Social

Qu’est-ce qu’être musulman aujourd’hui en France ?” Que disent ceux et celles qui se disent musulman.e.s ? Sont-ils attentifs à la manière dont on les nomment ? Est-ce une identité paisible ? 

MEDIA

© PHOTOPQR/Le Midi Libre/Jean-Michel Mart ; Montpellier, 21 avril 2023. Annexe du stade de la Mosson, grande prière de l’Aïd-el-Fitr célébrant la fin du Ramadan pour les musulmans. Plus de 20 000 personnes se sont réunies sur le terrain de football.

Pourquoi se dire et être dit musulman semble-t-il parfois se rapporter davantage à une appartenance ethnique ? Existe-t-il une divergence entre la catégorisation de soi (l’autocatégorisation) et celle réalisée par autrui (l’hétérocatégorisation) ? Comment se construit l’ethnicisation et la racialisation de la figure du musulman en France ?

Marie-Claire Willems est docteure en sociologie, membre du laboratoire Sociologie, philosophie et anthropologie politique (Sophiapol) de l’université Paris-Nanterre et de l’Association française des sciences sociales des religions (AFSR). 

Elle publie, aux éditions du Détour, Musulman. Une assignation ?

La réflexion de l’auteure “se nourrit d’un terrain d’enquête ethnographique auprès des premières personnes concernées et prête attention à la parole de celles et ceux qui se définissent eux-mêmes musulmans, quel que soit le sens donné à ce mot.” (souligné par nos soins)

Dans Musulman, une assignation ?, la sociologue Marie-Claire Willems remonte aux origines d’un mot «musulman» ou d’autres tels mahométan, turc, maure,… Dès le 16e siècle, plusieurs mots existent pour définir des réalités plus ou moins stables.

A l’époque contemporaine, les musulmans se voient renvoyer à plusieurs définitions (souvent des assignations !) – de culture musulmane, d’origine musulmane ! Que peut avoir de problématique cette polysémie de l’islam en France ? En quoi est-elle source de confusion pour les musulmans eux-mêmes ?

La question de l’origine, en particulier, renvoie au passé colonial de la France -l’Algérie- où s’est amorcée une ethnicisation des musulmans.

La colonisation participe donc de l’évolution du sens de musulman. Plus qu’un seul référent religieux, il rassemble des représentations ethnicisées et racisées sur une catégorie de personnes déjà constituée. Dans ce contexte, l’identité musulmane est effectivement acquise par la naissance.  La colonisation représente ainsi un moment crucial puisqu’elle surdétermine l’usage du mot musulman à côté de celui d’indigène [sujets de seconde zone aux droits limités].

Toutes ces réflexions invitent le lecteur.rice curieux.se à aller au-delà de la cacophonie de la sphère politico-médiatique, où l’on agite le chiffon rouge d’un islam conquérant, anti-républicain et anti-laïque.

Je regarde plusieurs débats dans l’islam français ; je ne comprends pas pourquoi ils parlent tout le temps des banlieues, des clandestins, des problèmes sociaux […]. s’interroge une étudiante au centre de formation sur l’islam, à Saint Denis, venue récemment vivre en France. Pour elle, l’islam et les musulmans restent toujours associés à des thèmes qui ne traitent pas de religion.

En éclairant les différents usages du mot “musulman” – catégorie ethno-culturelle, condition sociale et identification exclusivement religieuse, l’auteure donne à entendre “une mélodie” bien différente. Elle propose le slogan “Muslim is beautiful, qui présuppose […] une lutte contre le racisme”.

Si les désignations évoluent, des termes «Arabe», «Maghrébin», «immigré» vers celui de «musulman», les significations persistent et évoquent le même refus de l’étranger. Un symptôme, très révélateur de ce refus, se manifeste […] dans les changements de signification du terme «islamisme» au fil du temps. Aujourd’hui, «l’islamisme» marque une forme de passage à partir duquel la pratique de l’islam est jugée totalitaire et dangereuse. Une question reste néanmoins en suspens  : pourquoi la même interprétation du « -isme» d’«islamisme» n’existe-t-elle pas chez ses homologues, le catholicisme, le bouddhisme, le judaïsme, etc. ?”  (souligné par nos soins).

L’ensemble de ces questionnements sur les sens et les usages d’un mot «musulman.e», des catégories que l’on forme à partir de celui-ci, dit, tout à la fois, les représentations de la société dans laquelle évoluent ceux.celle-là même concerné.es, mais aussi leurs  interrogations légitimes sur les assignations auxquelles ils.elles sont soumis.es.

Terrain Social, avec la sociologue Marie-Claire Willems, en interrogeant une polysémie française, vous convie à une quête de sens.

Hugues Chevarin

Poursuivre :

Terrain Social renvoie à la très complète bibliographie de l’ouvrage de Marie-Claire Willems

Deux propositions en ligne :

Mots d’islam, Orient XXI, revue en ligne

“Muslim” – Les mots du Coran – Jacqueline Chabbi, chaîne Youtube.