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Fin 2020, c’est avec le morceau « Le Bruit des Plantes dans le Béton » que le duo Korin F. avait alerté les radars sensibles et curieux du Chantier, pour un groupe qui avait pourtant déjà sorti un premier EP « CD de Voiture » en 2018. Quelques mois plus tard, il dévoile avec bonheur en ce mois de juin leur premier album « L’Arbre Exponentiel », un album étonnant, plein d’esprit et de ludisme, une œuvre conceptuelle vivante et consciente qui interroge par la métaphore et la poésie, le son et l’image, nos modes de vie et la modernité actuelle.

l'arbre exponentiel korin f le chantier radio

© Noémie Wonder

L’art, la fête, l’exaltation créative, la musique, le cinéma, l’image ont été les vecteurs de la rencontre de ces deux complices au sein du collectif Le Prism Collective, il y a maintenant presque dix ans. Chacun a poursuivi son chemin, celui de la musique pour Pierre Thomassian et celui du cinéma, de l’animation pour Maxime Grayt. De fait, l’approche esthétique de Korin F. dépasse le cadre habituel de la musique pop. Le duo utilise les possibles et les vertus actuels de la technologie pour créer leur propre univers, un univers global, sorte d’espace refuge et de territoire de jeu, qui leur permet d’échapper au monde en créant le leur.

Sans verser dans un propos frontal et revendicatif, les deux créateurs construisent une narration pleine de sens, de poésie, de recoins et de mystères pour évoquer l’écologie au sens large et noble du terme, et par effet de contrepoint, la déraison de la croissance à tout prix. Ils opposent à cette déraison, l’amour, les sentiments, la profondeur des relations humaines, mais aussi les sensations, les vibrations pour suggérer un autre rapport au monde plus contemplatif, plus empathique, en osmose avec les éléments, la nature et les êtres vivants.

D’une certaine manière, ce premier long format nous invite ainsi à nous évader, à nous déconnecter du réel pour prendre du recul et décaler nos points de vue.

Se déconnecter en plongeant dans des histoires surréalistes subtilement mises en forme et construites par le talent d’écriture du cinéaste et réalisateur qu’est Maxime Grayt.

Se déconnecter en plongeant dans ce bouillon de pop culture qui voit se télescoper et se combiner dans les instrumentations très inspirés de Pierre Thomassian les élans évocateurs et synthétiques de Vangelis (Sur la Même Longueur D’âme), les extrapolations « electrorétrofuturistes » de Kraftwerk (Avec Amour), l’intelligence mélodique et l’intensité rock de Depeche Mode (Le Voleur de Temps), l’hédonisme disco façon Giorgio Moroder et de Cerrone pour ne citer qu’eux (Les Visages Éphémères, Et J’avance).

Mais chez Korin F., tout ceci ne participe qu’à un jeu, une manière de brouiller les pistes, de s’amuser, de créer des failles temporelles en convoquant des anachronismes esthétiques. Ainsi sur Qui a Vu Rêva, l’introduction pourrait évoquer les accords et les nappes sinusoïdales de Jean-Michel Jarre, elle bascule soudainement dans une rythmique tendue à la Kompromat pour s’adoucir dans les paysages psychédéliques réverbérés façon Pink Floyd, que les accords appuyés d’une guitare très Melody Nelson viennent survoler.

En écoutant bien, ce disque fourmille d’une multitude de petits détails et de clins d’œil à presque un siècle de musique pop, et pourrait ainsi faire de Korin F. des petits cousins de Daft Punk et de Justice. Mais loin de l’exercice de style, Maxime Grayt et Pierre Thomassian assument qui plus est le chant et le texte en français, à travers des constructions de phrases simples, des jeux de mots immédiats, répétés à l’envi, qui donnent beaucoup de fraîcheur à l’ensemble. Sur des morceaux comme Sensation Océanique, Sous L’entropique et Je Navigue à L’aveugle, le groupe ose un certain lyrisme pop, qui pourrait aller jusqu’à évoquer le dandysme pop d’Etienne Daho.

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© Camille Chauve

À la fois très immédiat et très accrocheur dès les premières écoutes, L’Arbre Exponentiel ne cesse de révéler sa grande richesse créative et sa profonde sensibilité, stimulé par ses tubes en puissance (Les Visages Éphémères, Bye Bye Baby Lou, Le Bruit des Plantes dans le Béton) et amplifié par ses morceaux plus atypiques et plus sinueux mais tout autant chargés de sens (Le Voleur de Temps, Avec Amour).

Le Chantier est très heureux de vous permettre de plonger dans la musique de L’Arbre Exponentiel quelques jours avant sa sortie officielle (vendredi 4 juin 2021 via Les Disques Pavillon et Kuroneko), à l’occasion d’une semaine spéciale où Maxime Grayt et Pierre Thomassian se livreront d’ailleurs avec intelligence, simplicité et sincérité dans des extraits d’une interview passionnante et instructive, réalisée il y a quelques semaines par nos soins.

Le duo vous offre à cette occasion des albums dédicacés, pour participer, une seule adresse : [email protected]

Laurent Thore