Sur Brut, le président veut renouer avec la jeunesse

Social

Ce vendredi 4 décembre, Emmanuel Macron doit accorder une interview à Brut, pour tenter de toucher une partie de la jeunesse.

MEDIA
Emmanuel Macron veut renouer avec la jeunesse avec une interview accordée à Brut

Les élèves des lycées Saint Cricq et Louis Barthou en colère, dénonçant les mesures sanitaires.
Pau, le 5 novembre 2020.
© David Le Deodic / PhotoPQR / Sud Ouest / MaxPPP

Il interviendra notamment sur la crise économique et sanitaire, les discriminations, les violences policières, l’environnement… Autant de thématiques sur lesquelles on constate des clivages très forts, au sein d’une jeunesse plus fracturée que jamais.

Pour Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l’IFOP dans un entretien accordé au Chantier, le risque de décevoir est grand pour Emmanuel Macron

Propos recueillis par Benoît Bouscarel

Vendredi noir, vendredi vert

Environnement

La critique du Black Friday n’est pas réservée à de dangereux anarchistes qui s’habilleraient en peau de bête mal tannée…

Les alternatives au Black Friday

Plusieurs membres de la compagnie « Cactus Teatro » participent à une performance organisée par l’ONG écologiste « Ayuda en Acción » dans le cadre de la campagne « Do We Consume Happiness? » dans un quartier commerçant du centre-ville de Madrid, le 24 novembre 2017.
© ZIPI / EFE / MaxPPP

Parmi les initiatives qui viennent souligner toute l’absurdité, et surtout toute la dangerosité, de la consommation de masse, on trouve aussi… des commerçants (qui voient leur métier autrement) : WeDressFair par exemple (traduction : « on s’habille équitable »), une plateforme d’achat de vêtements en ligne qui propose une sélection de marques éthiques et responsables. WeDressFair a fermé son site internet lors d’un récent Black Friday, pour défendre la consommation raisonnée contre l’achat compulsif… L’emploi rationnel des ressources naturelles plutôt que la surproduction…

En signe de protestation identique, l’enseigne Faguo réunit 720 marques françaises dans un collectif Make Friday Green Again (salut Donald) en soulignant que chaque année, 500 millions de vêtements sont jetés en France, et que l’on pourrait donc largement : récupérer plus, recycler, réparer, raccommoder…

Autre mouvement, plus connu : le Green Friday (vendredi vert) est présent dans toute l’Europe. Il s’agit de chercher à encourager le grand public à adopter une consommation moins excessive, de façon durable et surtout responsable. Green Friday propose également de reverser 10% des bénéfices effectués pendant la période faste qui précède les fêtes à des associations qui luttent pour l’environnement.

Citons également Black For Good, constitué de 80 marques qui ont reversé en 2019 les bénéfices à des associations et qui fort de ce succès, entendent tripler les bénéfices pour cette année… L’ambition de ce mouvement est de créer un équilibre où tout le monde peut-être gagnant : les consommateurs, les fabricants, les commerçants et l’environnement.

Comme le souligne Greenpeace, sans doute vaudrait-il mieux opter pour le changement de nos us et coutumes en matière de consommation… ce qui passe par le boycott des achats non indispensables pour redécouvrir les vertus du consommer mieux.

Pour riposter contre le Black Friday, symbole d’une consommation démesurée, des associations et des entreprises se mobilisent pour sensibiliser les consommateurs aux dérives du consumérisme et faire grandir une consommation plus responsable.

Ce qui est très bien… mais il faudrait peut-être voir au passage, à cesser la surconsommation irraisonnée de termes anglais…

Pascal Rué

Choisir le bon masque

Actus

Le premier se nomme Enguerran, il est le batteur. Il est celui par qui la vie jaillit du sol et se transforme en pulsations irrésistibles. Le second se nomme Lancelot, il est le guitariste. Il est celui par qui la foudre pénètre les vibrations des cordes, et se transforme en électricité sauvage et jubilatoire. Ils forment le duo Bafang. Fiers de leur premier album fraîchement sorti dans les bacs, les deux rockeurs activent toute la puissance de leur rock incandescent dans le clip d’Ibabemba, vidéo inventive, foisonnante de couleurs, de culture et d’esprit.

Ibabemba nouveau clip de Bafang

Le titre de leur LP, Elektrik Makossa, est un clin d’œil évident à la figure tutélaire de Manu Dibango, véritable emblème et fierté du Cameroun, le pays de leurs grands-parents. Leur illustre aîné débarque très jeune à Marseille en 1949, il se fraye ensuite un chemin dans les clubs de jazz de la capitale en compagnie d’un autre des acteurs de la diaspora artistique camerounaise en France, Francis Bebey. Curieux de nature, et avant tout amoureux de la musique avec un grand M, il s’ouvre au mambo et à la biguine antillaise, se frotte au rock naissant avec Dick Rivers, et même au rhythm ‘n’ blues afro-américain en devenant le chef d’orchestre de Nino Ferrer.

Bien des années plus tard, sur les côtes normandes, depuis Caen, à sa manière, la musique de Bafang est devenue également un joyeux creuset culturel et cosmopolite, façonné par les rencontres et les expériences musicales. Elle reste foncièrement rock dans l’âme, si tant est que le rock ‘n’ roll reste avant tout un état d’esprit plutôt qu’une posture. Sur Ibabemba, dans le son comme dans l’image, le rock ‘n’ roll s’embrase ainsi comme la guitare de Jimi Hendrix. Il rentre en fusion comme les éruptions volcaniques de Rage Against the Machine. Mais il reste libre et se moque des frontières : fier de son métissage vibrant, il est joyeux et volontaire. Il revendique aussi bien ses propres racines à l’image de celui de l’immense musicienne haïtienne Moonlight Benjamin, que l’héritage de Led Zeppelin, de Muddy Waters et de Sister Rosetta Tharpe. Il n’oublie jamais que la danse est au cœur de la vie, et qu’il doit toujours s’adresser aussi bien au corps qu’au cœur de l’humanité.

Si le rock américain est la musique du diable, elle devient ici la musique du Njounjou, cet esprit du mal et de la méchanceté qui pénètre l’esprit des hommes quand ils recouvrent leurs visages en choisissant le mauvais masque.

Pour résumer, nous pourrions entendre et percevoir à travers Ibabemba, une délicieuse métaphore philosophique, ensoleillée et colorée de la vie en général, cette mise en scène de la lutte interne et éternelle de la condition humaine, incitant chacun à lutter contre ses propres démons, assumer ses propres choix, pour trouver le chemin de la liberté et de l’émancipation.

https://www.facebook.com/BAFANGOFFICIEL/
https://www.instagram.com/bafangband/
https://bafang.bandcamp.com/album/elektrik-makossa


L’album Elektrik Makossa est disponible depuis le 27 novembre 2020 sur le label Soulbeats Records.

Laurent Thore

Le cerveau reptilien de Magon

Actus

En route vers son deuxième album ! Le musicien indé Magon met en scène un personnage moitié homme moitié lézard dans un étonnant clip surréaliste, soulignant à merveille les soubresauts mélodiques et la poésie kafkaïenne de son nouveau tube héroïque, « Aerodynamic », fortement marqué par l’empreinte des Pixies. Avec beaucoup de maîtrise et d’envie, il démontre aisément qu’il faudra compter avec lui en 2021 en matière de rock indé.

Magon Aerodynamic

Selon le psychologue du développement, l’américain Howard Gardner, il existe plusieurs formes d’intelligence, souvent niées par l’école d’ailleurs. Le punk l’avait bien compris en permettant la revanche des cancres et des derniers de la classe. Dans le cas de Magon, s’impose une intelligence mélodique hors du commun, de celle des élèves brillants de la classe « songwritter », la même qui habite Frank Black, Jason Lytle et autres H-Burns.

Sous des airs simples et évidents, un titre comme Aerodynamic active tous les voyants, qu’il se nomme grunge, noisy pop, garage rock, folk alternatif, dans ce jeu extrêmement fin entre angélisme pop et libération électrique bruitiste. Nous constations également il y a quelques semaines, les éléments de l’évolution de cette grande promesse indie, en évoquant des figures comme Jeffrey Lewis et Adam Green. Magon partage avec eux, ce sens créatif, cette capacité à mobiliser le moindre interstice, la moindre émotion, cette vie intérieure pour en faire une chanson redoutable et imparable. La poésie faussement absurde et décalée de ses paroles (peut-être influencée par les préceptes de la beat generation ?) se confond totalement dans la mécanique narrative à tiroir totalement décomplexée de ce clip artisanal, réalisé par Magon lui-même.

« Your head is special
Aerodynamic
You split the ocean
Onto a sanctuary
Your favorite honey
So transcendental
In ceremony
You leave me lonely »


« Ta tête est spéciale
Aérodynamique
Tu ouvres l’océan
Sur un sanctuaire
Ton miel préféré
Tellement transcendantale
Pendant la cérémonie
Tu me laisses seul »

L’album Hour After Hour de Magon sortira le 29 janvier 2021 sur le label December Square et distribué par Differ-Ant.

https://www.facebook.com/magonmusic/

Laurent Thore

Être soi plutôt qu’une autre

Actus

La quête identitaire qui semble être le fil conducteur de Klô Pelgag depuis ses premiers pas discographiques en 2012, et plus encore depuis son premier album fondateur, l’Alchimie des Monstres, en 2013, atteint aujourd’hui une forme de paroxysme créatif, avec la ferveur expressive et l’activité chorégraphique du clip de « Mélamine », morceau phare et emblématique de son splendide 3ème album, Notre-Dame-des-Sept-Douleurs. Au-delà d’être un phénomène de liberté et de passion, la musicienne québécoise déroule un étonnant chemin entre sa culture francophone et un appétit musical largement influencé par la musique anglo-saxonne.

Klô Pelgag Mélamine Notre-Dame-des-Sept-Douleurs

Comme beaucoup d’artistes québécois, Klô Pelgag est certainement perçue en France comme un exotisme, une sorte d’extraterrestre, dont nous comprenons la langue mais pas vraiment le sens de sa poésie imagée et sinueuse. Nous approchons peut-être un peu trop d’ailleurs sa musique avec le filtre de l’héritage de la chanson française, avec la loupe grossissante de la machine à normaliser qu’est la variété. Pourtant d’une certaine manière, Klô Pelgag est bien plus proche artistiquement de l’immense Shara Worden (désormais Shara Nova) alias My Brightest Diamond, musicienne américaine à l’imagination débordante, à la musicalité exceptionnelle, que du classicisme élégant et sensible de Juliette Armanet. La proximité géographique et par extension, culturelle, certainement.

Les doutes, les insomnies, les cauchemars, les incertitudes de l’existence ont souvent été les éléments moteur de la musique et de la créativité de la québécoise, et plus que jamais de Mélamine, sorte de dialogue intérieur conflictuel et combatif, parfaitement mis en images dans une étonnante mise en scène surréaliste de la talentueuse réalisatrice Soleil Denault. D’une certaine manière, appuyé par la puissance des symboles de l’image, Mélamine devient un intense cri du cœur face aux injonctions permanentes adressées aux femmes, dans nos sociétés occidentales et capitalistes, à se fondre dans un moule et dans certains stéréotypes.

Si Klô Pelgag assume et active l’ambivalence des ressorts créatifs de son côté enfantin, et même de sale gosse comme elle aime à le rappeler dans certaines interviews, elle est aussi pleinement femme, au-delà des clichés usuels du genre. Elle revendique son droit d’être la femme qu’elle est réellement, à sa manière, mais aussi celle qu’elle peut être selon les moments de sa vie, des plus sombres aux plus heureux. À l’image de ses nombreuses transformations artistiques, elle affiche avec éclat toutes les nuances de sa personnalité mouvante, complexe et sensible, comme a pu le faire avant elle Björk ou Karin Dreijer alias Fever Ray (The Knife), sous la carapace de l’exubérance et de la flamboyance.

Bien sûr, si l’album Notre-Dame-des-Sept-Douleurs nous avait dans un premier temps captivé par son instrumentation, il prend encore plus de valeur, à travers le message émancipateur, sublimé par la vivacité de ce nouveau clip particulièrement parlant et intelligent, loin de tomber dans les affres d’un discours figé et convenu.

L’album Notre-Dame-des-Sept-Douleurs de Klô Pelgag est disponible en physique, en digital et en streaming depuis le 26 juin 2020, via Les Faux Monnayeurs et Secret City Records.

Retrouvez Klô Pelgag sur Facebook, Instagram, Twitter et sur www.klopelgag.com !


Klô Pelgag sera en tournée française au printemps 2021 :

11/03/21 – Cenon (33) – Le Rocher de Palmer
12/03/21 – Arcueil (94) – Théâtre Jean Vilar
13/03/21 – St Berthevin (53) – Le Reflet
15/03/21 – Paris (75) – Festival Avec le Temps – La Maroquinerie
16/03/21 – Nantes (44) – Salle Paul Fort
17/03/21 – Brest (29) – Le Vauban
19/03/21 – Marseille (13) – Festival Avec le Temps
20/03/21 – Montpellier (34) – Le Jam
25/03/21 – Meylan (38) – Maison de la Musique

Laurent Thore

Les excès de Yes Basketball

Actus

L’univers foisonnant de Yes Basketball est sans doute la résultante des fantasmes musicaux accumulés de son géniteur, l’artiste indépendant Pierre Marolleau. Activiste créatif au cœur de nombreuses connexions artistiques reliant les différentes zones d’influences des scènes alternatives hexagonales, il semble aujourd’hui encore plus qu’hier, avide de nouvelles expériences, malgré son statut de figure indie acquis au sein des excellents Fordamage ou encore au cœur de My Name Is Nobody. Il pousse ainsi le curseur encore plus loin avec son premier LP, Goodbye Basketball, sous son nouvel alias. Ce disque traduit de manière implicite et avec beaucoup d’intensité, l’énergie chaotique du monde actuel, à travers une musique foncièrement hybride et viscéralement urbaine.

Yes Basketball Pierre Marolleau Goodbye Basketball

© Yoann Buffeteau

Goodbye basketball est avant tout un album versatile, tout en tension, aussi cogneur que séducteur. Il combine avec beaucoup d’audace et de fluidité, le côté implacable de la noise, l’impact percussif de la musique indus, le groove du hip-hop et les digressions formelles du math rock, le tout en laissant sous le vernis poisseux d’une certaine radicalité sonore, émerger les marqueurs de la pop.

Dans la discothèque bordélique et pas forcément idéale de cet aventurier joueur, doivent se croiser des disques cultes et bruitistes de Cop Shoot Cop, Bästard (avis aux puristes ?), Can, les œuvres solo de Mark Hollis, les mixtapes détonantes de Moodie Black, un certain esprit bouillonnant et DIY à la française si présent chez Marvin, Binidu ou Electric Electric, le lyrisme exacerbé de quelques groupes américains pas vraiment comme les autres à l’image de Battles et de Deerhoof, une dose de musiques extrêmes bien épaisses façon Relapse Records (Plan B, Realize, Zonal, Unsane…) et même quelques références signées Nick Cave, des plus obscures aux plus emblématiques.

Concrètement, entouré de quelques flibustiers remarquables de la cause indé qu’il a débauchés de leurs navires respectifs (Bantam Lyons, Totorro, Trunks…), Pierre Marolleau trace un chemin parallèle, comparable à celui des suisses de Puts Marie pour cette capacité à se débarrasser des convenances et à se jouer des conventions, le tout en maintenant le cap d’une vraie cohérence, appuyée par un certain sens de la mise en scène, une certaine théâtralité.

Tout au long de Goodbye Basketball, les étapes se suivent et ne se ressemblent pas. New Shit 1, la première pièce du puzzle est absolument parfaite dans son rôle introductif, tant elle ouvre à la fois les possibles sans imposer de murs volontairement abrupts et rétifs, tout en ne mentant pas sur la matière sonore exacerbée à venir.

Son clip ajoute une véritable dimension augmentée dans la perception de la musique de Yes Basketball. Il amplifie, au travers de parti-pris esthétiques et colorés, la sensualité intrinsèque de la mécanique rythmique à plusieurs niveaux de Yes Basketball, et plus encore, son rapport charnel et physique à la musique, au point d’évoquer la métaphore de la jouissance sexuelle, comme une sorte de contre pied salvateur et décalé face à la standardisation des esthétiques « porn chic » en vogue dans le champ des musiques actuelles. Encore une preuve de la dynamique collective, qui entoure la création de Pierre Marolleau, puisque cette réalisation vidéo singulière est l’œuvre d’un proche complice, en la personne de Michel Le Faou. Il active d’ailleurs avec lui l’entité Mamoot, quartet de math rock cinématique très puissant à destination du jeune public, au sein duquel on retrouve également le graphiste de la sublime pochette de Goodbye Basketball, Yoann Buffeteau, à posséder de toute évidence en vinyle !

Il faut être quelque part un peu masochiste pour revenir encore et encore sur ce disque exigeant et dense, même si, à force d’abnégation et d’implication, le plaisir devient réel, jubilatoire, intense. Par son côté industriel et bruitiste, (quelque part très new-yorkais par procuration), l’ensemble se transforme en une passionnante plongée immersive dans les interstices rugueux et abrasifs de l’asphalte et du béton, animé par une sorte d’imaginaire cyber-punk rétro-futuriste, fouillant les poubelles des bas-fonds sales et pervertis de la ville, symbole ultime de la modernité.

Le LP Goodbye Basketball de Yes Basketball est disponible depuis le 13 novembre 2020 via Les Disques Normal et A Tant Rêver du Roi.

Laurent Thore

L’intensité émotionnelle de Chantel Van T

Actus

La jeune musicienne sud-africaine Chantel Van T impose avec son nouvel album « Nicalochan », des émotions nouvelles, une élégance rare, et surtout la profondeur de sa voix toute en nuances. Elle s’émancipe ainsi avec brio de certains stéréotypes liés à l’image des chanteuses folk classiques, pour rejoindre le cercle restreint des grandes figures féminines de la musique indépendante que sont Hope Sandoval, Alela Diane, Suzanne Vega, Feist ou encore Laura Veirs.

Chantel Van T Nicalochan

© Martin Maniitsoq

Avec des titres aussi intenses et sensibles que Come To Me, Rumble And Crawl ou Coming Home (déjà des classiques de la playlist du Chantier, après quelques semaines de diffusion), ce deuxième LP atteste d’une évolution flagrante.

Chantel Van T prend en effet de la hauteur par rapport à ses propres racines musicales country, pop et folk, pour construire auprès de talentueux musiciens, de somptueuses instrumentations toute en retenue. Le caractère introspectif de ses textes bouleversants s’inscrit dans une forme de gravité, tendant vers une justesse confondante de vérité, à l’image du titre éponyme de l’album.

Sans artifice et sans maniérisme aucun, Chantel Van T démontre en l’espace de 11 titres exceptionnels, toute l’intensité émotionnelle et organique, que peuvent encore déployer, comme par magie, de simples chansons à l’heure du tout numérique.

Il faut par exemple voir avec quelle force, la jeune femme va chercher au fond d’elle les ressorts sensibles de son moi intérieur, comme lors de cette magnifique session pour le Mountainside Studio, basé au Cap. Son interprétation particulièrement expressive de son morceau phare Come To Me se rapproche alors sans hésiter des plus beaux moments de grâce de l’unique Cat Power.

Chantel Van T devient avec Nicalochan l’une des plus belles révélations, toutes catégories confondues, de cette année 2020, décidément pleine de surprises.

Le nouvel album de Chantel Van T, Nicalochan, est disponible depuis le 13 novembre 2020, il est à découvrir en intégralité sur Le Chantier.

Laurent Thore

Au bout du chemin

Actus

Le clip de « Western » annonce le grand retour de Tample, près de deux ans après la sortie très remarquée de l’album « Summer Light » sur l’excellent label Yotanka. Sur ce titre, le trio bordelais sort de sa zone de confort, à travers un chant en français totalement assumé et une délicieuse tonalité americana.

tample western glory

© Maison Mouton Noir

À l’image de son prochain album, Glory (toujours sur Yotanka), prévu pour février 2021, Tample garde intact son sens du groove élastique et dansant, sa cohésion sonore ample et aérée et ses envolées de guitare cristalline et expressive. Pour accompagner visuellement Western, le groupe choisit de nous embarquer dans un récit se résumant à une idée aussi simple qu’éternelle, à savoir le chemin d’une randonnée initiatique, sorte de road movie pédestre rythmé par ces motifs de guitare hypnotique et jubilatoire.

Le héros semble être à la poursuite du passé. Mais que signifie l’inscription Glory sur la photo ? Pourquoi fuir l’humanité ? Pour échapper aux méandres d’un amour passionnel et contrarié ? Pour trouver les ressources afin de reconquérir sa bien-aimée ?

Musicalement, le groupe se rapproche étonnamment de son voisin de label, Octave Noire, et s’inscrit avec audace sur le terrain plus habituel de figures de la nouvelle scène française comme Hildebrandt ou encore La Maison Tellier. Nous rentrons très vite dans le jeu de cette narration en forme d’ellipse sensible, qui nous connecte à l’imaginaire américain des grands espaces, de la conquête, de l’aventure. La poétique du texte laisse ainsi suffisamment de profondeur de champ pour créer nos propres histoires et imaginer ce qui pourrait peut-être d’ailleurs constituer le fil conducteur de l’album à venir de Tample.

A vérifier dès le prochain épisode !

« Une vérité un peu folle
Un sourire qui me porte vers ce ciel qui m’inspire
Et mon corps aux abois
Tu me laisses ce souffle si divin mais hostile
Un ouragan se dessine, tu auras raison de moi »

L’album de Tample, Glory, sortira le 12 février 2021 sur le label Yotanka.

Laurent Thore

Décoloniser l’université ?

Social

Le 22 octobre dernier, le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer déclarait : « Ce que l’on appelle l’islamo-gauchisme fait des ravages. Il fait des ravages à l’université, il fait des ravages quand l’UNEF cède à ce type de chose… Ces gens-là favorisent une idéologie qui ensuite, de loin en loin, mène au pire ».

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stephane dufoix terrain social

Université Paris Nanterre
© Bruno Levesque / IP3 PRESS / MAXPPP

Ses propos ont mis le feu aux poudres.

Terrain Social se questionne aujourd’hui sur l’islamo-gauchisme à l’université et sur ses supposés ravages sur les esprits avec Stéphane Dufoix, professeur de sociologie à l’Université Paris Nanterre et enseignant à Sciences-Po. Ses travaux portent sur l’histoire mondiale et l’épistémologie des sciences sociales.

Hugues Chevarin

Les She-Punks, la vraie révolution du Punk

Actus

Vivien Goldman est une figure des musiques alternatives. En tant que musicienne, elle a été une des fondatrices du groupe iconoclaste The Flying Lizard, en 1979. Elle a aussi été aussi journaliste pour le NME et Melody Maker, fonction à travers laquelle elle a largement exploré et documenté le punk depuis sa naissance dans les années 70. Son point de vue ambivalent, à la fois celui d’une actrice même du mouvement punk anglais et celui d’une observatrice experte marque foncièrement son essai sur les She-Punks. Ces femmes se sont emparées, et s’emparent encore, de la liberté artistique et anti-conventionnelle du punk, pour tracer de nouvelles voies d’émancipations et s’extraire d’un certain déterminisme.

vivien goldman she punk castor astral

Vivien Goldman

Depuis septembre dernier, grâce au travail d’édition de la maison Le Castor Astral, dans sa collection Castor Music, une traduction française signée Cyrille Rivallan permet de pénétrer le discours revigorant et militant de l’Anglaise Vivien Goldman, vivant désormais comme un symbole à New-York, autre épicentre de la genèse du punk.

Tâche ardue et complexe, que de retranscrire en Français, la vivacité du propos orchestré par Vivien Goldman. Si le livre se perd quelque peu d’ailleurs dans son introduction, cherchant à justifier la raison d’écrire ce livre qui pourtant ne fait aucun doute, il prend toute sa dimension par la suite, au cœur de chapitres thématiques, riches et intelligents. La grande force de ce livre réside avant tout dans sa capacité à créer de probants jeux de miroirs, entre les parcours de vies, les motivations, les enjeux de l’ensemble de ces protagonistes. Il y a évidemment celles qui appartiennent déjà à la grande histoire officielle du rock, même si leurs rôles sont encore trop souvent relégués à des rôles subalternes ou systématiquement regardés en comparaison des hommes, à travers le prisme d’une histoire très masculine : Pattie Smith, Viv Albertine (guitariste des fameuses Slits, et elle-même auteur d’une biographie saisissante et touchante sous le titre français De fringues, de musique et de mecs dans la collection 10/18), Carrie Brownstein (Sleater Kinney) Kathleen Hanna (Bikini Kill), Poly Styrene (X Ray-Spex). Il y a aussi des musiciennes, plus confidentielles (en tout cas en France), mais non moins remarquables, qui plus est pour certaines, évoluant en dehors du monde occidental à proprement dit, comme l’Indienne Noma Nazir (Pragaash).

Bien sûr, il est toujours question ici de féminisme au sens très militant du terme mais pas nécessairement idéologique. Ainsi le sujet est souvent celui d’une quête émancipatrice, tant ces femmes se réapproprient la liberté créative du punk, pour se libérer elle-même du poids de la norme, du conservatisme, du patriarcat, du travail domestique et du capitalisme. Luttant avant tout contre les principes généraux de la domination, leurs engagements débordent souvent dans la lutte contre toutes les formes de racisme, et même contre le totalitarisme comme les membres du groupe russe Pussy Riot… Elles revendiquent et assument le droit d’être elles-même, d’être différentes, d’être autonomes, de choisir, en bouleversant par exemple les idées reçues sur la notion même de relations amoureuses. Ce chemin féministe est forcément multiple, même si des points de convergence apparaissent, comme la lutte contre la pratique endémique et sociétal du viol par exemple, mais il donne lieu à des incarnations singulières et largement influencées par des environnements sociaux et culturels très différents, particulièrement dans le chapitre 4, intitulé Woman-Ifestation, introduit par les mots fédérateurs de la femme politique russe d’exception, Alexandra Kollontaï (1872-1952).

La Revanche des She-Punks ne deviendra peut-être pas le livre de référence sur le sujet, par son côté foisonnant et quelque peu bordélique, son point de vue unique et subjectif, le tout participant pourtant dans le fond comme dans la forme, à son récit très vivant et finalement très réaliste. Il s’inscrit admirablement bien dans toute une série de livres indispensables, écrits par des femmes (le rock reste mine de rien toujours la chasse gardée des hommes en 2020 !) comme le génial Riot Grrrls, chronique d’une révolution punk féministe de Manon Labry (dans la collection Zones, un label des éditions La Découverte). Enfin, à contre-courant des caricatures pouvant entourer les She-Punks, et plus généralement les femmes, dans les courants artistiques alternatifs, ce livre apporte beaucoup de nuances dans les tiraillements, les désirs, les émotions que ressentent et assument ces femmes, à l’image des paroles de la chanson post-punk dub Launderette écrite et chanté par Vivien Goldman elle-même en 1981.

« I wanted tenpence for the dryer
Yes, that was how we met
My laundry bag was broken
My clothes were soaking wet
I felt I needed hugging
You needed board and lodging »


« J’avais besoin d’une pièce pour le sèche linge
C’est comme ça qu’on s’est rencontrés
Mon sac de linge était troué
Mes fringues étaient toutes trempées
J’ai senti que j’avais besoin d’un câlin
Toi t’avais besoin d’une pension complète »


La Revanche des She-Punks de Vivien Goldman, traduction Cyrille Rivalan, est disponible depuis septembre 2020 chez Castor Astral.

Laurent Thore