreamville – Down Bad feat. J.I.D, Bas, EarthGang, Young Nudy, J. Cole Logic – Icy feat. Gucci Mane Pumpkin & Vin’S da Cuero – Banana Bread Anderson .Paak – Come Home feat. André 3000 Mac Miller – Blue World Sa-Roc – Hand of God Bas – Tribe feat. J. Cole La Fine Équipe – Me By R.A. the Rugged Man – Legendary Loser The Internet – Look What U Started Jay Electronica – Ghost of Soulja Slim feat. Jay-Z The Black Eyed Peas – 4EVER feat. Esthero Little Simz – Shotgun feat. Syd Dave B. – Magnum Kali Uchis – Your Teeth In My Neck
L’album Abysses Repetita de Pumpkin & Vin’S Da Cuero est disponible en vinyle, CD et digital sur le shop de Mentalow Music et chez tous les bons disquaires.
La musique pop influence à l’évidence la couleur musicale du Chantier, qu’elle soit mélodique, élégante, alternative, cosmopolite, malicieuse, romantique, décalée, militante, rageuse, expérimentale… Si pour certains, tout a déjà était dit, que plus rien ne reste à inventer, à l’inverse, des groupes, des artistes, continuent d’œuvrer dans le champ de la pop, en traçant leurs propres chemins, activant le jeu subtil de la mélodie et du verbe, avec beaucoup de sincérité, de sensibilité, de passion à l’image dernièrement de Tunng, Magon, Jim Ballon, Slim & The Beast, DG Solaris, Nicolas Michaux et Louis Jucker.
Tunng
Tunng est certainement l’un des groupes les plus attachants du circuit pop mondial. Depuis 2003, ce groupe londonien à géométrie variable a construit une discographie remarquable à et sensible, à la musicalité fluide et inventive, dessinant les reliefs d’un univers folk amoureux du son et des expérimentations, tout en gardant une incroyable propension à délivrer de délicieuses chansons pleines d’esprit, de décalage et de grâce. Dans cette continuité créative, emmené par l’épatant Sam Genders (de retour depuis 2018), Tunng se signale depuis le début de l’année à travers des titres aussi intenses et magnifiques que Scared To Death, A Million Colours ou ce qui apparaît déjà comme un classique Death is the New Sex (rejoignant ainsi les emblématiques Hustle, Bullets et ABOP). Ils révèlent avec brio l’essence du futur album Tunng presents… DEAD CLUB : en premier lieu sa grande finesse de timbres et d’harmonies au niveau de l’instrumentation (centrée autour du piano), mais ouvre aussi les portes d’un concept, largement influencé par l’œuvre de l’écrivain et homme de lettres anglais, Max Porter. Ce LP dépasse tout simplement le cadre de la musique, par son envie d’aller vers les autres, par son envie d’exprimer un regard humaniste poétique et philosophique, par son envie de questionner la condition humaine et notre rapport à la mort. Écouter Tunng presents… DEAD CLUB devient alors l’occasion de vivre une expérience émotionnelle, pleine et entière, que ce soit à la première rencontre, emporté le foisonnement mélodique de ces 12 titres ou imprégné écoute après écoute par la singularité, la justesse d’un travail intellectuel, littéraire et réflexif de très grande qualité (ayant aussi donné lieu à une série de podcast).
L’album Tunng presents… DEAD CLUB de Tunng sortira le 6 novembre prochain sur le label Full Time Hobby.
Magon
Il y a à peine un an, Magon dévoilait avec son premier album solo Out In The Dark, un étonnant tempérament électrique et vif, en parfait « songwritter indie ». Il baignait alors avec insouciance en plein revival 90’s, dans une veine Pixies, Sebadoh, Dinosaur Jr., le tout avec ce mélange de désinvolture et d’élégance digne des Modern Lovers de Jonathan Richman. Depuis quelques jours, l’israélien, désormais installé à Paris, active les slides de guitare du nonchalant et très prenant Change, prélude à son album Hour After Hour. Sa musique évolue sur ce 2ème disque : elle prend les habits d’un folk rock garage, pouvant rappeler par moments les grandes heures de l’anti-folk NY : le dandysme décomplexé d’Adam Green, la fraîcheur détonante de son pote Jeffrey Lewis. Difficile également de ne pas évoquer la figure du Velvet Underground qui plane au dessus de ce disque urgent et élégant, plein de charme et de vie.
L’album Hour After Hour sortira le 29 janvier 2021 sur le label December Square.
Jim Ballon
Chez Jim Ballon, le temps s’écoule différemment. Il s’étire dans les méandres héroïques du son. Il s’évade dans la poésie des textes, porté par le lyrisme d’un chant vibrant et expressif, dans les mélodies évanescentes du dialogue permanent entre la guitare et la basse. Il s’immisce dans les interstices d’un imaginaire mystérieux et psychédélique. Pour accrocher à Plastic Shores (2ème et passionnant album des Tourangeaux), il faut donc aimer se perdre, aimer se laisser emmener dans un espace cotonneux, immersif, mystique, qui combinerait la sensibilité d’Andrew Bird avec le post-rock narratif des premiers Mogwai, le mysticisme incantatoire de Lift To Experience avec cette capacité à propulser la musique dans la stratosphère, du groupe américain The Black Angels. Loin d’être convenue ou attentiste, la musique du trio montre avec beaucoup d’intentions, qu’en 2020 la pop peut être toujours aventureuse et libre sans être nécessairement inaccessible ou pédante.
Slim & The Beast réunit trois copains, trois frères de cœur (dont deux le sont aussi de sang) autour d’une certaine vision musicale, définie historiquement entre autres par des orfèvres pop comme Paul Mc Cartney, Simon & Garfunkel, Crosby, Stills, Nash & Young. La musique du trio est ainsi une musique heureuse, sensible, nomade et harmonieuse. Elle n’a pas vraiment d’autre prétention que de toucher la sensibilité des gens par sa générosité, sa simplicité, sa lumière. Si la base de leurs chansons semble souvent naître de l’éternelle guitare-voix, depuis quelques temps, leur folk agile se révèle dans des arrangements élastiques et modernes, aux fines effluves soul, blues, disco, funk, électro. Ne voulant pas rester prisonnier d’une étiquette folk réductrice, Aurélien, Aaron et Samuel ont en effet ouvert leur territoire créatif à des compositeurs et arrangeurs talentueux et précis, comme Thomas Lavernhe (Pampa Folks…), Yan Gorodetsky (Gush…) et même Jules Jaconelli (connu entre autres, pour son travail de composition pour le cinéma et la télévision), tout en étant largement influencés par les écoutes des dernières productions de Tame Impala et de Parcels. Distractions est la parfaite illustration de l’évolution en cours du groupe, qui se révélera avec toujours plus de nuances, prochainement sur un deuxième EP, acteur d’un groove fin et organique.
L’EP II de Slim & The Beast sortira le 30 octobre 2020 avec Wiseband.
Nicolas Michaux
Autant l’avouer du côté du Chantier, le nom de Nicolas Michaux n’évoquait quasiment rien, il y a encore quelques jours. Et pourtant, une seule écoute de l’album Amour Colère (son 2ème LP, sorti cette année) aura suffi pour nous combler de bonheur, emporté par un sens de la composition peu commun, et bluffé par une maturité artistique tout en nuances et en apesanteur. Le belge permet en effet sur ce disque à deux facettes de sa personnalité musicale de cohabiter avec finesse : son côté intimiste autour de chansons fragiles, romantiques et faussement naïves, chantées en français, (déjà mise en lumière en 2016 sur le LP À la vie A la mort, largement acclamé, à sa sortie sur le label français Tôt ou Tard) et un côté rock à l’anglo-saxonne, symbolisé par des morceaux élégants et sensuels, et même remuants comme sur le très entraînant Parrot. Son activité de producteur n’est certainement pas étrangère à la justesse confondante qui émane de ce disque particulièrement équilibré et cohérent, qui ne quitte plus notre platine depuis une première écoute gourmande et jouissive.
L’album Amour Colère de Nicolas Michaux est sorti le 25 septembre 2020 sur le label Capitane Records.
DG Solaris
Derrière DG Solaris, se cache, ou plutôt se décuple le talent d’un habitué de la playlist du Chantier, à savoir l’anglais Daniel Green, plus connu sous le patronyme de son groupe principal Laish. Plus simplement, ce premier album de DG Solaris est la résultante d’un voyage au long cours en Amérique du Sud en compagnie de sa complice dans la vie, comme dans la musique, Leana Green. Spirit Glow est ainsi une sorte de traduction musicale d’une expérience amoureuse, très humaine, riche et introspective. A deux voix, ces deux âmes sensibles et romantiques, mais absolument pas niaises, dévoilent une pop tendre et imagée, en forme de conversations, solidement accompagnés par de fidèles musiciens comme Matt Canty à la batterie ou Tom Chadd aux claviers. En ressort une délicieuse collection de morceaux naturellement folk, foncièrement pop, subtilement psychédéliques, n’ayant pas peur d’un certain lyrisme, et surtout d’exalter les émotions et la passion qui l’habite. Par effet de miroir, la version acoustique de cet album, souligne avec une vérité bluffante, la sincérité de la relation qui unit Daniel et Leana, dans des instants absolument divins comme The Moon. DG Solaris s’inscrit ainsi profondément dans l’héritage sonore du folk psyché anglais, symbolisé entre autres par la grande musicienne Vashti Bunyan, mais avec la singularité d’une histoire personnelle et intime saisissante.
L’album Spirit Glow de DG Solaris est disponible depuis le 19 juin dernier, sa version acoustique depuis le 28 août 2020.
Louis Jucker
Le suisse pourrait raffler le titre honorifique d’indé créatif de l’année. En même temps, Louis Jucker s’épanouit artistiquement depuis quelques années, dans une activité musicale débordante, que ce soit en solitaire, au sein de Autisti avec la géniale Emilie Zoé, ou avec ses fidèles compagnons de route dans Coilguns, pour un versant plus extrême, bruyant et sauvage. A peine le temps de se remettre du choc provoqué par l’inattendue relecture de son album solo Krakeslottet, avec justement ces potes de Coilguns, avec qui il a tourné pour défendre ce disque volontairement lo-fi, que se présente déjà le pénétrant Something Went Wrong, véritable petite merveille de sensibilité post-grunge, qui pourrait aller jusqu’à rendre dingue l’un des maîtres du genre en la personne de Lou Barlow. Des chansons bricolées et artisanales à la beauté naturelle vibrante, un feeling exceptionnel pour un artiste particulièrement inspiré, une malice instrumentale qui se joue des contraintes et se libère des conventions, une sincérité décuplée par un enregistrement sans artifice, au plus près du réel. Autant d’éléments qui nourrissent une oeuvre particulièrement touchante, profondément marquée dans son ADN par la notion même de création indépendante, et par sa volonté de proposer une alternative intègre face à une certaine standardisation qui caractérise le versant le plus industrielle et médiatique des musiques populaires.
L’album Something Went Wrong de Louis Jucker sortira le 30 octobre 2020 sur le label Hummus Records.
Foisonnant, épique, radical, rageur, militant, violent, vivant, créatif, viscéral… Autant de qualificatifs qui pourraient englober le territoire des musiques extrêmes, si cher à notre web radio spécialisée, La Messe de Minuit. Pénétrer ce monde est l’assurance d’une expérience saisissante, remplie de de surprises, de méandres et de détours. Voici 7 groupes, 7 albums, remarquables et remarqués en 2020, et autant de nuances pour la couleur de La Messe de Minuit.
* Traduction littérale du titre de l’album d’un des groupes fondateurs et emblématiques du métal extrême, Death.
Greg Puciato
L’ancien chanteur des imposants The Dillinger Escape Plan sortira dans quelques jours, son premier album solo Child Soldier: Creator of God, une œuvre très personnelle et sans réelle étiquette stylistique. Elle combine en effet de nombreuses influences, le plaçant de fait, à la croisée de groupes aussi différents que Nine Inch Nails, Torche, Black Flag (une référence majeur pour lui), Depeche Mode, Deftones, Ken Mode, Converge… Un morceau comme Roach Hiss symbolise peut-être parfaitement ce creuset esthétique à travers une ferveur heavy dévastatrice inaugurale, décuplé par un sens du groove démoniaque. Alternant déflagrations matinées de violence punk, de noirceur death et d’impacts hardcore avec des passages lancinants aux relents indus quasi-lithurgiques, Greg Puciato s’implique décidément avec toujours autant d’intensité, aussi bien physique que mentale dans sa musique. Quand on sait que le musicien, en plus d’une palette vocale impressionnante de nuances et de magnétisme, en parfait multi-instrumentiste, a lui-même exécuté toutes les parties (à l’exception de la batterie) de ce disque : ceci ajoute encore plus de poids à un album entier et libérateur, pleinement assumé, déjà impressionnant, mais aussi foncièrement sincère et sensible. Au-delà de la musique, par les thématiques abordées, il fait indéniablement partie des artistes et musiciens américains, qui montrent une autre Amérique, beaucoup moins binaire, et surtout beaucoup plus complexe que son image médiatique.
Child Soldier: Creator of God sortira le 23 octobre 2020 sur Federal Prisoner, le propre label de Greg Puciato, fondé avec Jesse Draxler.
Torve
La Messe de Minuit offre une large place au courant Post-Hardcore (certes désormais un peu fourre-tout tout de même), et notamment à une scène française en pleine ébullition, à travers des groupes aussi talentueux et différents que Lysistrata, Dakiniz, New Favourite, Birds In Row… et donc Torve. Depuis Besançon, ces 5 musiciens actifs et passionnés ont dévoilé en début d’année un premier album très prometteur, héroïque et généreux, marqué par le sceau de l’indépendance et de l’autonomie. Directe, sans être simpliste, la musique du LP The Part Where It Kills You évoque la filière référencée At The Drive In et Mclusky, avec quelques touches émo à la Touché Amoré. Le rock’n’roll le plus énergique et électrique n’est jamais bien loin sur les tempos les plus rapides. Il se dirige même vers quelques incursions math rock, dans certains développements rythmiques. Voilà en somme, un exemple très parlant de la vivacité de la scène rock bruyante actuelle hexagonale.
L’album The Part Where It Kills You est sorti en février 2020 sur le label Araki Records.
Venomous Concept
Au sein de Venomous Concept, (qui porte très bien son nom), se distingue deux figures très respectées des musiques extrêmes et déviantes, à savoir Kevin Sharp, le chanteur des cinglants Brutal Truth (groupe emblématique du catalogue Relapse) et bien sûr Shane Embury, le bassiste des incontournables Napalm Death (d’ailleurs de retour cette année avec le terrible et très engagé, Throes Of Joy In The Jaws Of Defeatism). Souvent associés au métal version extrême, ces groupes s’inscrivent pourtant profondément dans un esprit punk aussi bien dans la forme que dans le fond. Et bien évidemment, c’est aussi le cas de Venomous Concept qui fait vivre au temps présent l’esprit punk hardcore de Black Flag, GBH, Discharge, Wasted Youth, Germs et donc de Poison Idea, dont il tire son nom d’un des titres. Sur Politics Versus The Erection, le punk est violent, excessif, frontal, au point d’évoquer l’abnégation rythmique de Slayer, l’aigreur sombre de Today Is The Day. Mais de manière très contrastée, son imaginaire est aussi celui de la provocation et l’engagement, à l’image d’une pochette qui aurait très bien pu être celle d’un album des Dead Kennedys, à l’heure Trump. A tous les « newcomers », Venomous Concept rappelle que les anciens sont encore les patrons quand ils mettent autant de passion, d’intensité, de vie dans une musique toujours aussi libératrice, intense et jubilatoire.
L’album Politics Versus The Erection de Venomous Concept est disponible depuis le 28 août 2020 sur le label Season Of Mist.
Alpha Wolf
Depuis l’Australie, et plus exactement Melbourne, où il est désormais basé, le groupe de néo métal Alpha Wolf affiche un tempérament rageur et guerrier, le positionnant de fait dans la catégorie « core », et pas vraiment dans la catégorie « émo » (quoique sur Bleed 4 You). Il n’est d’ailleurs pas si étonnant d’apprendre que le groupe tire son nom du film survivaliste The Grey. Nous pourrions ainsi aisément rapprocher Alpha Wolf de l’emblématique groupe canadien The Acacia Strain (référence évidente de La Messe de Minuit) : mêmes stigmates death metal et même pugnacité hardcore. Qui plus est, la noirceur intrinsèque du discours de ces deux combos (néanmoins différents notamment en raison de la culture propre de leur pays d’origine) est un point de convergence vers une vision pessimiste et apocalyptique du monde et de l’humanité, mais sans tomber dans un désespoir névrosé ou verser totalement dans une misanthropie démesurée façon black métal. A Quiet Place To Die, deuxième album des Australiens, apparaît comme un album exutoire, monolithique, particulièrement indiqué pour ceux et celles qui aiment se faire secouer sans ménagement dans la machine à laver, à travers le programme basique, sans rinçage, ni séchage.
L’album A Quiet Place To Die d’Alpha Wolf est disponible depuis le 25 septembre 2020 sur le label Sharptone Records.
Pallbearer
Formé en 2008, le groupe américain Pallbearer est devenu depuis lors, un référence du courant doom, même si sa musique introduit de nombreux éléments psyché, stoner, rock progressif, shoegaze, post rock, post metal, heavy metal… et un champ esthétique qui pourrait être recouvert par des groupes aussi différents que les Smashing Pumpkins, Alice In Chains, Pink Floyd, Black Sabbath, Soundgarden, Monster Magnet, Melvins… Prélude à son album à venir (Forgotten Days), trois titres déjà disponibles, dont le très prenant, The Quicksand Of Existing ouvrent la voie d’une musique toujours aussi lyrique, expressive et immersive, cultivant par essence un imaginaire héroïque, brumeux et philosophique. Si certains groupes de musiques extrêmes, basent avant tout leur puissance sur un côté impactant, Pallbearer installe quand à lui un rapport au temps et à l’espace très particulier, tout en progression et en ascensions climatiques, à travers des morceaux plutôt longs en bouche, générant des masses sonores monstrueuses, véritables mille-feuilles en strates semblant ne jamais vouloir s’arrêter de grossir.
L’album Forgotten Days de Pallbearer sortira le 23 octobre 2020 via Nuclear Blast.
Untitled With Drums
Nous n’attendions peut-être pas les clermontois à un tel niveau d’excellence. Leur post-metal sombre et mélodique est carrément sublimé sur ce deuxième album, à travers une production n’ayant rien à envier à leurs influences américaines. Leur leader, Martin LB se montre particulièrement inspiré, révélant une sensibilité vocale pleine de nuances et de spleen absolument décisive, et précisons-le en tant que chanteur bassiste. Plus largement le groupe construit collectivement, avec une cohésion remarquable, une musique personnelle, basée sur de solides compositions et d’excellentes chansons. Il se distingue par sa capacité à synthétiser avec passion et humilité leurs attirances pour le grunge, le metal, le doom, le shoegaze, le néo métal, le sludge et même la pop. Parcouru de part en part, par un vent de mélancolie extrêmement sincère, sans maniérisme, Hollow marque indéniablement de son empreinte l’année métal 2020, en s’adressant aussi bien aux fans de Deftones, Quicksand, Torche, que ceux d’Alice In Chains, Jesu ou Helmet.
L’album Hollow d’Untilted With Drums est disponible en France via Araki Records et Atypeek Music depuis le 06 mars 2020.
Skeletal Remains
En manque de headbang, de growl et de stage diving ? Une bonne rasade de Skeletal Remains devrait vous remettre les idées en place. Leur trash metal violent et brutal tendance death metal old school ne laisse aucun répit sur la longueur d’un album dévastateur et implacable, même si le groupe isole, dans la grande tradition « heroic-fantasy » des plages de transitions climatiques. Batterie hystérique, riffs et solos de guitares dégoulinants, basse galopante, chant hargneux et sanguinaire, tels sont les ingrédients de cette musique radicale et guerrière, qui se signale néanmoins par son envie de célébrer les pionniers du genre comme Death, Carcass, Deicide, Sepultura… Âmes sensibles s’abstenir, pour les autres, foncez !
L’album The Entombment Of Chaos de Skeletal Remains est disponible depuis le 11 septembre 2020 via Century Media.
L’ensemble de ces artistes est à découvrir tous les soirs de minuit à 1h sur Le Chantier, et plus généralement, sur notre webradio La Messe de Minuit.
Programmer la musique d’une radio, est un exercice plus ou moins soumis à quelques règles génériques, comme celle de la durée standard des morceaux, ou d’une certaine accessibilité pop au sens large du terme. Mais être programmateur musical d’une radio telle que Le Chantier reste aussi et avant tout une histoire de passion et d’émotions, qui dépasse heureusement le cadre contraignant de la norme et des codes existants.
MEDIA
Force est de constater que dans la multitude d’approches et de styles qui se manifestent dans l’ensemble des nouveautés qui arrivent chaque jour, se distinguent à l’évidence des artistes passionnants dont le chemin esthétique, musicale et sonore est parfois éloigné, voire très éloigné d’une veine « radio friendly ». Un dilemme peut alors s’installer entre l’envie motivée de mettre en lumière des musiques différentes et le maintien d’une certaine cohérence d’antenne. Et c’est d’ailleurs l’une des raisons qui nous a certainement motivé à créer en parallèle du Chantier le flux Nuit tu me fais peur, autour d’une couleur musicale résolument immersive, instrumentale et captivante, à l’image de cette sélection de groupes créatifs et inspirés, que vous ne manquerez pas de découvrir plus largement en écoutant les différentes incarnations du Chantier.
Palo Alto
Un groupe comme Palo Alto symbolise par essence cette approche divergente de la musique, à la frontière mouvante et sinueuse entre la musique pop, les musiques savantes et expérimentales. À l’occasion de son trentième anniversaire, ce trio organisé autour de Jacques Barbéri, Laurent Pernice et Philippe Perreaudin, s’intéresse à l’œuvre du groupe mythique de rock progressif Soft Machine, tout en assumant pleinement une attirance pour la philosophie de Gilles Deleuze. Ce penseur dont le livre Milles Plateaux écrit avec Félix Guattari, au début des années 80, n’en finit décidément plus d’influencer la créativité et les préceptes d’artistes alternatifs évoluant dans les sphères de l’electronica, du post-rock, de la musique industrielle et du jazz expérimental, à l’image de ce 10ème album de Palo Alto. Sur ce LP Difference And Repetition, s’articulent 4 pièces sonores autonomes mais reliées par l’empreinte de la pensée Deleuzienne. Elles sont chacune à leur tour imprégnées par l’implication décisive d’une personnalité majeure, à savoir dans l’ordre le guitariste Richard Pinhas, le multi-instrumentiste Thierry Zaboitzeff, l’auteur et poète Alain Damasio, et enfin Rhys Chatam, figure de l’avant-garde musicale américaine. Un clip, réalisé par une figure des arts vidéos en France, Jérôme Lefdup, présente depuis quelques semaines une version edit du morceau Rhizome, en prélude à la sortie imminente de Difference And Repetition.
L’album Difference And Repetition : A Musical Evocation Of Gilles Deleuze de Palo Alto sortira le 15 octobre 2020, sur Sub Rosa, via Differ-Ant.
Temps Calme
Depuis Lille, un autre trio active les vertus pop de sa musique, à travers une intention climatique absolument captivante. Le côté décontracté et joueur d’Olivier Desmulliez, de Samuel Allain et de Nicolas Degrande contraste d’ailleurs étonnamment avec la mélancolie et l’intensité de leur musique. Ils se nomment ainsi sobrement Temps Calme, comme une sorte de pied de nez aux habituels patronymes mystérieux et ésotériques si courants dans cette veine psychédélique de la pop. La voix n’est jamais vraiment absente de leurs morceaux, mais elle s’implique dans le son tel un véritable instrument, suggérant des textes bien plus qu’elle ne les dévoilerait ouvertement, à l’image du très planant Dancing Owl magnifié par la session live sans artifice à découvrir aujourd’hui. Ainsi la complicité harmonique des chants d’Olivier et Samuel, installe les prémices d’une histoire, qui se révèle ensuite dans le développement libérateur du jeu de questions / réponses entre la batterie, la guitare et les claviers.
L’album Circuit de Temps Calme est prévu pour le 6 novembre 2020 via Chancy Publishing.
Onoda
Partagé entre Paris et Bruxelles, le groupe Onoda réunit en son sein, quatre tempéraments musicaux déviants et libres, repérés ici et là dans d’obscurs formations comme La Peste, Dead Mantra… Soit les musiciens Pierre Hamelin, Louis Muller, Antoine Poirier et Thibaud Nascimben. Selon leurs propres mots, leur musique répétitive se définirait par des drones froids et des batteries bruyantes. Ainsi, un morceau comme Land impose au fur et à mesure de son développement un mur du son de plus en plus infranchissable, harcelé par un rythme de plus en plus tribal et de plus en plus obsédant, un peu comme si Mogwai, dans sa version la plus électrique, se noyait dans les méandres synthétiques d’un vieux morceau culte de Plastikman. Au delà d’un éventuel concept, la musique d’Onoda s’érige ici avant tout comme un rituel cathartique et physique pour ses protagonistes, dans une forme d’abandon extatique dans la musique et dans le bruit. Plus largement, l’album Land/Islands impressionne par la densité des cinq morceaux qui le compose, symbolisée par sa capacité à sculpter en permanence la matière sonore, à travers une écoute partagée et une attention aux autres peu commune.
L’album Land/Islands d’Onoda sortira le 9 octobre 2020 sur le label Cranes Records.
Duo Brady
Au hasard des écoutes, il est toujours aussi surprenant et délicieux, de découvrir un groupe aussi atypique et pur, que le Duo Brady. Plus précisément, deux instrumentistes accomplis et libres, qui se sont réunis autour d’un commun, le violoncelle, mais aussi dans le plaisir de l’improvisation. Pas vraiment jazz, ni vraiment baroque, leur musique de chambre sensible et organique dessine de somptueux paysages sonores oniriques à travers un lyrisme complice particulièrement expressif. Dans la sphère du rock indépendant, ce jeu de corde tantôt pincé tantôt frotté, pourrait évoquer les envolées héroïques du violon romantique de Warren Ellis, acteur majeur des Bad Seeds de Nick Cave et leader de son propre trio, Dirty Three, mais sans le côté distorsion et incendiaire de l’Australien. Mais loin du rock et de la noise, le chemin de Michèle Pierre et de Paul Collomb est une voie volontairement acoustique, sans artifice, qui joue avec les espaces, la profondeur de champ, les silences, mais aussi la retenue comme l’exaltation. L’exploitation physique de toutes les ressources de l’instrument, ce sens du détail sonore, rappelle également les possibilités évocatrices et sculpturales des guitares de l’anglais Andy Cartwright alias Seabuckthorn. L’imaginaire de ces deux musiciens est assurément celui d’un voyage à la portée généreuse et universelle, vers un folklore sans géographie précise autre que celle de la métaphore de la plaine.
L’album Plaines du Duo Brady sera disponible à partir du 10 octobre 2020 en version physique sur le site du groupe et en digital sur bandcamp.
Mole Machine
Depuis quelques mois maintenant, de l’autre côté de l’Atlantique, le micro label, Unlog, basé à Montréal, nous permet de découvrir les émanations créatives de la nébuleuse de producteurs de musiques électroniques qui l’anime. Dernier en date, Mole Machine, de Montréal également, artiste évoluant dans la sphère des musiques électroniques évanescentes, entre breakbeat et electronica. Si les climats qu’il installe sur son plus récent EP Dancing Plague, développent un fort pouvoir d’abstraction, ils ouvrent aussi les portes d’un imaginaire chaotique, nourri de science-fiction, de mythologie et de légendes. Musicalement, le titre Dancing On A Tipping Point survole de très loin l’ensemble de ce format court. De par sa construction tout en progression, où s’additionnent, se répètent et s’entremêlent rythmes, loops et événements sonores, et par effet d’aspirations, qui nous entraîne dans un tourbillon de sens. Devant les images composites de la vidéaste Emma Géraud, à l’origine d’un clip créatif et dynamique particulièrement bien pensé, la sensation s’en retrouve décuplée, à tel point qu’on aimerait se fondre dans cette chorégraphie à la fluidité étonnante, à travers une projection grand format.
L’EP Dancing Plague de Mole Machine est disponible sur le bandcamp du label Unlog depuis le 24 septembre 2020.
Flica
Flica de son vrai nom, Euseng Seto, est un musicien malaisien expérimenté, évoluant sur le label japonais Schole Records. Sur son dernier EP Tappskog, sa musique planante et rêveuse aux effets néo-classical indéniables, agrège avec une certaine douceur une série d’éléments organiques fantomatiques (piano, bruits boisés, guitare acoustique…), le tout avec beaucoup de retenue et de sobriété. Il n’y a rien ici de virtuose ou de très aventureux, mais il exprime avec beaucoup de sincérité une tendre mélancolie en ramenant la musique dans une forme de lenteur méditative, contrastant à l’évidence avec la suractivité du monde moderne. Bien plus des tableaux que de véritables compositions, ces morceaux invitent à se laisser aller, à se perdre dans le son, pour mieux échapper à la frénésie ambiante.
L’EP Tappskog de Flica est sorti le 25 septembre 2020 sur le label Schole Records.
L’ensemble de ces artistes est à découvrir dans les créneaux du Chantier, et plus généralement, sur notre webradio Nuit tu me fais peur.
Le rap est une composante majeure de la playlist du Chantier. Quel autre style de musique que lui peut aujourd’hui s’afficher comme le média populaire de la modernité ? Souvent décrié, jalousé mais aussi vénéré, cet ensemble protéiforme et hétérogène manifeste en 2020, une vitalité éclatante, que ce soit en France, aux États-Unis, et plus largement dans le monde. Bien sûr, il a fortement évolué depuis ses débuts dans les années 80 dans l’hexagone, mais il reste aujourd’hui le lieu d’une profonde inventivité linguistique, d’une musicalité mouvante et innovante, bien que parfois contradictoire et standardisée, pour offrir un espace d’expression sans pareil pour des personnalités singulières et inspirées. Revue d’effectif non exhaustive des artistes à suivre cette année en France.
* Une référence à l’album mythique du groupe américain, A Tribe Called Quest : Beats, Rhymes & Life sorti en 1996 sur Jive Records.
Claustinto
Un trublion, un ovni, un musicien issu de la scène punk alternative lyonnaise (Lady Fitness, ça vous dit quelque chose ?) de son vrai nom, Lucas Ottin, qui percute les préjugés, et s’empare du rap pour mieux le défigurer, le dénaturer, le travestir. Fier de son premier album, On Est Là, sorti il y a seulement quelques jours, il dévoile un étonnant fourre-tout bordélique et déroutant, où se chamaillent, s’hybrident, se télescopent librement punk, chanson, electro, rap, slam, r’n’b, gabber, avec une audace et un sens du propos, dignes d’Odezenne.
L’album de ClaustintoOn est là est disponible depuis le 18 septembre 2020 via Foudrage et Vlad.
Pumpkin & Vin’s Da Cuero
La rappeuse et le beatmaker, désormais basés à Nantes, représentent avec beaucoup d’intelligence et de justesse, l’expression d’un rap conscient et musical, puissant sans être hardcore, mélodieux sans être simplement jazzy, boom bap sans être passéiste. Fidèles héritiers de la philosophie hip-hop, ils projettent, dans une totale indépendance, la sortie d’un album exceptionnel, en fin d’année, avec une abnégation et un état d’esprit qui force le respect, dans la continuité de leurs 2 LPs indispensables, Peinture Fraîche (2015) et Astronaute (2018), sous la bannière de leur propre label, Mentalow Music. Deux titres tournent déjà sur la playlist du Chantier, dont le salvateur Luna Park qui démontre que poésie peut tout à fait rimer avec engagement, finement illustré dans un clip grand écart entre incarnations en mouvement et images médiatiques mouvementées.
Leur album Abysses Repetita sortira le 23 octobre 2020 sur Mentalow Music.
Tiers
Tiers est un rappeur havrais. Il est une figure du rap hexagonal, de ceux qui ont déjà dépassé depuis longtemps la confidentialité underground, mais n’ont pas encore accédé à une notoriété grand public. A l’écoute de sa musique, celui qui volontairement se nommait Tiers Monde, il y a encore peu, a progressivement dévié d’une approche hardcore, sans jamais édulcorer un discours intelligent, autonome et revendicatif, que nous pourrions rapprocher de celui de Youssoupha. À travers son album très remarqué Toby or Not Toby en 2014, il affichait déjà une ambition décisive, loin de la facilité et encore moins de la standardisation. Avec son nouveau EP long format Mamadou, de son prénom à la ville, il signe une nouvelle étape dans sa quête rap (il est aussi à l’origine d’un manga avec le dessinateur Maxime Masgrau : Nako), balayant d’un revers les idées reçues, piétinant avec décalage les clichés racistes et dominants de la société française. Voilà une œuvre contemporaine, bien plus complexe et profonde qu’une écoute de surface pourrait laisser paraître, assumant totalement son ambivalence entre tendance et expérimentation, à travers une inventivité sonore et textuelle surprenante.
L’EP augmenté de 2 titres inédits Mamadou de Tiers est disponible depuis le 09 septembre 2020 sur Mind.
Gohu
De Gohu, nous ne savons pas grand chose, mais il aura suffi de ce seul titre, au milieu de sa création pourtant extrêmement prolifique, pour nous donner envie de pousser un peu plus loin notre investigation dans la générosité de son rap poète et onirique. Sur un instru minimal et cyclique (parfois un peu trop mécanique), il réveille les souvenir émus de son ressenti face au film d’animation du japonais Isao TakahataLe Tombeau des Lucioles pour un titre du même nom. Même si nous percevons encore un artiste qui se cherche encore, et devra s’émanciper à l’avenir de l’ombre de certaines de ses inspirations (Nekfeu ?), se révèle déjà une sensibilité artistique particulièrement touchante et altruiste. Un rappeur à suivre de très près donc.
YN
Ce duo pas comme les autres, qui de ne devait exister à l’origine que pour un one shot, est aujourd’hui l’un des phénomènes du moment. Pas un simple phénomène de foire, à l’énergie bluffante, mais bien une entité incandescente, active, puissante, radicale, articulée autour d’un rappeur physique et chamanique et d’un batteur précis, chirurgical et incisif. Véritable révélation du Crossroads Festival 2020, en version numérique, à travers une session captivante d’un bout à l’autre, Yann et Forbon activent de plus belle les titres de leur EP magistral Chants de Force, pourtant sorti en 2019. Après une sélection remarquée et remarquable lors des sélections Les iNOUïS du Printemps de Bourges 2020, YN se produira en cette fin d’année sur une mini-tournée, en ouvrant notamment dans quelques jours à Beauvais, pour Ausgang, le groupe rock fusion de la rappeuse Casey ! Ce qui n’a rien d’une coïncidence, ni d’un simple hasard !
L’EP Chants de Force est disponible depuis 2019 via Atypeek Music.
Fomo
Sur Premier League, Fomo active un egotrip brumeux et poétique exacerbé, tout en jouant le jeu classique d’une identité « Bad Boy », à travers des allusions au jeu d’argent, à la défonce, au sexe… Il se distingue par un flow extrêmement fluide, rythmé et impactant, dans une approche vocale pouvant rappeler les grands noms de la trap américaine actuelle comme le trio Migos. Au travers d’une verve autoritaire, d’un délicieux sens de l’ellipse et de la métaphore, il dessine avec un minimalisme confondant, et un brin de mystère, les contours d’un personnage sulfureux et fascinant, sans vraiment rien dévoiler. Et c’est là tout son art de la mise en scène, cette étonnante capacité à évoquer une histoire à travers quelques allusions. Si le côté très lancinant et répétitif de l’instru (de DJ Astorm), peut rendre fou, à l’inverse, il sert à la perfection la mécanique envoûtante de ce morceau de rap puissant et mental. En seulement deux titres sorti cette année, dont Premier League, Fomo (qui n’a rien d’un débutant) impose déjà son univers, sa patte de rappeur. A lui de confirmer à l’avenir, et pourquoi pas sur la longueur d’un album.
XIII Amer
Voilà une autre découverte du Crossroads Festival 2020. Rappeur agité, tourmenté, XIII Amer rappe avec un réalisme haletant la vie ordinaire et les méandres de la condition humaine. Sa rage est passionnée, elle lorgne vers le punk (sur scène, il s’empare régulièrement de sa guitare électrique pour martyriser les tympans et libérer les énergies), la trap, le crunk, la fusion, le grime… Je veux est ainsi un morceau sale, bouillonnant et viscéral. Sur ce titre urgent, il enchaîne les punchlines, avec un sens de la formule extrêmement vif et direct. Il lui permet de déverser le trop plein d’émotions, entre frustration, colère, schizophrénie et indignation.
Le premier album de XIII AmerVertige est disponible depuis le 29 Août 2020.
Ces artistes sont en écoute sur Le Chantier et sur notre playlist Les nouveautés du moment sous Spotify.