Université : de la « guerre des mots » à la guerre culturelle

Social

Que se passe-t-il donc à l’université pour qu’elle soit si vilipendée par la droite néo-conservatrice et réactionnaire tant en Amérique du Nord qu’en France ? Que se tramerait-t-il, en particulier, dans les sciences sociales ? Ne seraient-elles qu’un repère de féministes enragé.e.s et de militant.e.s anti-racistes, pourfendeurs des études classiques ? Que disent ces élucubrations de l’agenda des droites réactionnaires ? Assiste-t-on, là, à la bataille des idées dans la guerre culturelle qu’elles livrent aux progressistes ?

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©Paul Hennessy/ZUMAPRESS.com/MAXPPP/Février 2022/Orlando, Florida, United States: Workers prepare the stage for the 2022 meeting of the Conservative Political Action Conference (CPAC).Former U.S. President, Donald Trump is scheduled to speak at the four-day gathering, as well as Florida Gov. Ron DeSantis.

Les polémistes dont il est question dans ce livre n’utilisent pas les termes political correctness ou woke dans le but d’encourager la réflexion et clarifier la pensée. Ils s’en fabriquent plutôt des mots piégés, une notion que les spécialistes de la manipulation de l’opinion définissent comme toute expression qui sert à déclencher un sentiment de panique, de répulsion ou  de colère à l’égard d’individus et de groupes qu’on veut étiqueter comme déviants ou dangereux. Ces termes sont maniés comme une “arme” pour critiquer et dénigrer l’enseignement et la recherche dans certains champs d’études ainsi que les prises de paroles étudiantes, en particulier féministes et antiracistes

Francis Dupuis-Déri est professeur de science politique à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Auteur de très nombreux ouvrages faisant autorité, il publie aux éditions Lux, Panique à l’université. Rectitude politique, wokes et autres menaces imaginaires.

L’université, en particulier les sciences sociales, aux USA, au Canada et en France, est l’objet d’un discours oscillant entre fantasme délirant -s’y préparerait l’effondrement de l’Occident, mensonge -sur la nature même des études décriées- et haine de l’autre -des féministes, des LGBTQIA+, des antiracistes, voire d’hypothétiques “islamo-gauchistes”, si chers à Jean-Michel Blanquer, ex-ministre de l’Education nationale et à Frédérique Vidal, ex-ministre de l’enseignement supérieur.

 Cela n’est pas sans rappeler le temps, comme le souligne Francis Dupuis-Déri, avec un brin d’ironie, des “judéo-bolchéviques” !

Toutefois, sale temps pour l’université : “[…] des groupes d’extrême droite, voire ouvertement néonazis sont également bien présents sur les campus. Un groupe de recherche a d’ailleurs défini ainsi les fondements idéologiques de l’extrême droite aux Etats-Unis : «Sa croyance principale est que l’”identité blanche” est soumise aux attaques des élites progressistes et multiculturalistes et des soi-disant “social justice warriors” qui useraient de la “political correctness” pour miner la civilisation occidentale et les droits des hommes blancs.».

L’auteur démontre que ces discours masquent un autre front, politique celui-là. Il faut donc des hérauts d’armes -tels Eric Zemmour, ex-candidat à l’élection présidentielle, Mathieu Bock-Côté, sociologue canadien et chroniqueur sur CNews, Alain Finkielkraut, philosophe, oeuvrant toujours sur le service public à France Culture, ou encore l’écrivain Pascal Bruckner, pour engager la bataille. L’intarissable logorrhée de ces chantres réactionnaires, ayant table ouverte dans les médias tels Cnews (propriété du milliardaire Vincent Bolloré), le groupe Québecor (détenu par le milliardaire canadien Pierre Karl Péladeau) ou encore Fox News aux USA (fondée par le magnat de la presse Rupert Murdoch, et toujours aux mains de la famille) qui a soutenu, sans coup férir l’ascension de Donald Trump, a pour but de produire de la panique !

Surgissent alors des mots fourre-tout ou détournés -woke pour le plus récent, vidés de leur sens, visant à décrédibiliser un certain nombre de nouvelles approches scientifiques : études de genre, intersectionnalité, et celles portant sur le racisme entre autres !

Dans cet essai, Panique à l’université, Francis Dupuis-Déri démine, pas à pas, le terrain. Il recontextualise les termes détournés, en explique l’usage et l’évolution dans les saines controverses universitaires. Il donne à voir une géographie des discours réactionnaires, et leur circulation de l’Amérique du Nord à l’Europe, dans un aller-retour transatlantique -en particulier avec le Québec ! Il y décrypte les tentatives de reconquête (sans jeu de mot) par la droite extrême, ou l’extrême droite américaine ou française des champs médiatique et politique. Dans ce travail de la méthode, il explique l’instrumentalisation du concept de liberté, celle qui, supposément, leur serait confisquée, brandie à tout propos comme argument massue ! Elle devient alors le fer de lance de cette guerre culturelle dont le but ultime est la défense de l’homme blanc.

Terrain Social, grâce à Francis Dupuis-Déri, ne cède en rien à la panique et discerne les véritables buts de ces droites néo-conservatrices et réactionnaires !

Hugues Chevarin

Article et ouvrage cités dans l’interview : 

DeSantis, l’anti-woke, article d’Emilie Nicolas, dans le quotidien Le Devoir. 

L’Âme désarmée d’Allan Bloom, aux Belles Lettres.

Pour continuer la réflexion : 

Une droite intellectuelle américaine en pleine mue illibérale, une enquête du journal Le Monde.

Et l’indispensable site ACRIMED, Observatoire des médias.

D’autres Terrain Social sur ces sujets : 

#9 – Décoloniser l’université ? – Stéphane Dufoix

#43 – Intersectionnalité : l’autre question – Sarah Mazouz

Un autre sujet de la rédaction par l’équipe du podcast Du Biscuit dézoome sur Zemmour

Et pour terminer : Citation sonore du polémiste et chroniqueur sur CNews, Mathieu Bock-Côté, à partir d’un compte YouTube québécois. (pour dire combien la circulation transatlantique de la parole réactionnaire fonctionne à merveille).

Mine de lithium dans l’Allier, un casse-tête environnemental

Environnement

Cette semaine la rédaction du Chantier vous propose une série d’interviews consacrées au climat. Pour ce premier épisode, direction l’Allier où un projet de mine d’extraction de lithium pourrait voir le jour.

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©Corentin Garault/LA MONTAGNE/ Decouverte d un gisement de lithium a Echassieres, dans l’Allier/Octobre  2022.

Le groupe Imerys a annoncé, en octobre dernier, la mise en exploitation minière d’ici 2027 d’un gisement de lithium dans l’Allier, l’un des plus grands projets d’extraction de lithium en Europe. Le lithium, composant essentiel pour les batteries de voiture électrique a été identifié comme ressource « critique » par la Commission européenne en 2020. Un manque qui viendrait freiner l’objectif que s’est fixé l’Union européenne : celui d’abandonner la voiture thermique d’ici 2035. Cette exploitation permettrait d’alimenter l’équivalent de 700.000 véhicules par an en lithium. Mais à quel prix ? Sans surprise l’annonce de cette exploitation divise. Fabienne Thierry, présidente de France Nature environnement, expose les problématiques environnementales liées à l’extraction de lithium.

Moïse Grelier

La lutte contre la bétonisation : ciment entre les générations

Environnement

Depuis une dizaine d’années, du béton coule sur le quartier République à Clermont-Ferrand… Et le site de Franc-Rosier n’y échappe pas.

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© Le Chantier /Ce terrain est considéré par le collectif comme le dernier îlot de fraîcheur du quartier République/ Clermont-Ferrand, septembre 2022

Près 12.000m2 seront dédiés à la construction de 213 logements en fond de site, d’ici 2026 pouvaient lire les lecteurs du journal La Montagne dans le numéro du 25 octobre dernier. 50 millions d’euros investis pour rendre attractif cette zone aujourd’hui envahie par la végétation. 

À quelques mètres du panneau de permis de construire, un groupe de riverains s’organise pour lutter contre ce projet immobilier d’ampleur. Ils se battent pour un terrain vague. Mathilde, Lucie, Michel, Jonathan, Claire, et Daniel se mobilisent ensemble contre ce projet, mais initialement pour des raisons variées.

© Le Chantier/ On vous gâche la vue ?

Depuis ces enregistrements, le collectif Naturellement FRANC-ROSIER est devenu une association et a lancé une pétition contre la destruction des îlots de fraicheur. Ils ont été contactés par Bouygues Immobilier pour discuter et tenter d’éviter le tribunal administratif. De leur côté, les habitants ont récemment proposé au promoteur de revoir le projet en lui imposant plusieurs contraintes. Les moteurs de la mobilisation sont différents mais la lutte reste commune : préserver ce terrain pour le rendre public. 

Emma Delaunay

À la CAF, “moins d’humains, plus d’ordinateurs”

Social

L’algorithme utilisé depuis plusieurs années par la Caisse d’Allocations Familiales (CAF) est-il dangereux pour la vie privée ? De quels abus peut se rendre coupable le système de notation des allocataires basé sur la technologie du datamining ? Dans une enquête publiée vendredi 9 décembre par Radio France, le journaliste Benoît Collombat éclaire les liens de plus en plus numérisés que la CAF entretient avec ses allocataires. Benoît Collombat est interrogé pour Le Chantier par Amandine (rédaction de Nantes).

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MaxPPP / Benoit Collombat à Angoulême pour la présentation du prix du public au festival international de la bande dessinée en 2016

Amandine : Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est le datamining ?

Benoît Collombat : Le datamining est une technologie qui repose sur une statistique prédictive. Il s’agit de croiser des centaines et des milliers de données ou de fichiers pour essayer de détecter d’éventuels problèmes, d’éventuelles anomalies. C’est une technologie qui est utilisée par la Caisse d’Allocations Familiales depuis les années 2000. La CAF a d’ailleurs été une sorte de laboratoire de cette technologie à l’échelle de la France. Elle a notamment utilisé le datamining pour essayer de détecter des erreurs chez les allocataires, et bien sûr déceler d’éventuelles fraudes. Aujourd’hui, c’est un dispositif technologique qui est devenu l’alpha et l’oméga des contrôles à la CAF.

Pourquoi avez-vous décidé d’enquêter sur cet algorithme ?

Plusieurs associations ou collectifs alertent depuis un certain temps déjà sur ces questions. Ils ont publié des rapports, des recueils de témoignages d’allocataires, qui font part de dysfonctionnements ou de suspensions de prestations complètement injustifiées à leurs yeux. J’ai voulu aller voir de plus près, et j’ai découvert qu’il y avait un système – ce fameux algorithme – qui attribue une note de risque. C’est une note entre 0 et 1 : plus la note d’un allocataire est proche de 1, plus il a un risque d’être contrôlé par la CAF.

Quelle a été votre première piste ?

Dans un premier temps, j’ai lu tout ce qu’il y avait à lire sur le sujet : c’est ce qu’on appelle les sources ouvertes, qui peuvent être des articles, ou des ouvrages. Je pense à un livre écrit par le sociologue Vincent Dubois, que j’ai interviewé pour cette enquête. Il travaille sur ces questions depuis des années et a rencontré à la fois des allocataires et des agents de la CAF. Ensuite, il y a eu pour moi une deuxième étape : identifier des personnes clés, essayer d’avoir des témoignages de l’intérieur, multiplier les sources. Et puis enfin est arrivé le travail de terrain : aller interviewer mes contacts et puis rassembler tout ça. J’ai voulu éclairer l’ensemble de cette histoire, parce qu’il faut bien comprendre que ce datamining, il concerne des allocataires qui ont parfois de gros problèmes : on parle de populations assez précaires, qui sont parfois déjà énormément contrôlées. Il arrive que des allocataires fassent parfois des erreurs de bonne foi et se retrouvent avec des allocations suspendues, ce qui peut être très difficile. Et puis j’ai aussi recueilli des témoignages d’agents de la CAF, syndiqués ou pas, qui me parlent confidentiellement, et qui ne sont pas d’accord avec ce système de notation. Ils protestent contre la numérisation excessive au niveau de la CAF. Aujourd’hui, ils estiment qu’il y a de moins en moins d’humains et de plus en plus d’ordinateurs.

Qu’est-ce qui vous semble le plus choquant dans toute cette affaire ?

C’est que la CAF, selon certains témoignages qui sont loin d’être isolés, ne respecterait pas la loi dans certains cas. Par exemple, quand la CAF suspend une allocation, une prestation, il faut qu’elle explique pourquoi, et il faut que la personne concernée soit informée de ses recours. Visiblement ce n’est pas toujours le cas. Il y a aussi le fait que certaines catégories de la population, de par leur situation déjà précaire, peuvent se retrouver dans une spirale infernale : par exemple si vous êtes en intérim, si vous avez des CDD fréquents, il va y avoir des petites variations dans vos revenus, et bien parfois il suffit que de petites variations “affolent” l’algorithme, et ça va entraîner des contrôles en rafale. Et puis il y a la question de l’opacité : quand des associations comme la quadrature du net ont demandé à avoir le code source de l’algorithme, on leur a répondu par la négative.

Justement, est-ce que ça a été difficile pour vous d’obtenir des infos ?

Du côté de la CAF, on m’a expliqué pendant cette enquête que si on ne dévoile pas le fonctionnement de l’algorithme c’est pour des besoins de confidentialité. D’ailleurs je précise que la CAF se défend de toute irrégularité et explique que son but est d’empêcher les erreurs. Mais c’est un fait que ce système a été institutionnalisé et qu’il pose d’énormes problèmes, à la fois en interne et pour les allocataires.

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Le Chantier / Amandine, de la rédaction du Chantier, pendant l’interview de Benoît Collombat

Radio France a lancé récemment la plateforme alerter.radiofrance.fr, expliquez-nous de quoi il s’agit…

Dans une enquête journalistique, le plus important c’est la source. Alors, c’est depuis longtemps une idée qui nous est chère, collectivement, à la cellule investigation de Radio France : mettre en place un canal sécurisé d’informations. Si des sources, dans des domaines très sensibles, veulent nous contacter, elles pourront désormais le faire en toute confidentialité.

Suite à l’une de vos enquêtes, vous avez reçu une convocation de la part de la Direction Générale de la Sécurité Intérieure. Selon vous, cette convocation est-elle un mauvais signal pour la liberté de la presse en France ?

J’attends de voir ce qui va se passer, c‘est difficile de commenter comme ça, parce qu’on n’a quasiment pas d’infos. On sait juste qu’on est convoqués par les services secrets intérieurs, mercredi prochain à 10h. Nous serons trois : Jacques Monin, le directeur de la cellule investigation de Radio France, moi et Geoffrey Livolsi, qui est le journaliste avec qui j’avais publié cette enquête en mars 2018. Il s’agissait d’une enquête sur des soupçons de trafic d’influence dans les marchés autour du transport aérien militaire. On nous reproche d’avoir divulgué l’identité d’une personne qui ferait partie des forces spéciales. À ce stade, je ne peux pas en dire plus, mais ce qui est sûr, c’est qu’il y a en ce moment un climat un peu compliqué autour de la liberté de la presse. On a vu récemment une tentative de censure préventive d’un article de Médiapart. Il y a également un journaliste du site Reporterre qui est poursuivi devant un tribunal, parce qu’il a couvert, comme journaliste, l’action illégale d’une association auprès d’un semencier qui utilise des OGM. Tout ça est très problématique.

Propos recueillis par Amandine, de la rédaction du Chantier.

La Science Fait sa Comédie #14 De Babylone à Boby

Culture

En cette année 2022 on fête le centenaire de la naissance de Boby Lapointe, Chanteur, acteur, mathématicien. De nombreux événements ont lieu tout au long de l’année à Pézenas bien sûr, à Paris, à Saint-Félix de Lodez…

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Pour l’heure, La Science fait sa Comédie s’attaque à la numération avec… Boby Lapointe bien sûr et son système Bibi-binaire pour remonter jusqu’au temps des sumériens et de leur système sexagésimal, à moins que ce ne soit l’inverse.

Écrit par François Fabre

La science fait sa comédie est un podcast de l’association A.R.T.S, disponible sur toutes les plateformes d’écoute et sur lechantier.radio.

La Sécurité sociale : une longue histoire de conflits

Social

Qui sait encore qu’à un moment de notre histoire, les ouvriers et leurs représentants ont autogéré la Sécurité sociale, le fameux régime général de 1946, ont eu la main sur les cotisations, mais aussi les choix faits dans les dépenses de santé ? Et que dès lors, l’État social, produit de la guerre totale, n’aura de cesse de se réapproprier ce “régime général”.

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©Luc Nobout / IP3; Paris, France le 04 octobre 2022 – Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, présente le Rapport sur l application des lois de financement de la Sécurité Sociale 2022

Nicolas Da Silva est maître de conférences en sciences économiques à l’université Sorbonne Paris Nord. Il publie à La fabrique Éditions, La bataille de la Sécu, Une histoire du système de santé.

De la Révolution de 1789 à l’adoption du budget de la Sécurité sociale, la question de l’intervention de l’État, dans le système de production de soins de santé, va se poser. 

Toutefois, “l’État qui sort de la Révolution ne souhaite pas s’immiscer dans la question sociale autrement que par la répression”. “Le XIXème siècle est marqué par l’émergence d’une solution auto-organisée par le mouvement social : les sociétés de secours mutuel.”

Dans ce siècle des révolutions -1830, 1848, La Commune de 1870, l’État combat cette menace contre le capital et l’État lui-même.

Avec le XXème, les conflits mondiaux, la Grande Guerre et la Seconde Guerre mondiale, vont rebattre les cartes : les sacrifices consentis par la population tant civile que militaire, la guerre totale, vont engendrer l’État social !“

Deux logiques antagoniques s’affrontent en 1946 qui éclairent les évolutions du système de santé en France jusqu’à aujourd’hui : à la « Sociale », fondée sur l’autogouvernement du système de santé par les intéressés eux-mêmes, s’oppose « l’État social », né de la « guerre totale », qui fait de la protection sociale un instrument de contrôle de la population
.”“

Pour comprendre le lien entre guerre totale et l’État social, il est nécessaire de déplacer le regard que l’on porte habituellement sur les périodes de guerre. Ce ne sont pas des parenthèses entre deux cycles de paix, ce sont des périodes fondatrices d’un nouvel ordre  trouvant ses racines dans la préparation, la conduite et les conséquences de la guerre. […]
L’Etat ne devient social que parce qu’il a organisé la guerre totale.

De même, “La Seconde Guerre mondiale relève de la guerre totale, mais l’originalité du cas français réside dans la résistance d’une partie de la population à l’État collaborateur -un terreau essentiel pour la réémergence de la Sociale.”

En 1946, est créé le régime général de la Sécurité sociale, géré par les travailleurs eux-mêmes et leurs représentants. Dès ce moment, l’État social va tout mettre en œuvre pour se réapproprier le régime général, et prendre le contrôle des dépenses de santé. Parallèlement, le capital, jusqu’alors peu présent dans le domaine du soin, va développer une offre toujours plus importante.

QUAND L’ACTUALITÉ REJOINT L’HISTOIRE

Dans cette bataille de la Sécu, Nicolas Da Silva brosse un tableau très complet, chiffres à l’appui, des différentes étapes qui ont conduit l’État, et en particulier l’État social, dans sa volonté de contrôle et de maintien de l’ordre social, en s’emparant des dépenses de santé et du système de production de soin, la gestion “administrative” de l’hôpital, par exemple. Cette mainmise étatique se fait au détriment de l’offre publique de soins et de la protection des travailleurs.

Le 30 novembre dernier, la Première ministre, Elisabeth Borne, recourt une 7ème fois à l’article 49.3 pour adopter définitivement le texte portant sur le budget de la Sécurité sociale pour l’année 2023. Que dit cette volonté acharnée du gouvernement à ce que soit adopté le dit budget ? L’adoption forcée de ce budget, outil de contrôle de l’Etat social, est un écho qui résonne comme une énième défaite pour le mouvement social.

Mais comme le formule Bernard Friot, dans sa préface de l’ouvrage, “ […] nos imaginaires et nos émotions sont aliénés. Aliénés par l’adhésion à l’État social !”.

Il nous faut donc déplacer le regard : voir dans les luttes en cours des crises récentes -hospitalière, sanitaire-, crise sociale généralisée, une possible réémergence de “la Sociale”.

Avec l’économiste Nicolas Da Silva,Terrain Social plonge au cœur d’une bataille toujours actuelle, celle de la Sécurité sociale !

Hugues Chevarin

Pour aller plus loin :

Ouvrage recommandé par notre invité : Le mythe du “trou de la Sécu”, Julien Duval, Editions Raisons d’Agir.

Bernard Friot, qui a formidablement préfacé l’ouvrage de Nicolas Da Silva, était l’invité de Terrain Social, en septembre 2020 : #2 – Un désir de communisme ?

Une mère

Social

Des regards sensibles, parfois hors des frontières et qui ont en commun une portée sociale émancipatrice. Cette année le festival Traces de vie, fait résonner un désir de démocratie à travers sa programmation riche de films documentaires. Le Chantier suit aujourd’hui le parcours de vie du réalisateur Mickaël Bandela.

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Rythmé par des images de fragments de vie et des entretiens, « Une mère » reconstruit la quête personnelle du réalisateur Mickaël Bandela. Il « fait cinéma » pour raconter son histoire et celles de ses 2 mères : Gisèle et Marie-Thérèse, sa mère de famille d’accueil, martiniquaise. Une interrogation aussi intime qu’universelle : quel sens donne-t-on au rôle de la mère ? Mickaël Bandela n’a pas la réponse à cette question qu’il qualifie d’essentielle.

Au micro de Moïse Grelier il raconte son histoire et celles de ses mères.

Moïse Grelier

Magic Bolide #46 Social Dance

Culture

Magic Bolide invite Social Dance, un jeune groupe français qui s’annonce comme la sensation live de l’année 2023 !

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Sur leur premier EP « Rumeurs » les marseillais secouent dans leur shaker l’énergie du punk, le groove des musiques électroniques, du funk et le meilleur de la variété pop françaises des 80’s. Pas un hasard si leur album de chevet est « Remain the light » de Talking Heads. Au programme encore le compte-rendu des premiers concerts de la tournée de Phoenix. De l’hyperpop, des shows spectaculaires à l’Olympia à Paris avec non seulement un son puissant et un répertoire de feu mais aussi une scénographie qui en envoie plein les yeux. On découvrira également le nouveau Kele, le chanteur de Bloc Party, les mélodies enchanteresses du duo français Meaning of Tales, la révélation Quasi Qui, un frère et une soeur qui sortent un splendide album de pops songs synthétiques envoûtantes et, en avant première, les nouvelles aventures de Karton, artiste clermontois qui prépare la sortie d’un album écrit à 4 mains avec François Doreau. Enjoy !

Christophe Crénel

Une bosse dans le coeur

Social

Des regards sensibles, parfois hors des frontières et qui ont en commun une portée sociale émancipatrice. Cette année le festival Traces de vie, fait résonner un désir de démocratie à travers sa programmation riche de films documentaires. Le Chantier vous propose de plonger aux côtés du réalisateur Noé Reutenauer dans son documentaire « une bosse dans le coeur ».

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Le Chantier part en quête de tendresse avec Une bosse dans le coeur. Une histoire filmée par l’œil sensible et humoristique de Noé Reutenauer. On suit son ami Kirill à la recherche d’amour et de normalité. Kirill Patou, 33 ans, cherche l’amour mais ne le trouve pas. Il est atteint de la trisomie et se heurte à cette différence qu’il souhaite estomper. Son comparse l’accompagne dans ses réflexions et nous plonge dans son coeur.

Le Festival Traces de vie, se poursuit jusqu’au 3 décembre à Clermont-Ferrand.

Laurence Gernigon Noël

ZAFER KRÉOL : À la découverte des épices incontournables qui font la Réunion

Culture

Plein de saveurs, de douceur dans les papilles ainsi que de la bonne odeur dans vos plats. Astrid vous emmène à la découverte des épices phares de La Réunion. Quelles sont ces épices ? Quelles saveurs prennent-elles dans vos plats ? On fait le point.

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Domaine de ROULOF qui se situe à Saint-André.

De la vanille verte à la vanille noire… 

Je me suis rendue à la plantation de la vanille Roulof, l’une des dernières exploitations familiales qui cultive la vanille Bourbon à la Réunion. Maurice Roulof plante et récolte la vanille depuis l’âge de 22 ans et perpétue avec son père une tradition qui existe depuis plus de quatre générations. 

Le vanillier est naturellement une plante de sous-bois. La liane pousse en grimpant le long des arbres en s’accrochant à l’aide de ses racines aériennes. L’espérance de vie d’un vanillier est de 10 à 12 ans. La fleur de vanille, qui tient son nom de la Vanilla planifolia, est originaire des zones à climat tropical du Mexique. De couleur blanche, verte ou jaune, elle dégage un parfum léger. Niveau séchage : les gousses sont étalées, exposées au soleil puis retournées régulièrement, permettant un séchage homogène. 

À la Réunion, la pollinisation se fait par la main de l’homme, fleur par fleur, car il n’y a pas l’abeille Mélipone qui provient d’Amérique Centrale. La floraison dure deux à trois mois, période pendant laquelle les producteurs doivent quotidiennement polliniser.

Le domaine de Roulof propose une visite de la plantation et de l’atelier, pour tous les visiteurs en quête de tradition et d’authenticité.

Edmond ALBIUS, horticulteur esclave inventeur de la fécondation manuelle de la fleur de vanillier.

Edmond est un orphelin de naissance et esclave né à Sainte-Suzanne qui découvre en 1841, à l’âge de 12 ans, le procédé de fécondation artificielle de la vanille sur l’île de Bourbon, plus tard renommée île de La Réunion. Il est recueilli par Ferréol Bellier Beaumont qui l’initie à l’horticulture.

Devenu libre en 1848 suite à l’abolition de l’esclavage, le nom d’Albius fait référence au mot latin “alba” qui signifie “blanc”, comme la couleur de la fleur de la vanille. Sans jamais avoir reçu le moindre crédit pour sa découverte, Edmond meurt dans la misère à 51 ans, abandonné, veuf et sans enfant.

L’épice en poudre d’or

J’ai ensuite rencontré Thierry Vitry, producteur de curcuma à la Plaine des Grègues à Saint-Joseph, au Domaine de Picasso. “J’ai toujours baigné dedans, je suis né dedans”, nous a dit le producteur, qui a voulu perpétuer la tradition. 

© Thierry VITRY est producteur de curcuma à La Plaine des Grègues

Le curcuma se cultive comme toute autre plante, même si Thierry est en production biologique. “La différence entre le curcuma mère et le curcuma gastronomique, c’est que l’un est fait pour l’aspect médicinal, l’autre pour la cuisine”, explique Thierry Vitry. Il cultive d’autres épices comme le gingembre, l’arrow-root et le gingembre mangue. 

Sa devise :  “qualité, qualité et qualité”

Maison des épices au petit marché de Saint-Denis.

Toutes ces épices se retrouvent sur les marchés et dans certains magasins spécialisés. La Maison des épices est l’une des plus importantes entreprises d’importation et de transformation d’épices de La Réunion. Elle compte plus de 450 références, vendues dans les boucheries, épiceries, ou directement aux particuliers. Fin cuisinier, Philippe Robert, responsable communication de La Maison des épices, nous explique quelques recettes telles que le porc à la vanille ou encore le rougail saucisse. 

Astrid A