Actus
Foisonnant, épique, radical, rageur, militant, violent, vivant, créatif, viscéral… Autant de qualificatifs qui pourraient englober le territoire des musiques extrêmes, si cher à notre web radio spécialisée, La Messe de Minuit. Pénétrer ce monde est l’assurance d’une expérience saisissante, remplie de de surprises, de méandres et de détours. Voici 7 groupes, 7 albums, remarquables et remarqués en 2020, et autant de nuances pour la couleur de La Messe de Minuit.
* Traduction littérale du titre de l’album d’un des groupes fondateurs et emblématiques du métal extrême, Death.
Greg Puciato
L’ancien chanteur des imposants The Dillinger Escape Plan sortira dans quelques jours, son premier album solo Child Soldier: Creator of God, une œuvre très personnelle et sans réelle étiquette stylistique. Elle combine en effet de nombreuses influences, le plaçant de fait, à la croisée de groupes aussi différents que Nine Inch Nails, Torche, Black Flag (une référence majeur pour lui), Depeche Mode, Deftones, Ken Mode, Converge… Un morceau comme Roach Hiss symbolise peut-être parfaitement ce creuset esthétique à travers une ferveur heavy dévastatrice inaugurale, décuplé par un sens du groove démoniaque. Alternant déflagrations matinées de violence punk, de noirceur death et d’impacts hardcore avec des passages lancinants aux relents indus quasi-lithurgiques, Greg Puciato s’implique décidément avec toujours autant d’intensité, aussi bien physique que mentale dans sa musique. Quand on sait que le musicien, en plus d’une palette vocale impressionnante de nuances et de magnétisme, en parfait multi-instrumentiste, a lui-même exécuté toutes les parties (à l’exception de la batterie) de ce disque : ceci ajoute encore plus de poids à un album entier et libérateur, pleinement assumé, déjà impressionnant, mais aussi foncièrement sincère et sensible. Au-delà de la musique, par les thématiques abordées, il fait indéniablement partie des artistes et musiciens américains, qui montrent une autre Amérique, beaucoup moins binaire, et surtout beaucoup plus complexe que son image médiatique.
Child Soldier: Creator of God sortira le 23 octobre 2020 sur Federal Prisoner, le propre label de Greg Puciato, fondé avec Jesse Draxler.
Torve
La Messe de Minuit offre une large place au courant Post-Hardcore (certes désormais un peu fourre-tout tout de même), et notamment à une scène française en pleine ébullition, à travers des groupes aussi talentueux et différents que Lysistrata, Dakiniz, New Favourite, Birds In Row… et donc Torve. Depuis Besançon, ces 5 musiciens actifs et passionnés ont dévoilé en début d’année un premier album très prometteur, héroïque et généreux, marqué par le sceau de l’indépendance et de l’autonomie. Directe, sans être simpliste, la musique du LP The Part Where It Kills You évoque la filière référencée At The Drive In et Mclusky, avec quelques touches émo à la Touché Amoré. Le rock’n’roll le plus énergique et électrique n’est jamais bien loin sur les tempos les plus rapides. Il se dirige même vers quelques incursions math rock, dans certains développements rythmiques. Voilà en somme, un exemple très parlant de la vivacité de la scène rock bruyante actuelle hexagonale.
L’album The Part Where It Kills You est sorti en février 2020 sur le label Araki Records.
Venomous Concept
Au sein de Venomous Concept, (qui porte très bien son nom), se distingue deux figures très respectées des musiques extrêmes et déviantes, à savoir Kevin Sharp, le chanteur des cinglants Brutal Truth (groupe emblématique du catalogue Relapse) et bien sûr Shane Embury, le bassiste des incontournables Napalm Death (d’ailleurs de retour cette année avec le terrible et très engagé, Throes Of Joy In The Jaws Of Defeatism). Souvent associés au métal version extrême, ces groupes s’inscrivent pourtant profondément dans un esprit punk aussi bien dans la forme que dans le fond. Et bien évidemment, c’est aussi le cas de Venomous Concept qui fait vivre au temps présent l’esprit punk hardcore de Black Flag, GBH, Discharge, Wasted Youth, Germs et donc de Poison Idea, dont il tire son nom d’un des titres. Sur Politics Versus The Erection, le punk est violent, excessif, frontal, au point d’évoquer l’abnégation rythmique de Slayer, l’aigreur sombre de Today Is The Day. Mais de manière très contrastée, son imaginaire est aussi celui de la provocation et l’engagement, à l’image d’une pochette qui aurait très bien pu être celle d’un album des Dead Kennedys, à l’heure Trump. A tous les « newcomers », Venomous Concept rappelle que les anciens sont encore les patrons quand ils mettent autant de passion, d’intensité, de vie dans une musique toujours aussi libératrice, intense et jubilatoire.
L’album Politics Versus The Erection de Venomous Concept est disponible depuis le 28 août 2020 sur le label Season Of Mist.
Alpha Wolf
Depuis l’Australie, et plus exactement Melbourne, où il est désormais basé, le groupe de néo métal Alpha Wolf affiche un tempérament rageur et guerrier, le positionnant de fait dans la catégorie « core », et pas vraiment dans la catégorie « émo » (quoique sur Bleed 4 You). Il n’est d’ailleurs pas si étonnant d’apprendre que le groupe tire son nom du film survivaliste The Grey. Nous pourrions ainsi aisément rapprocher Alpha Wolf de l’emblématique groupe canadien The Acacia Strain (référence évidente de La Messe de Minuit) : mêmes stigmates death metal et même pugnacité hardcore. Qui plus est, la noirceur intrinsèque du discours de ces deux combos (néanmoins différents notamment en raison de la culture propre de leur pays d’origine) est un point de convergence vers une vision pessimiste et apocalyptique du monde et de l’humanité, mais sans tomber dans un désespoir névrosé ou verser totalement dans une misanthropie démesurée façon black métal. A Quiet Place To Die, deuxième album des Australiens, apparaît comme un album exutoire, monolithique, particulièrement indiqué pour ceux et celles qui aiment se faire secouer sans ménagement dans la machine à laver, à travers le programme basique, sans rinçage, ni séchage.
L’album A Quiet Place To Die d’Alpha Wolf est disponible depuis le 25 septembre 2020 sur le label Sharptone Records.
Pallbearer
Formé en 2008, le groupe américain Pallbearer est devenu depuis lors, un référence du courant doom, même si sa musique introduit de nombreux éléments psyché, stoner, rock progressif, shoegaze, post rock, post metal, heavy metal… et un champ esthétique qui pourrait être recouvert par des groupes aussi différents que les Smashing Pumpkins, Alice In Chains, Pink Floyd, Black Sabbath, Soundgarden, Monster Magnet, Melvins… Prélude à son album à venir (Forgotten Days), trois titres déjà disponibles, dont le très prenant, The Quicksand Of Existing ouvrent la voie d’une musique toujours aussi lyrique, expressive et immersive, cultivant par essence un imaginaire héroïque, brumeux et philosophique. Si certains groupes de musiques extrêmes, basent avant tout leur puissance sur un côté impactant, Pallbearer installe quand à lui un rapport au temps et à l’espace très particulier, tout en progression et en ascensions climatiques, à travers des morceaux plutôt longs en bouche, générant des masses sonores monstrueuses, véritables mille-feuilles en strates semblant ne jamais vouloir s’arrêter de grossir.
L’album Forgotten Days de Pallbearer sortira le 23 octobre 2020 via Nuclear Blast.
Untitled With Drums
Nous n’attendions peut-être pas les clermontois à un tel niveau d’excellence. Leur post-metal sombre et mélodique est carrément sublimé sur ce deuxième album, à travers une production n’ayant rien à envier à leurs influences américaines. Leur leader, Martin LB se montre particulièrement inspiré, révélant une sensibilité vocale pleine de nuances et de spleen absolument décisive, et précisons-le en tant que chanteur bassiste. Plus largement le groupe construit collectivement, avec une cohésion remarquable, une musique personnelle, basée sur de solides compositions et d’excellentes chansons. Il se distingue par sa capacité à synthétiser avec passion et humilité leurs attirances pour le grunge, le metal, le doom, le shoegaze, le néo métal, le sludge et même la pop. Parcouru de part en part, par un vent de mélancolie extrêmement sincère, sans maniérisme, Hollow marque indéniablement de son empreinte l’année métal 2020, en s’adressant aussi bien aux fans de Deftones, Quicksand, Torche, que ceux d’Alice In Chains, Jesu ou Helmet.
L’album Hollow d’Untilted With Drums est disponible en France via Araki Records et Atypeek Music depuis le 06 mars 2020.
Skeletal Remains
En manque de headbang, de growl et de stage diving ? Une bonne rasade de Skeletal Remains devrait vous remettre les idées en place. Leur trash metal violent et brutal tendance death metal old school ne laisse aucun répit sur la longueur d’un album dévastateur et implacable, même si le groupe isole, dans la grande tradition « heroic-fantasy » des plages de transitions climatiques. Batterie hystérique, riffs et solos de guitares dégoulinants, basse galopante, chant hargneux et sanguinaire, tels sont les ingrédients de cette musique radicale et guerrière, qui se signale néanmoins par son envie de célébrer les pionniers du genre comme Death, Carcass, Deicide, Sepultura… Âmes sensibles s’abstenir, pour les autres, foncez !
L’album The Entombment Of Chaos de Skeletal Remains est disponible depuis le 11 septembre 2020 via Century Media.
L’ensemble de ces artistes est à découvrir tous les soirs de minuit à 1h sur Le Chantier, et plus généralement, sur notre webradio La Messe de Minuit.
Laurent Thore