L’émergence à la croisée des chemins

Actus

Depuis Roubaix, le festival Crossroads construit depuis quelques années une proposition institutionnelle, singulière et dynamique, à vocation professionnalisante pour les groupes programmés, mais avant tout autour d’une dimension artistique très affirmée. Effectivement, si l’objet principal de ce festival est de mettre en lumière une sélection de musiciens et groupes innovants et marquants, devant des professionnels, il intègre cette volonté dans des conditions en public, si nécessaires à la vérité de l’instant. Enfin les années normales ! En effet, en 2020, cette 5ème édition proposera une version numérique inédite.

crossroads festival

Suivez les Crossroads Sessions en live stream du 8 au 11 septembre 2020, dès 21h, sur Facebook et YouTube.

Cette année, l’équipe du Crossroads Festival, formé autour de l’association B.I.C, Brigade d’Intervention Culturelle, a choisi donc d’opter en conscience pour une version entièrement numérique (en tout cas, pour les concerts), sans défaitisme aucun, mais en transformant cette contrainte à travers une proposition innovante et créative de sessions vidéos vivantes et rares captées depuis quelques mois avec la complicité des groupes programmés. Ces sessions ont été pensées pour se présenter sous la forme de montages fins et travaillés dans le cadre d’une diffusion organisée en nocturne et en ligne sur la durée du festival. Au delà de la dynamique du festival, et de sa mission prescriptrice, cette réponse construit ainsi un espace d’expression salvateur pour la scène indépendante française, et notamment celle de la région Hauts de France. La position géographique du festival influence d’ailleurs, largement l’esprit et la couleur du festival, elle qui se trouve à quelques encablures bien sûr de l’Angleterre et de la Belgique, deux terres extrêmement fertiles en matière d’indépendance et de vitalité musicale.

Parmi les groupes programmés cette année, certains sont déjà d’évidents pensionnaires de la playlist du Chantier, comme l’imposant trio This Will Destroy Your Ears, et son grisant post-punk bruyant, émotionnel et cathartique, ou encore le poète Lombre, dont le flow inspiré et hautement habité, agite les esprits sur d’étonnantes ambiances électroniques évocatrices, climatiques et énergiques, en attendant la sortie d’un EP événement imminent.

Ce festival a déjà influencé notre programmation puisque le jeune et prometteur producteur de musiques électroniques Adam Carpels ou encore le surprenant duo rap YN seront très bientôt à l’honneur sur notre antenne. A votre tour de découvrir l’intégralité de la programmation dans la playlist spécialement dédiée à cet effet.

Le Chantier se mobilisera pendant toute la durée du festival, du 8 au 11 septembre 2020, et diffusera depuis notre page facebook, l’intégralité des sessions, dont le programme est disponible depuis quelques jours sur le site du festival. A noter que des rencontres professionnelles nourriront les échanges en journée autour de la question du développement et de la poursuite d’un projet musical (programme également disponible sur le site du festival).

lineup crossroads festival 2020

Dans l’attente d’un retour à la normale pour le milieu musical, saluons la volonté de ce festival, avec cette édition pas comme les autres, tout en espérant qu’elle laissera autant d’images et de souvenirs marquants, comme les showcases passés et mémorables de groupes désormais aussi reconnus que Structures, It It Anita, Tample, ou Juicy des éditions précédentes.

https://www.crossroadsfestival.org/

Laurent Thore

Musique à tous les étages !

Actus

Même au cœur de l’été, à quelques heures de la rentrée, Le Chantier est toujours à l’affût de nouveautés et de découvertes en tout genre. Nos oreilles se portent bien sûr sur des artistes en devenir, confidentiels mais aussi confirmés ou reconnus, signant pour certains des retours au premier plan, à travers des disques, des titres pleins de promesses, de vie, de passion et d’humanité qui irriguent avec brio l’univers musical éclectique et cosmopolite de notre radio.

maine in havana

Les montpelliérains de Maine in Havana ont sorti en février 2020 leur premier album.

Ainsi depuis Cape Town, capitale de l’Afrique du Sud, la jeune musicienne Chantel Van T nous a littéralement émerveillé avec un titre de la force de Rumble And Crawl, digne des plus intenses moments de la grande Hope Sandoval, voix magistrale de Mazzy Star.

Un duo risque de fortement d’agiter notre playlist dans les mois qui viennent avec son rock libre, incandescent, voyageur et dansant, marqué par le blues des touaregs du désert, le rock de Led Zeppelin et le funk afro américain. Il s’appelle Bafang, son titre Mounaye est une véritable invitation au lâcher-prise.

Le rock tourmenté des américains Plague Vendor, fer de lance du label américain Epitaph se manifeste à travers l’électrisant SPF, à l’humeur post punk/post hardcore, trait d’union idéal entre Le Chantier et notre webradio La Messe de Minuit.

Toujours dans un registre tourmenté, mais dans une veine rock beaucoup plus marqué par le blues, le psycho et le punk, Maine In Havana délivre d’étonnantes incantations vaudou avec la sensibilité du Gun Club, l’art de la mise en scène d’un Tom Waits et la furie de Birthday Party, le premier groupe de Nick Cave.

Enfin sorti de nulle part, ou presque, le titre Tenir Debout annonce, espérons-le, le retour très attendu de Rocé, rappeur majeur et indispensable, penseur libre et grand activiste culturel. Très peu d’informations autour de ce titre, qui s’affiche surtout comme une déclaration spontanée d’intelligence et de conviction, si nécessaire en ces temps d’incertitudes, de violences, de dérives médiatiques.

Vous pouvez retrouver les titres phares de notre programmation à travers notre playlist Les Nouveautés du Moment sur Spotify.

https://chantelvant.com/
https://bafang.bandcamp.com/
https://plaguevendor.com/
https://www.facebook.com/maineinhavana
https://horscadres.net

Laurent Thore

La rage des combattants

Actus

Le groupe canadien The Acacia Strain a déjà prouvé depuis ses débuts à l’aube des années 2000, sa vaillance, sa passion et sa furie. Il est aujourd’hui une véritable référence mondiale, aussi bien médiatique que musicale, à travers son mélange cohérent, incarné, et très homogène de death implacable, et de hardcore brutal à faire passer les maîtres du genre « Holy Terror » pour de joyeux lurons.

the acacia strain slow decay

Tom Smith, Devin Shidaker, Vincent Bennett, Kevin Boutot et Griffin Landa a.k.a. The Acacia Strain
© Mike Watson

Si en 2019, les membres de The Acacia Strain, avaient ouvert sur le long format It Comes In Waves de nouvelles perspectives climatiques au cœur d’une discographie intraitable et massive, ils reviennent avec Slow Decay avec l’un des albums les plus puissants, directs et abrasifs de ces derniers mois, dans le champs des musiques extrêmes, toutes catégories confondues. En somme, un bonheur pervers, et un disque idéal pour notre web radio spécialisée La Messe de Minuit. De quoi rompre pour quelques temps, notre addiction à des albums aussi importants, qu’Arise de Sepultura, Reign In Blood de Slayer, Forever War de Kickback ou encore Burn My Eyes de Machine Head.

Certains reprochent à ce poids lourd (au sens propre comme au figuré) un pessimisme extrême aussi bien en interview que dans des textes sombres et terribles. Du côté du Chantier, nous pourrions voir dans la catharsis inhérente à cette musique intense et pénétrante, une manière extrêmement combative d’exorciser doutes, tourments, sidération, mélancolie. Si un groupe comme Gojira (à côté duquel nous pouvons largement placer The Acacia Strain au même plan) développe un imaginaire mystique et monumental, inscrit dans un univers héroïque et fantasmagorique, il propulse avant tout sa musique dans la verticalité, où leurs morceaux s’imposent comme d’intenses rituels païens et incantatoires.

A travers Slow Decay, après une parenthèse empreinte de mystères et de détours lithaniques inhabituels, The Acacia Strain active en contraste par rapport à Gojira, son tempérament le plus ardent et son humeur la plus guerrière, au sens actif du terme. Pour le dire autrement, le chanteur et leader désigné, Vincent Bennett, et sa bande ramènent leur musique au cœur de la bataille, dans une horizontalité, un ancrage au ras du sol dans l’élément terre, et pour poursuivre la métaphore belliqueuse, dans des duels rapprochés, même si The Acacia Strain ne cultive pas qu’à la marge une imagerie chevaleresque et médiévale. Cet aspect est évidemment à rapprocher des racines hardcore des canadiens, mais aussi de leur attirance pour le « headbanger » métal façon Pantera, couplant à la fois un rapport extrêmement physique à la musique, avec une manière très direct de se nourrir du réel.

Concrètement, aucun morceau de ce nouvel album ne dévie véritablement d’une trajectoire rectiligne et dévastatrice, à tel point que sur la longueur, le groupe pourrait laisser penser qu’il ne pourra s’arrêter qu’une fois sa mission totalement accomplie. Et il faut d’ailleurs pratiquement attendre, One Thousand Painful Stings, Birds Of Paradise, Birds Of Prey et l’assourdissant EARTH WILL BECOME DEATH pour entrevoir des plages d’accalmies et une forme d’apaisement (très relative), mais si le côté indus, tribal, presque sludge de I Breathed In The Smoke… avait déjà apporté une respiration au sein du tracklisting. Cette dynamique générale s’exprime par une sobriété technique voulue (ils sont capables de beaucoup plus de virtuosité et de démonstration) s’illustrant par une complicité collective permanente. A cette intention très assumée et très volontaire, s’ajoute la formidable mise en scène de featuring de haut vol, qui répondent à merveille au chant expressif, viscéral et radical de Vincent Bennett. Difficile à cet égard, de ne pas évoquer la présence vocale irradiante et décisive, de la frontwoman Jess Nyx, du groupe canadien Mortality Rate, sur le sommet de Slow Decay : The Lucid Dream, et ses alternances rythmiques diaboliques. Les présences vocales de Jess Nyx, mais aussi d’Aaron Heard (Jesus Piece) et de Zack Hatfield (Left Behind) cassent d’ailleurs le côté linéaire de la musique de The Acacia Strain, principal défaut esthétique qu’il leur est souvent reproché.

Dans une année singulière, révélatrice d’une réalité suggérant un avenir particulièrement sombre et obscurci, des musiciens comme The Acacia Strain optent pour une réponse artistique virulente, exacerbée, brutale et frontale, pour tenter de dépasser les visions d’apocalypse qui envahissent nos pensées et les médias en général. Loin de sombrer dans les travers de la dépression et du nihilisme, la radicalité affichée de ce disque est certainement bien plus la résultante d’un acte créatif, animé par le souffle de la vie et la passion, bien plus que par un unique renoncement désespéré, malgré l’évocation d’un scénario, on ne peut plus noir, dans le titre EARTH WILL BECOME DEATH. Dans une période, où beaucoup cherchent à redonner du sens à notre existence même, The Acacia Strain interroge à sa manière, au delà d’une forme particulièrement abrupte, dans le fond et avec une certaine philosophie, des notions aussi fortes que celle de la foi (Seeing God) ou encore du rapport culture et nature Feed a Pigeon, Breed a Rat (avec un point de vue d’ailleurs certainement très canadien de par ses thématiques). A ce jeu là, Slow Decay s’impose comme l’album phare du moment, de notre programmation métal, tant par sa force incommensurable que par son intelligence radicale. Il est à découvrir, et surtout à déguster sans modération sur notre webradio La Messe de Minuit et sur son équivalent en terme de créneau consacré aux musiques extrêmes, sur Le Chantier, tous les soirs de minuit à une heure du matin.

Slow Decay de The Acacia Strain est disponible depuis le 24 juillet 2020 sur le label Rise Records.

https://www.facebook.com/Theacaciastrain/
https://www.bastardcrew.com/

Laurent Thore

Peter Walsh, plus loin que la musique

Actus

L’australien Peter Walsh, plus connu sous le nom de son groupe culte The Apartments sortira en septembre prochain « In And Out Of The Light », nouveau long format d’une discographie précieuse et fine, nouveau chapitre d’une vie personnelle et artistique troublée, mais pourtant aujourd’hui, encore plus que jamais, pleine de (en)vie et d’inspiration.

peter walsh the apartments

Peter Walsh
© Bleddyn Butcher – 2020

En matière de songwriting, Peter Walsh a peu d’équivalent. Il faudrait certainement évoquer des monuments comme Bob Dylan ou Leonard Cohen pour trouver la mesure d’une comparaison lucide et parlante. Il n’est pas forcément nécessaire de revenir sur les raisons pouvant expliquer pourquoi cet artiste singulier n’ait jamais accédé à la notoriété de son compatriote Nick Cave ou à la consécration médiatique et mondiale du leader et chanteur de The National, Matt Berninger, malgré des signes souvent très positifs depuis ses débuts en 1978. Une histoire de destin, de vie, de mauvais hasard, de conjoncture, de tempérament peut-être. Une histoire de renaissance aussi, de celui qui après une longue période d’absence discographique (presque 20 ans), signait un retour magistral en 2015 avec le bouleversant, No Spell No Song No Madrigal (Microcultures). Une histoire d’amour aussi avec la France, où des mélomanes fidèles ont depuis longtemps manifesté une grande attention à ce grand romantique, élégant et lettré, à l’image du producteur et animateur de radio Vincent Theval, pour lequel il avait invité Peter Walsh pour l’un des plus beaux moments, compilé sur Seven Songs par Talitres.

Dans l’univers du rock, de la pop et de la folk, il est très loin de l’exubérance de certains et certaines. Sa voix n’a rien d’exceptionnel, et pourtant elle reste confondante et unique. Elle est le reflet de la vie, imparfaite, pleine de nuances et de défauts. Elle n’appartient qu’à lui, elle ne sait pas mentir, elle ne fait jamais semblant. Ils sont peu nombreux à exprimer comme lui le sentiment mélancolique avec une telle justesse, une telle vérité. Le signe d’une grande humanité, qui se révèle souvent à travers une grande tendresse (Mr Somewhere), mais aussi parfois une rage piquante et punk comme sur Refugee (inédit accompagnant la réédition de son premier album par le label Captured Tracks en 2015). Elle est par moments l’expression d’une tristesse bouleversante à l’image du sublime Twenty One, sommet de No Song, No Spell, No Madrigal. Il ne cède néanmoins jamais sur ces chansons à la dépression, au désespoir, peut-être parce que l’écriture, la musique ont toujours été pour lui ce lieu de catharsis indispensable lui permettant de dépasser ses propres obsessions et ses tourments.

Parler d’une forme d’apaisement pour In And Out Of The Light pourrait être à la fois réducteur et inapproprié. Le titre de l’album par lui-même exprime d’ailleurs une ambivalence certaine, pouvant englober toute la complexité de la condition humaine. A l’inverse, sa musique, sa voix n’ont jamais semblé aussi libérées au sens propre, et d’une certaine manière aussi libérées de la pression personnelle, liée à son exigence pour et par lui-même. De mémoire, d’ailleurs, Peter Milton Walsh s’est déjà signalé à cet égard par l’évocation de ressentis très durs sur ces propres enregistrements. Au contact de son nouveau groupe stabilisé autour de fidèles comme Antoine Chaperon, Natasha Pelot, Nick Allum… (décisifs sur l’album Live à l’Ubu sorti en 2019 sur Talitres), il affiche une assurance et une sérénité qu’on ne lui connaissait pas encore. Rien de prétentieux ou de maniéré, mais sur un morceau comme What’s Beauty To Do, il laisse ses émotions s’épanouir comme rarement, entraîné par un climat de confiance palpable. Fidèle à ses habitudes, Il alterne sur ce LP, pour notre plus grand bonheur, instants d’intimité et de proximité à l’instrumentation réduite (The Fading light) avec des envolées lyriques, plus collectives (Where You Used To Be). Un premier extrait disponible dès à présent lève le voile sur un ensemble extrêmement homogène et cohérent, le très sobre Pocket of Sunshine petite merveille d’acoustique.

Au delà de la musique, la sortie In And Out Of The Light est la consécration d’une histoire passionnante (qu’on espère encore très longue), comme seules peuvent en engendrer les musiques populaires, pour le meilleur comme le pire, celle d’un témoignage vivant et concret d’une résilience artistique et personnelle fascinante, produisant ici un signe d’espoir et d’humilité très noble, dans une période de morosité ambiante particulièrement troublée.

Pocket of Sunshine est à découvrir depuis quelques jours sur la playlist du Chantier. Pour accompagner cet article, vous pouvez également écouter cette sélection non exhaustive issue de la discographie de The Apartments.

In And Out Of The Light est prévu pour le 19 septembre 2020 sur le label Talitres.

https://www.facebook.com/theapartments/
http://www.talitres.com/

Laurent Thore

Depuis Montréal, Poirier, une autre mondialisation

Actus

Avec « Soft Power », le DJ et producteur Poirier, une des figures du mouvement Tropical Bass, donne à entendre une autre voix que celle de l’info continue.

ghislain poirier soft power

© Saty + Pratha

Le québécois Ghislain Poirier est aujourd’hui une des grandes figures d’un courant mondialisé des musiques électroniques, englobé sous les termes de Tropical Bass ou de Global Bass, provoquant des objets hybrides aux confluents de la culture club, de l’esprit sound-system et des singularités musicales régionales à l’échelle de la planète, à contre-courant d’ailleurs de certaines pulsions exotiques de la musique pop. Chez ce DJ volontairement nomade, ce chemin esthétique est avant tout motivé par des notions aussi fondamentales, que le respect, le partage, la découverte. Depuis Montréal, carrefour cosmopolite de cultures et d’énergies, au même titre que Londres, la Nouvelle-Orléans ou Paris, sa musique est indéniablement marquée par la diversité, reflet expressif de la vie diurne et surtout nocturne de la capitale Nord-Américaine, à l’image de ses soirées Qualité de Luxe et Bounce Le Gros.

À l’évidence, l’influence des musiques caribéennes a toujours été déterminante dans son approche du son et du rythme. Aujourd’hui sur son nouvel album Soft Power, le producteur a élargi encore un peu plus son horizon musical, mais a aussi substitué la frénésie percussive de ses « beats » dansants et extatiques, par des climats plus contemplatifs et apaisés. Pour une radio comme Le Chantier, de savoir que sa passion a quelque part explosé au milieu des années 90, en tant qu’animateur de l’émission Branché : Monde de la radio universitaire de Montréal a tout d’un symbole. D’ailleurs à ses débuts de producteurs, ses aspirations étaient plutôt orientées vers des formes abstraites et instrumentales de techno et de Hip-hop, définies largement à l’époque par le label londonien Ninja Tune et son radioshow mythique Solid Steel. Ce n’est que quelques années plus tard, que sa musique deviendra foncièrement collective, à l’image de featurings marquants avec les français de TTC, la jamaïcaine Warrior Queen mais aussi avec de fidèles compagnons de route comme les détonants Face T, MC Zulu et bien sûr Boogát et Samito (toujours à l’affiche de Soft Power), soit la fine fleur de la scène Dancehall et Tropical Bass de Montréal.

Dépassant profondément la sphère des musiques à danser, Soft Power se transforme en un véritable voyage sonore et sensoriel, voyage aux cœur des langues (Créole, Wolof, Portugais, Espagnol…), au cœur de la musique (Bossa-Nova, Dancehall, House, Kompa, Twoubadou, Blues, Electronica, Soukous…), au cœur de l’axe transatlantique et donc par procuration, d’une histoire complexe et encore très actuelle. Ce voyage est piloté par des musiciennes aussi inspirantes que la Parisienne Mélissa Laveaux, l’Haïtienne Coralie Hérard que les Brésiliennes Flavia Coehlo et Flavia Nascimento, mais aussi par une figure de la diaspora musicale africaine de Paris, le multi-instrumentiste Daby Touré, fils de l’un des membres fondateurs des mythiques Touré Kunda. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard, si ce nouvel album, sort sur le label de Brooklyn, Wonderwheel Recordings, animé par le DJ Nickodemus, autour d’un catalogue pléthorique et cosmopolite, à l’image de la compilation regroupant 24 MCs de la planète, A Global Minute, From Hip Hop With Love.

D’une certaine manière, Poirier donne à entendre grâce à Soft Power et depuis Montréal, une autre mondialisation, à contre-courant de la mondialisation anxiogène et médiatique, définie par les chaînes d’info en continu, une mondialisation culturellement très riche, curieuse, lucide et ouverte d’esprit, qui se moque des murs qui voudraient se dresser un peu partout dans le monde. A l’issue des ces 12 titres d’ailleurs, se pose la question logique autour des prochaines escales qui pourraient marquer un deuxième volume de Soft Power.

Soft Power de Poirier est en écoute sur Le Chantier depuis le début du mois de Juillet. A cette occasion, Le Chantier vous propose de vous immerger dans une playlist Spotify créée pour l’occasion (et totalement subjective), retraçant l’évolution stylistique de Poirier jusqu’à aujourd’hui.

http://www.wonderwheelrecordings.com/
https://www.facebook.com/PoirierSound/
https://wonderwheelrecordings.bandcamp.com/album/soft-power

Laurent Thore

Sur la porte du frigo

Actus

« T’en as plus pour longtemps / je t’ai pas cherché pourtant… » C’est une sorte de monologue introspectif qui ouvre cette chanson d’Emmanuelle Destremau, alias Ruppert Pupkin. Des phrases qui pourraient être celles de victimes de violences. Vous savez, celles qui s’affichent et se collent, lettre par lettre, sur les murs ces temps-ci.

ruppert pupkin emmanuelle destremau

Emmanuelle Destremau a.k.a. Ruppert Pupkin
© Margaux Bonhomme

Tourné ces derniers mois en plein confinement, le clip de DANS MA PEAU – On ne tue jamais par amour est un bijou de court-métrage, signé Bruno Merle. C’est aussi une proposition qui fait suite au tragique constat de l’aggravation des violences conjugales et domestiques pendant cette période d’isolement social.

À l’image, les pièces d’un puzzle s’assemblent peu à peu, celles de la vie d’une femme. Elles deviennent des éléments clés permettant de comprendre ce qui s’est passé ou ce qui aurait pu se passer. Une maison chargée de souvenirs, d’objets totems, symboliques de ce que pourrait être une vie heureuse. Celle qu’on colle par petits bouts, sans y penser, derrière des magnets. Pas sur les murs des villes, mais sur la porte du frigo.

Les mots sont forts, la musique et l’interprétation de Ruppert Pupkin sont puissantes et sensibles. Dans ma peau, t’es dans ma peau, c’est une une incantation, une menace qui change de sens au fil des images, alors que dans nos oreilles se mêlent la version live de la chanson, et celle de l’album Digital After Love (2019 – Actes Sud Musicales) – et ce savant mélange marque une rupture, une de plus.

DANS MA PEAU – On ne tue jamais par amour, un clip de Bruno Merle

Charlotte Waelti

Le Petit Prince dans un drôle de Château

Actus

Petit Prince est un esprit joueur de la nouvelle chanson française, si tant est qu’elle existe réellement. Depuis 2015, ce musicien espiègle cultive volontairement un monde enfantin sans vraiment l’être, où se conjuguent écriture faussement naïve, mélodies acidulées, lyrisme totalement assumé et digressions sonores captivantes.

petit prince elliot diener

Elliot Diener a.k.a. Petit Prince
© Florine Hill

Derrière ces élans hédonistes colorés, parfois excessifs, se cache une sensibilité peu commune, à l’image de son nouveau titre JSP pour Je ne sais pas. Dans ce titre lumineux et expressif, il formule avec beaucoup de limpidité ce que beaucoup peuvent ressentir dans un monde de plus en plus complexe et aliénant. Faisant suite à l’imposant Chien Chinois, à l’émouvant, Tendresse Sur Canapé, au très rêveur Endors Toi (tous largement diffusés sur Le Chantier), il lève encore un peu plus le voile sur son premier album Les Plus Beaux Matins, à venir en septembre prochain, sur le label sans tabou ni complexe, Pain Surprises (Futuro Pelo, Jacques, Salut C’est Cool…). Un album élégant, malin et musical qui devrait placer de fait, notre jeune musicien aux côtés de révélations comme Voyou, dans une filiation d’esprit auprès d’artistes aussi remarquables que Flavien Berger, Chevalrex et même l’unique Katerine.

Dernièrement, Petit Prince a répondu à l’appel de la Blogothèque, pour une très belle session acoustique en mode Take Away Show, pleine de vie et de ludisme au cœur de l’étonnant château de Groussay. Aux côtés de ses complices, Zoé Philippot, Thibault Chevallier et Jérémie Arcache, il interprète avec beaucoup de simplicité et d’envie son dernier titre JSP ainsi qu’Endors toi. Elle est à découvrir aujourd’hui sur le site du Chantier.

Le titre JSP de Petit Prince est à retrouver dans la playlist Spotify Les Nouveautés du Moment du Chantier.

Pour plus d’infos:
https://www.facebook.com/petit.prince.music/
https://www.instagram.com/petit_prince_music/
https://www.painsurprises.fr/
https://www.facebook.com/Painsurprises/
https://blogotheque.net/categories/take-away-shows

Laurent Thore

Ennio Morricone, hors catégorie !

Culture

Par ce beau lundi de juillet, on se trouve bien en peine à essayer d’imaginer la bande originale qui aurait suffisamment de souffle pour les funérailles du maestro.

ennio morricone

Ennio Morricone à l’hôtel Concorde La Fayette, Paris, le 20 octobre 2002
© Delphine Goldsztejn / BEP / LE PARISIEN / MAXPPP

Il a écrit lui-même le communiqué de sa mort : “Moi, Ennio Morricone, je suis décédé. Je l’annonce aux amis proches et autres, plus lointains. La seule raison qui me pousse à saluer comme ça et à avoir des funérailles privées, c’est que je ne veux déranger personne”. Lue par son avocat devant un hôpital de Rome, cette déclaration d’Ennio Morricone a pourtant fait grand effet, partout dans le monde. Au beau milieu des déserts d’Espagne et dans le creux des vallées de l’Utah, au fin fond de la salle Pleyel comme en travers des avenues de Little Italy, une petite mélodie inquiétante, soudain a retenti. De l’harmonica.

L’homme a l’harmonica, justement (Il était une fois dans l’Ouest) : ces quelques notes, c’était une partie de la musique du film, ou bien un personnage à part entière ? On ne sait plus très bien. Mais longtemps après sa mort, elle colle encore à Charles Bronson comme la sueur sur sa peau tannée.

ennio morricone

50 years of music, Cracovie, Pologne, le 14 février 2015
© Jacek Bednarczyk / EPA / MAXPPP

C’est qu’avec Morricone, les personnages, les décors, les situations et la musique qui les accompagnait – les magnifiait – se confondaient totalement. Sergio Leone lui-même considérait qu’engager Morricone sur ses productions, c’était déjà la moitié du boulot de fait.

Alors voilà, on n’a pas la bande originale pour accompagner Morricone au cimetière, mais disons simplement qu’il ne faudrait pas se contenter de quelques notes de banjo. Parce que Cinema Paradiso, La Cage aux Folles, Le Professionnel, pour n’en citer que trois, c’était lui aussi. Pour finir, disons que définitivement, le monde se divise en deux catégories : ceux qui connaissent l’importance de la musique au cinéma, et ceux qui creusent.

Benoît Bouscarel

Session live inédite pour une figure de la scène indé belge

Actus

Une session en forme d’invitation dans l’intimité créative de River Into Lake pour une interprétation minimale de l’inédit « Grande Prairie ».

river into lake boris gronemberger

Boris Gronemberger a.k.a. River Into Lake
© Colline Etienne

Si pour beaucoup, le nom du musicien Boris Gronemberger n’a rien d’évocateur, son implication auprès du groupe Girls in Hawaï sur l’album Refuge, mais aussi auprès de Françoiz Breut ou encore des bruxellois de Lonely Drifter Karen atteste d’une sensibilité esthétique particulièrement fine et inspirée. Indéniablement, il est aussi aujourd’hui un des acteurs remarquables et importants de la scène indépendante européenne. En effet, sous le nom mystérieux de River Into Lake, il laisse libre court depuis quelques années à sa créativité débordante, à l’image du passionnant Let The Beast Out, sorti en 2019. Des titres aussi majestueux que The Book On Your Chest et Misunderstanding, extraits de ce LP, font depuis les débuts du Chantier le bonheur de notre playlist, aux côtés de figures aussi emblématiques que Radiohead et Grandaddy.

Au printemps dernier, c’est avec beaucoup de liberté et de simplicité que le Belge a dévoilé sur les réseaux un magnifique titre inédit Grande Prairie, prélude à un nouvel EP The Crossing à paraître l’hiver prochain.

Aujourd’hui, l’âme solitaire de River Into Lake dévoile dans une session live confondante de minimalisme l’intensité émotionnelle qui l’habite dans le développement de ce morceau pop évanescent à la montée électro totalement obsessionnelle. Elle est à découvrir ici même, là, maintenant : débranchez le cerveau et laissez-vous porter.

Le nouvel EP The Crossing de River Into Lake sortira le 04 décembre prochain.

https://riverintolake.bandcamp.com/
https://www.riverintolake.com/

Laurent Thore

Sun Is Shining

Actus

L’été s’installe un peu partout et notamment au cœur de la programmation musicale du Chantier, avec de nouveaux titres lumineux, élégants, spontanés et généreux.

the allergies dj moneyshot rackabeat

DJ Moneyshot et Rackabeat a.k.a. The Allergies, de retour en 2020 avec un nouvel album !
© Khali Ackford

En ce moment sur notre radio, le soleil brille au travers des sensations breakbeat chaudes et colorées du duo anglais The Allergies. Formé par DJ Moneyshot et Rackabeat, tous deux turntablists de talent, ils sont reconnus pour leurs sets de vinyles 45 tours. Avec Say The Word, leur nouvel album, ils mettent en avant les sons de l’âge d’or de la funk, de la soul et du hip-hop.

Notre playlist célèbre aussi le plaisir de se retrouver entre amis sur les terrasses, à l’image des envolées folk collectives de l’italien Edoardo Florio Di Grazia.

L’été c’est aussi un synonyme de voyages et d’évasions, en se laissant emporter pourquoi pas par les digressions organiques du talentueux Samba de la Muerte, ou par la fraîcheur du cocktail énergique de dancehall, de reggaeton et de folk acoustique de Lisza.

L’album Say The Word de The Allergies sortira le 17 juillet prochain sur le label Jalapeno Records.

L’EP Vive l’Itance d’Edoardo Florio Di Grazia est disponible depuis 19 juin 2020 sur le label Comet Rec.

L’EP Landmark de Samba de la Muerte est disponible depuis le 26 juin 2020 sur le label Nowadays.

L’album de Lisza, Charango, sortira le 14 août prochain sur le label Animalé.

Laurent Thore