Depuis la Révolution française, les travailleuses en lutte !

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Quelle est la place du travail dans l’histoire des luttes féministes ? En quoi le travail est-il l’un des moteurs principaux de l’émancipation des femmes ? Quelles en sont les étapes marquantes -avoir un travail, et des conditions dignes, un salaire horaire, pouvoir disposer des fruits de son travail, ainsi que l’égalité salariale qui se fait attendre ? Voilà des questions qui se sont posées dès le XIXème !

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©FLORENT MOREAU/ PHOTOPQR/VOIX DU NORD/ Lille, le 10.10.2022.  » Les roses n’effacent pas les bleus  » indique un collage denoncant les violences faites aux femmes, oeuvre du collectif Collages Feministes.

“ «Troisième vague», donc… La «seconde» étant celle des années 1970, et la «première», celle des suffragettes de la fin du XIXème siècle et du début du XXème siècle. Mais avant ? Il n’y aurait rien ? Pas de vague ? Calme plat ? Toutes ces femmes qui ont lutté pour leurs droits avant la fin du XIXème siècle, on les oublie ? Voilà bien ce qui me gêne dans cette terminologie : l’effacement de décennies de combats et de bataillons de combattantes.” 

Voilà le constat et les interrogations que posait l’historienne Mathilde Larrère dans son précédent ouvrage Rage against the machisme.

“L’autre défaut de cette image des vagues est de tendre à associer une vague à une lutte -le droit de vote pour la première, l’IVG pour la seconde et la bataille du corps et de l’intime pour la troisième. Une lecture qui, déjà, ne laisse pas de place aux combats féministes pour le travail, pour les droits des travailleuses.”

Elle récidive, avec autant d’énergie et d’engagement, avec Guns and roses, Les objets des luttes féministes, aux éditions du Détour.

Mathilde Larrère est enseignante-chercheuse en histoire, spécialiste du XIXesiècle. Elle enseigne à l’uni­versité Gustave-Eiffel ainsi qu’à l’Institut d’études politiques de Paris et intervient régulièrement dans des universités populaires. Elle tient également une chronique d’histoire pour Arrêt sur Image et pour Politis, où elle co-dirige avec l’historienne Laurence De Cock la ru­brique «L’Histoire n’est pas un roman».

Depuis plus de deux siècles, les femmes, organisées collectivement, ferraillent pour obtenir des droits et que soit enfin reconnu l’égalité entre les femmes et les hommes : pas seulement dans les mots, mais aussi et surtout dans les faits !Dans son dernier ouvrage Guns and Roses, Les objets des luttes féministes, qui fait suite à Rage against the Machisme, l’auteure pose les premières fondations d’un possible futur musée des luttes féministes.
Ce sont d’autres historiens, d’autres historiennes qui se sont engagés dans l’histoire des objets, et une histoire par les objets, qui  m’y ont fait songer.”[…] “J’ai trouvé la démarche si réussie, si efficace : entrer dans l’histoire par la petite porte d’un objet pour mieux incarner, donner à sentir un passé que l’on cherche à faire comprendre.

Mathilde Larrère réveille les passions des luttes féministes qui secouent la France et le monde depuis la Révolution française et montre combien le XIXème siècle est riche en figures de combat : souvent journalistes -Hubertine Auclert, Désirée Gay, Olympe Audouart, Marguerite Durand, pour la plupart absente de l’espace public, et bien d’autres précurseures, telle Louise Michel, mais aussi la foule anonyme des travailleuses, ouvrières, en proposant une approche par les objets.

Du cintre, de sinistre mémoire, utilisé dans les avortements clandestins, devenu emblême des féministes à travers le monde dans leurs revendications du droit à l’IVG (Interruption Volontaire de Grossesse), des slogans tel “Bread and Roses”  («On veut du pain et aussi des roses») clamé par des ouvrières lors de leur grand grève victorieuse à Lawrence, aux USA en 1912, slogan repris tout au tour du monde depuis… ou encore le Code civil napoléonien de 1804, tant loué par les hommes, qui a fait des femmes mariées, des mineures au regard du droit.

Des barricades du XIXème siècle à la question récente du port du voile, tous ces objets racontent des combats toujours à mener, avec vigilance. L’actualité récente montre les menées contre les droits des femmes – par exemple l’accès à l’IVG aux Etats-Unis, en Pologne, en Hongrie, … et la liste est longue !
Mais aussi le détricotage du droit du travail en France, sous les mandats de François Hollande et Emmanuel Macron, avec les félicitations du Medef, qui impacte tou.te.s travailleurs.euses, et surtout les plus précaires, souvent des femmes, et  encore plus souvent des femmes racisées ! Et que dire des nouvelles conditions d’obtention des allocations de chômage… sans parler du projet de réforme des retraites, qui pénalisera un peu plus les travailleuses aux carrières dites « hachées »…
Toutes ces attaques, tous ces reculs frappent toujours et en premier lieu les femmes. Toutes les luttes féministes, victorieuses ou non, sont au profit de toutes et tous. Guns and Roses, Les objets des luttes féministes dit toute l’importance de regarder dans le rétroviseur de l’Histoire !

Terrain Social, avec l’historienne engagée Mathilde Larrère, questionne les luttes féministes du passé, en particulier celles du XIXème, au prisme du travail, et souhaite à l’instar de l’auteure, “que s’ouvre en France, comme il en existe en Angleterre, comme il est projeté de le faire à Washington, un musée des luttes féministes.

Hugues Chevarin

Ouvrage cité dans l’interview : Erving Goffman, Stigmate, Editions de Minuit, 1975.

Quelques liens pour poursuivre la réflexion : 
Femmes en lutte pour leur travail, Terriennes, TV5 Monde
À Ceuta et Melilla, ces travailleuses qu’on prend et qu’on jette, Revue Ballast.
#Féminisme – Bastamag

Une trouvaille : Chant de lutte et révolution

Enfin, citation musicale de la chanson préférée de Mathilde Larrère : “On parle de parité“ du groupe Les Femmouzes T.