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Comme par enchantement, le nouveau long format du groupe lyonnais Gloria semble surgir du passé tel un trésor enfoui dans l’intelligence sonore des années soixante. Il exprime avec bonheur la vision esthétique du guitariste et producteur Kid Victrola pour un résultat sidérant de cohérence, d’une grande richesse instrumentale et vocale.

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gloria sabbat matters le chantier radio

© Anne-Lyse Gaudet

Si effectivement, la musique de Gloria est en grande partie le fruit de la culture musicale et des envies de son créateur, elle prend aussi forme dans l’effervescence créative d’un collectif complice et inspiré (notamment le batteur Josselin Varengo et le musicien Thomas Cortay). Bien sûr, l’identité de ce combo organique et millésimée se construit en premier lieu autour de ces voix de chanteuses, enchanteresses et envoûtantes, celle de Wendy Martinez (dont on attend avec impatience la sortie de son nouvel EP), celle de l’anglaise Amy Winterbotham et celle de Marie-Louise Bourgeois.

Mais à l’évidence, l’univers de Gloria est aussi largement influencé par les innovations mais aussi la démesure des grands producteurs, compositeurs historiques et emblématiques des sixties : George Martin, Phil Spector, Berry Gordy, Burt Bacharach… Pourtant d’une certaine manière, Gloria n’est pas par essence un groupe hommage à cette période. Kid Victrola, aussi connu comme un DJ digger extrêmement curieux et fouineur, est certes fortement marqué par cette dimension populaire des musiques pop et rock des années soixante, mais est aussi attiré vers le côté underground, ces profondeurs de la culture pop, où se côtoient dans les bacs des disquaires indépendants rock, des styles cultes comme la northern soul, l’exotica, le psychobilly, le garage, les musiques de films… et qui parfois rejoint d’ailleurs la culture « freaks », à l’image des cultissimes The Cramps, eux-même d’ailleurs grands collectionneurs de disques.

Ce n’est d’ailleurs pas étonnant de comprendre que le fil conducteur de ce disque tourne autour de la figure de la sorcière, et donc de ces fameux sabbats, ces fêtes libératrices et rituelles dont l’imaginaire collectif fantasmait de sombres formes de décadences et de déviances. Cette métaphore de la fête prend un sens particulier pendant la crise sanitaire du Covid, où les concerts, les musiques amplifiées et par extension les festivals, ont été pointées du doigt et caricaturées à l’extrême.

gloria sabbat matters

Ce deuxième album de Gloria, bien que sa genèse soit antérieure à la crise que nous connaissons, est ainsi un disque plus rock, un disque de groupe, un disque inspiré par l’expérience de la scène. Alors que Gloria In Excelsis Stereo, leur premier long format, était typiquement un album de studio, axé sur un travail d’arrangements et de mix très affirmé, Sabbat Matters diffuse une énergie différente, mais dans une vraie continuité esthétique, qui pourrait rejoindre d’ailleurs la notion de rituel du sabbat, cette communion avec le son, avec l’instant, cette communion collective qui est aussi celle de l’expérience vivante des concerts et des festivals.

Sur Space Rocket, des guitares s’élèvent, puissantes et appuyées, prêtes à réveiller tous les hippies restés pour toujours bloqués dans la boue de Woodstock. Night Bitting nous entraîne lui dans une sorte de danse endiablée en nous téléportant dans le film de Russ Meyer, Beyond The Valley Of The Dolls, emblème de la contre-culture du début des années 70. Plus largement, le tracklisting de ce disque est ainsi un chemin sinueux et addictif, une sorte de quête esthétique progressive, propice à l’immersion dans des paysages sonores évocateurs et spacieux (Skeletons, Dance With Death…).

Sabbat Matters est par la même, un disque généreux, intelligent, musical, foisonnant et coloré, parfaitement illustré par sa sublime pochette, reprenant une création exhumée des archives de l’artiste peintre et dessinatrice Nicole Claveloux, icône et figure du psychédélisme en France. Vous l’aurez compris, avec Gloria, rien n’est jamais vraiment laissé au hasard.

Sabbat Matters est sorti le 5 mars 2021 via les labels indépendants Howlin’ Banana Records, Outré Disques et Le Pop Club Records.

Il est à découvrir toute cette semaine sur notre antenne à travers une interview réalisée il y a quelques jours par la rédaction du Chantier. Un vinyle dédicacé de Sabbat Matters est à gagner. Pour participer, rien de plus simple, envoyez un mail à : [email protected].

Bonne chance !

Laurent Thore