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Ancien chef du service politique de France Culture, Benoît Bouscarel a annoncé cette semaine son départ de Radio France. Il a décidé de se consacrer pleinement au développement de l’Onde Porteuse, qu’il a cofondée en 2015. Interview.

Benoît Bouscarel quitte France Culture

© L’Onde Porteuse

“Dans les locales de France Bleu, au Mouv’ et puis à France Culture, nuit et jour, ici et ailleurs, j’aurai tant vu et entendu, tant appris (tant donné aussi) que même résumée l’histoire serait trop longue”, témoignait récemment Benoît Bouscarel dans le post Facebook annonçant son départ de France Culture. Après un peu plus de 20 années au service de Radio France, il a choisi de revenir s’implanter en Auvergne, où il a grandi, afin de s’investir pleinement dans le développement de l’Onde Porteuse. Comment et pourquoi fait-on un tel choix ? Pour aller vers où, vers quoi, quand et comment ? Voici l’intervieweur interviewé.

Julien Millanvoye. Comment êtes-vous entré à France Culture ?
Benoît Bouscarel. Je travaillais au Mouv’ depuis quelques années quand en 2013, Jean-Marc Four, alors directeur de la rédaction de Culture, m’a proposé de présenter Les Matins d’Été -c’est-à-dire la matinale de France Culture sur les deux mois d’été- et d’en être le producteur. J’ai adoré évidemment tenir ce rôle, et quand ensuite à l’automne la proposition est arrivée de rejoindre pour de bon les équipes de France Culture, à la rédaction cette fois, j’ai évidemment dit oui : c’est une proposition que je ne pouvais pas refuser.

J. M. C’était un travail de journaliste ?
B. B. Oui, j’ai toujours été journaliste. Je suis arrivé à la rédaction en janvier 2014 pour être éditorialiste politique, avant de prendre en charge le service politique. Puis, tout en reprenant les rênes des matins d’été en 2016 et 2019, je suis devenu rédacteur en chef du week-end.

J. M. Et déjà, l’Onde Porteuse prenait forme.
B. B. L’idée est née en 2015. À l’occasion du 20ème anniversaire de Radio Campus Clermont-Ferrand que j’avais contribué à fonder en 95-96, j’ai retrouvé Charlotte Waelti qui elle aussi avait participé à cette aventure. En discutant, on s’est assez vite entendu sur l’idée qu’un projet social autour de l’oralité, du podcast, de l’audio… autour de la radio en fait, pourrait avoir sa place ici, à Clermont, à condition d’œuvrer en parallèle pour l’éducation aux médias et à l’information – on y tient beaucoup. On avait ces intuitions, ces envies, et puis il se trouve qu’on avait déjà travaillé ensemble pour monter des sessions de formation quand elle était directrice de la Fédération des Radios Associatives des Pays de la Loire (FRAP) à Nantes. Donc les choses ont été très fluides très rapidement entre nous.

On a créé l’association en novembre 2015 et après plusieurs mois de travail, on a mis en place une activité de formation dès l’été 2016. Notre offre a tout de suite beaucoup plu aux radios associatives et par la suite nous nous sommes lancés dans l’insertion par l’activité économique. C’est quelque chose de très spécifique et qui a fait ses preuves : on embauche des personnes en difficulté sur le plan de l’emploi et on les accompagne sur la base de leur projet professionnel. Notre idée à nous, notre spécificité, c’est de les accompagner en utilisant l’oralité, la radio, le journalisme. C’est très particulier de faire entrer l’éducation aux médias dans l’insertion, mais c’est notre pari. Depuis 2017, notre façon de faire de l’insertion avec la radio a beaucoup évolué, jusqu’à la création de la radio “Le Chantier”, qui diffuse à Clermont depuis le mois de janvier, avec des programmes créés à la fois par des professionnels et par des salariés en insertion. Désormais, nous travaillons à la création d’un réseau de rédactions inclusives, qui pourrait avoir une envergure nationale.

J. M. Projet dont on va bien sûr parler… Mais d’abord, comment décide-t-on de quitter une aussi belle maison que France Culture ?
B. B. En 2015, quand j’ai revu Charlotte Waelti et qu’on a eu cette discussion, j’étais en année sabbatique et l’idée que j’avais derrière la tête était d’essayer d’éprouver la liberté que pouvait procurer un projet développé en dehors de la grande maison, sécurisante mais parfois aussi un peu étouffante. À mon retour, j’ai pris le poste de rédacteur en chef du week-end ce qui me laissait du temps libre en semaine pour développer l’Onde Porteuse. C’était un rythme assez soutenu, assez compliqué entre Paris et Clermont-Ferrand, mais c’était passionnant car ces deux missions étaient très complémentaires : d’un côté, une mission relativement prestigieuse, à l’antenne d’une très, très belle radio ; de l’autre, une expérience clermontoise collée au terrain, aux prises avec les réalités sociales. De chaque côté de la Loire, ou du périph’, je faisais bien le même métier, mais j’avais deux façons de l’exercer.

Mais bien sûr, ce rythme n’est pas tenable sur le long terme, et j’ai repris un congé sans solde en 2020, pour me donner le temps de réfléchir à la direction que je voulais prendre. Peu à peu, l’évidence est arrivée et même si m’éloigner de France Culture est un choix difficile, je ne le regrette pas.

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© L’Onde Porteuse

J. M. La décision s’est en réalité imposée d’elle-même…
B. B. Oui, pour moi c’est la suite logique d’un processus : ça fait plus de cinq ans maintenant qu’on est engagé dans l’Onde Porteuse avec Charlotte, puis Francisque Brémont nous a rejoint, puis tout le reste de l’équipe… Ça fait du monde, et c’est une structure maintenant assez solide. Les conditions ne sont pas les mêmes qu’à Radio France, c’est évident, le rendu non plus, la surface médiatique encore moins, tout un tas de choses changent… Mais les liens qui ont pu se créer avec la cinquantaine de salariés qui sont passés par Le Chantier (et dont les deux tiers ont depuis obtenu soit un emploi durable soit un diplôme) sont extrêmement forts. Et finalement, il était plus difficile d’imaginer me couper de ce contact avec elles et eux, que du statut que m’offrait Radio France.

J. M. Que peut-on maintenant vous souhaiter, à vous et à l’Onde Porteuse ?
B. B. On peut souhaiter des mois moins bousculés que ceux qu’on a connus en 2020 et 2021 ! Et on peut surtout souhaiter aux salariés et salariées en insertion de belles réussites professionnelles, comme on en a connu récemment, avec Christophe, Darcia ou encore Rouslan. Des diplômes importants et utiles, comme pour Teddy, Augustin, Hélène. C’est ça surtout qu’il faut souhaiter aux salariés de l’Onde. Et si ça, ça fonctionne, l’Onde ira bien. Et moi aussi, du coup.

J. M. On peut aussi souhaiter la réussite de l’essaimage, peut-être ?
B. B. Ah oui, bien sûr : nous avons pour projet de développer le principe de l’insertion par la radio dans toute la France : c’est le gros “chantier” de l’Onde Porteuse pour les années qui viennent. L’idée est de développer des structures similaires, bien sûr adaptées aux réalités, aux besoins et aux envies locales dans plusieurs villes du pays, avec un premier projet qui va ouvrir ses portes en décembre à Saint-Denis de La Réunion. À terme, cela pourrait nous donner la possibilité de créer des programmes dans différents endroits, et occasionner des échanges, des liens importants entre les gens par le son, la voix, l’expression. C’est ça que nous appelons “le sens du son” à l’Onde Porteuse, c’est celui qui permet d’aller vers les autres. Par le biais d’échanges de programmes, et pourquoi pas par la création d’un programme radio d’ampleur nationale. Il est encore un peu tôt pour en parler, mais nous aurons dans quelques semaines une annonce importante à faire concernant la mise en place de ce réseau.

J. M. Avec tout ça, avez-vous encore le temps de vous consacrer à votre passion du journalisme ?
B. B. Plus que jamais. Avec notre journaliste Tiphaine Crézé, nous lançons la saison 2 du podcast Du Biscuit, disponible sur le Chantier et sur toutes les plateformes d’écoute. C’est un programme mensuel entièrement consacré aux mécaniques de l’information : comment et pourquoi les journalistes traitent de tel ou tel sujet, de telle ou telle manière…

J. M. Quel rapport avec le biscuit ?
B. B. “Avoir du biscuit”, chez les journalistes, ça veut dire avoir des informations. C’est un peu désuet, mais on entend encore parfois ça, dans les rédactions : “T’as du biscuit sur l’affaire machin ?”…

MEDIA

Retrouvez Benoît Bouscarel dans Du Biscuit, chaque mois sur Le Chantier et les applications de podcast.
Une émission animée avec Tiphaine Crézé et réalisée par Francisque Brémont.

Propos recueillis par Julien Millanvoye