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L’australien Peter Walsh, plus connu sous le nom de son groupe culte The Apartments sortira en septembre prochain « In And Out Of The Light », nouveau long format d’une discographie précieuse et fine, nouveau chapitre d’une vie personnelle et artistique troublée, mais pourtant aujourd’hui, encore plus que jamais, pleine de (en)vie et d’inspiration.

peter walsh the apartments

Peter Walsh
© Bleddyn Butcher – 2020

En matière de songwriting, Peter Walsh a peu d’équivalent. Il faudrait certainement évoquer des monuments comme Bob Dylan ou Leonard Cohen pour trouver la mesure d’une comparaison lucide et parlante. Il n’est pas forcément nécessaire de revenir sur les raisons pouvant expliquer pourquoi cet artiste singulier n’ait jamais accédé à la notoriété de son compatriote Nick Cave ou à la consécration médiatique et mondiale du leader et chanteur de The National, Matt Berninger, malgré des signes souvent très positifs depuis ses débuts en 1978. Une histoire de destin, de vie, de mauvais hasard, de conjoncture, de tempérament peut-être. Une histoire de renaissance aussi, de celui qui après une longue période d’absence discographique (presque 20 ans), signait un retour magistral en 2015 avec le bouleversant, No Spell No Song No Madrigal (Microcultures). Une histoire d’amour aussi avec la France, où des mélomanes fidèles ont depuis longtemps manifesté une grande attention à ce grand romantique, élégant et lettré, à l’image du producteur et animateur de radio Vincent Theval, pour lequel il avait invité Peter Walsh pour l’un des plus beaux moments, compilé sur Seven Songs par Talitres.

Dans l’univers du rock, de la pop et de la folk, il est très loin de l’exubérance de certains et certaines. Sa voix n’a rien d’exceptionnel, et pourtant elle reste confondante et unique. Elle est le reflet de la vie, imparfaite, pleine de nuances et de défauts. Elle n’appartient qu’à lui, elle ne sait pas mentir, elle ne fait jamais semblant. Ils sont peu nombreux à exprimer comme lui le sentiment mélancolique avec une telle justesse, une telle vérité. Le signe d’une grande humanité, qui se révèle souvent à travers une grande tendresse (Mr Somewhere), mais aussi parfois une rage piquante et punk comme sur Refugee (inédit accompagnant la réédition de son premier album par le label Captured Tracks en 2015). Elle est par moments l’expression d’une tristesse bouleversante à l’image du sublime Twenty One, sommet de No Song, No Spell, No Madrigal. Il ne cède néanmoins jamais sur ces chansons à la dépression, au désespoir, peut-être parce que l’écriture, la musique ont toujours été pour lui ce lieu de catharsis indispensable lui permettant de dépasser ses propres obsessions et ses tourments.

Parler d’une forme d’apaisement pour In And Out Of The Light pourrait être à la fois réducteur et inapproprié. Le titre de l’album par lui-même exprime d’ailleurs une ambivalence certaine, pouvant englober toute la complexité de la condition humaine. A l’inverse, sa musique, sa voix n’ont jamais semblé aussi libérées au sens propre, et d’une certaine manière aussi libérées de la pression personnelle, liée à son exigence pour et par lui-même. De mémoire, d’ailleurs, Peter Milton Walsh s’est déjà signalé à cet égard par l’évocation de ressentis très durs sur ces propres enregistrements. Au contact de son nouveau groupe stabilisé autour de fidèles comme Antoine Chaperon, Natasha Pelot, Nick Allum… (décisifs sur l’album Live à l’Ubu sorti en 2019 sur Talitres), il affiche une assurance et une sérénité qu’on ne lui connaissait pas encore. Rien de prétentieux ou de maniéré, mais sur un morceau comme What’s Beauty To Do, il laisse ses émotions s’épanouir comme rarement, entraîné par un climat de confiance palpable. Fidèle à ses habitudes, Il alterne sur ce LP, pour notre plus grand bonheur, instants d’intimité et de proximité à l’instrumentation réduite (The Fading light) avec des envolées lyriques, plus collectives (Where You Used To Be). Un premier extrait disponible dès à présent lève le voile sur un ensemble extrêmement homogène et cohérent, le très sobre Pocket of Sunshine petite merveille d’acoustique.

Au delà de la musique, la sortie In And Out Of The Light est la consécration d’une histoire passionnante (qu’on espère encore très longue), comme seules peuvent en engendrer les musiques populaires, pour le meilleur comme le pire, celle d’un témoignage vivant et concret d’une résilience artistique et personnelle fascinante, produisant ici un signe d’espoir et d’humilité très noble, dans une période de morosité ambiante particulièrement troublée.

Pocket of Sunshine est à découvrir depuis quelques jours sur la playlist du Chantier. Pour accompagner cet article, vous pouvez également écouter cette sélection non exhaustive issue de la discographie de The Apartments.

In And Out Of The Light est prévu pour le 19 septembre 2020 sur le label Talitres.

https://www.facebook.com/theapartments/
http://www.talitres.com/

Laurent Thore