Le bout du tunnel

Culture

Circuit Cool au cœur d’une semaine marquée par la réouverture des terrasses, des cafés, des lieux culturels, et bien sûr, la perspective de futurs concerts qui activent la scène indépendante en France et partout dans le monde. Les sorties de disques se bousculent et l’on commence déjà à entendre des œuvres créées pendant le premier confinement, pour répondre à la stupéfaction et à la frustration. Au sommaire toujours une sélection foisonnante et éclectique qui passera par l’electronica d’Abraham Fogg, le rock sauvage et libérateur de We Hate You Please Die, la pop décalée de Marie Delta, le flow légendaire du rappeur Kool Keith, par la complicité hip-hop du beatmaker L’Orange et du MC Namir Blade, par le rock sensuel et déstructuré de /A\, la rage collective du groupe de hardcore Stinky.

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We Hate You Please Die : © Charlotte Romer

Comme chaque semaine focus sur l’album du Chantier, et cette fois-ci Le Projet de Fontaine Wallace. Il y a beaucoup de sensibilité et de poésie dans ce disque de pop romantique et lettrée, dans lequel Nicolas Falez assume parfaitement le fait d’écrire des chansons tristes qui le renvoie à sa famille imaginaire et à des artistes cultes comme Leonard Cohen ou Nick Cave, qu’il affectionne tant. Chronique de leur nouvel album à lire sur notre site.

Si vous êtes des fidèles du Chantier mais aussi de Circuit Cool, vous avez perçu au combien le rap indépendant américain nourrit notre couleur musicale, comme l’illustre, le génialissime Kool Keith, une icône, une légende du rap américain, qui annonce un nouvel album pour juin en collaboration avec le duo de producteurs américains Triple Park, sortie prévue sur le label français Logistic ; comme L’Orange et Namir Blade, un tandem de choc de l’écurie Mello Music Group, auteur du génial long format, Imaginary Everything, un album de hip-hop créatif, envoûtant et psychédélique absolument divin.

Attention ! Avis de déferlante rock dans Circuit Cool, avec le nouveau single de We Hate You Please Die, qui déboule d’ailleurs aujourd’hui sous la forme d’un clip coloré et rigolo, qui colle parfaitement à l’énergie brute et punk de ce quatuor mixte sans complexe, fer de lance de la scène rock rouennaise, et tout simplement ce qui se fait de mieux en ce moment en matière de rock indé aux côtés de Mad Foxes, It It Anita, La Jungle

Enchaînement brûlant et incandescent entre le rock fiévreux de We Hate You Please Die et le hardcore incisif et généreux de Stinky, qui a sorti l’an dernier un des meilleurs albums de la grande famille des musiques extrêmes entre métal, hardcore et punk de l’année 2020… Les membres de Stinky meurent d’impatience de reprendre le chemin de la scène, à l’image de la super reprise de Gallows qu’ils ont enregistré dernièrement avec une intention de dingue, captation à retrouver dès aujourd’hui sur le site du Chantier.

Du côté de la Suisse, la scène indépendante n’est pas en reste ces derniers temps, nous pouvons penser notamment au génial Louis Jucker, à Barrio Colette, Bandit Voyage, Qoniak… voici que se dévoile une rencontre musicale de haut vol, /A\ entre la musicienne Émilie Zoé, le batteur Nicolas Pittet et le leader des mythique Young Gods, Frank Treichler. Un premier titre Grain Sand & Mud circule depuis quelques jours sur les internets, il ouvre les portes d’un univers musical entre rock et électronique, tout en nuances où le groove se déploie petit à petit, et nous emporte dans un tourbillon d’émotions absolument délicieux.

Climat plus apaisé et redescente en douceur avec Marie Delta dans Circuit Cool, dans cette parenthèse naïve et pop. L’ensemble active les ressorts d’une musique économe et inventive, à l’humeur très lo-fi et DIY, quelque part entre Stereolab et les Young Marble Giants. Il faut savoir dépasser cette fragilité apparente et se laisser porter par cette sensibilité, cette fraîcheur, cette candeur mélodique…

En guise de conclusion, une expérience aussi bien sonore que visuelle, avec le duo Abraham Fogg, composé par Grégoire Vaillant et Charles Edouard Dangelser, musiciens, performeurs, vidéastes… ils ont dévoilé cette semaine une intense performance réalisée avec l’artiste Olivier De Sagazan, où leur mélange de synth pop onirique, d’electronica sombre et de musique baroque se fond littéralement dans l’image.

Toutes les nouveautés et découvertes du Chantier sont à retrouver dans nos différentes playlists Spotify, n’hésitez pas à vous abonner !

Prochain rendez-vous Circuit Cool, vendredi 28 mai à 18h, à écouter sur le 98 FM à Clermont-Ferrand et sur notre site internet.

Laurent Thore

Un duo improbable et pourtant évident

Actus

Les fleurs s’épanouissent, l’herbe pousse, le soleil revient petit à petit, le printemps s’installe progressivement. Quelle meilleure bande-son gorgée de lumière, de vie et de générosité que le premier album de Maxwell Farrington et Le SuperHomard pour accompagner ce souffle de liberté et d’espoir.

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© Franck Alix

Loin du calcul, la musique de ce duo improbable et pourtant évident résonne avec le moment présent. Un seul titre résume à lui tout seul ce sentiment : Free Again, une ode à l’insouciance et à la rêverie. Le hasard a décidément bien fait les choses quand en 2019, les deux complices se rencontrent à l’occasion du MaMA Festival, et se découvrent des points communs, et enregistrent finalement en 2020 à partir du premier confinement, la matrice de ce qui deviendra Once.

Les 12 morceaux de ce long format référencé sont marqués par la performance de crooner de Maxwell Farrington, lui qui est pourtant connu dans le milieu indépendant, pour son rôle de frontman extatique et survolté dans le groupe de garage post-punk noisy Dewaere. Le jeune chanteur s’élève l’air de rien, à la hauteur (avec d’ailleurs une proximité vocale étonnante) du génial Adam Green, c’est dire. Inspiré par l’expressivité de son nouveau compagnon d’aventure, Christophe Vaillant alias Le SuperHomard, a façonné les strates d’une musique élégante, aux arrangements délicats et soyeux. Difficile de ne pas évoquer les disques de Scott Walker (période 60’s), les productions de Burt Bacharach et de Lee Hazlewood à l’écoute de ce disque évasion, télétransporteur héroïque dans le temps et l’espace.

La musique revêt ainsi sur cet album les habits de la théâtralité et du lyrisme, mais avec suffisamment de ludisme et de fraîcheur pour éviter le côté boursouflé et excessif pouvant se manifester dans ce registre. Tout est une histoire d’équilibre, de bon dosage et de simplicité, comme sur l’inaugural We, Us The Pharaohs.

D’une certaine manière, c’est aussi l’inventivité de Christophe Vaillant qui a donné cette couleur vintage sans vraiment l’être à Once, avec ces incursions malicieuses et anachroniques de boîtes à rythmes et de synthétiseurs. En échangeant avec lui, il affirme se sentir proche de l’approche d’Émile Sornin, le leader de Forever Pavot, avec qui il partage cette façon d’appréhender la musique, cette vision globale qui se rapproche de celles de grands arrangeurs et compositeurs des années 60. A tel point, que nous pouvons entendre dans Once, des réminiscences des bandes-originales de Sergio Leone (en particulier sur l’instrumental Le Mesa Motel) ou encore des arrangements de Jean-Claude Vannier (North Pole, Happening Again…). Mais l’ensemble reste avant tout pop, basé sur des chansons au sens noble du terme : une voix, une mélodie, un texte.

Voilà un disque qui fait tout simplement du bien, un disque sans prétention, certainement dépassé par ses propres vertus, qui rappelle au combien l’histoire des musiques populaires s’est écrite dans le caractère imprévisible et surprenant des choses. A n’en point douter, c’est aussi ce qui a dû séduire et convaincre Sean Bouchard, l’âme de Talitres de sortir ce disque dans son exigeant et passionnant catalogue. Pour parfaire cet état de grâce, Maxwell Farrington et Le SuperHomard se produiront en quintet dès ce week-end dans le cadre du festival Villette Sonique à Paris, partageant la scène avec les excellents Le Villejuif Underground.

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Le Chantier est très content de vous faire découvrir Once, cette semaine sur son antenne, à travers la découverte de ces morceaux fins et feutrés, mais aussi des extraits d’une interview réalisée il y a quelques jours avec Christophe Vaillant. Il reviendra chaque jour avec nous, sur la genèse de ce disque, sur la belle complicité, sur la bouffée d’air frais que ce temps de création aura généré en 2020.

Un vinyle dédicacé est à gagner ! Une seule adresse pour participer : [email protected]

Laurent Thore

Habiter ensemble pour vieillir ensemble

Actus

Les maisons de retraite accueillent les personnes âgées et sont de plus en plus saturées. L’Olivier des Sages nous ouvre ses portes et nous explique le quotidien de la vie des seniors en communauté.

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© Philippe Lavieille / PHOTOPQR / LE PARISIEN / MAXPPP

La première colocation partagée pour les chibanis de Lyon a été mise en place par L’Olivier des Sages, une association créée en 2008. Aujourd’hui, le nombre de chibanis à la retraite augmente, mais leurs prises en charge s’améliorent difficilement. L’Olivier des Sages a pour vocation d’aider ces personnes, autant pour l’accès aux droits et à l’éducation, en passant par l’apprentissage de la langue française, tout en leur offrant une dignité et un endroit décent où vivre. Ils sont accompagnés dans leurs démarches administratives et reçoivent tous les jours un panier de denrées alimentaires.

Ces derniers, au nombre de 200, sont issus de l’immigration et la majorité d’entre eux ont une famille qui vit à l’étranger, dans leur pays d’origine. La plupart des résident.e.s sont originaire du Maghreb et sont arrivé.e.s en France durant les Trente Glorieuses pour travailler.

Au fil des ans, l’association reçoit des seniors de toutes nationalités et ne compte pas s’arrêter là. Son intention est bien de continuer à lutter contre l’isolement des aînés.

Zohra Ferhat est directrice à L’Olivier des Sages, à notre micro elle présente les enjeux et objectifs de cette forme d’habitat partagé.

Souhila Bouab

Partager l’habitat : pourquoi pas ?

Actus

Cette semaine, Déjà Là s’interroge sur les différentes formes d’habitat partagé. Pour entamer cette série, Camille Devaux, maîtresse de Conférences en Aménagement et Urbanisme à l’Université de Caen, décrypte les modalités de cet habitat multiforme, qu’elle a étudié longuement, et qui connaît ces dernières années une certaine institutionnalisation.

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© Vincent Voegtlin / PHOTOPQR / L’ALSACE / MAXPPP

Selon le mouvement Habitat Participatif France, l’habitat partagé a connu une explosion de 13% ces dernières années. Synonyme de valeurs idéologiques ou simplement de praticité, de facilité d’accès au logement ou de convivialité, il épouse de nombreuses formes, si bien qu’il échappe bien souvent à une définition unique.

Les rencontres nationales de l’habitat participatif en 2010 puis la loi pour l’Accès au Logement et à un Urbanisme Rénové (dite loi ALUR), de 2014, qui fait entrer dans la loi des initiatives dites d’habitat participatif, ont favorisé l’institutionnalisation du mouvement.

Camille Devaux, maîtresse de Conférences en Aménagement et Urbanisme à l’Université de Caen, décrypte les modalités de cet habitat multiforme, qu’elle a étudié longuement et auquel elle a consacré un ouvrage intitulé L’habitat participatif – De l’initiative habitante à l’action publique aux Presses Universitaires de Rennes en 2015.

Tiphaine Crézé

Magic Bolide : De l’air !

Culture

Inrocks Festival à l’Olympia, bientôt un printemps de Bourges mais aussi un festival Europavox à Clermont-Ferrand au stade Marcel Michelin du 25 au 27 juin. On célèbre cette fenêtre qui s’ouvre avec le plein de nouveautés !

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magic bolide christophe crénel podcast le chantier radio

The Limiñanas associé à Laurent Garnier, Myd et son album solaire, Taur, définitivement le songwriter français le plus romantique de la scène électro pop, mais aussi des news de Last Train, Bedroom ou les excellents Casablanca Drivers.

Et bien sûr un hommage à Nicolas Kerr, le regretté chanteur de Poni Hoax.

Christophe Crénel

La mobilisation du collectif « Culture en Danger 63 » se poursuit

Culture

Le Chantier a rencontré le collectif « Culture en Danger 63 » fin mars à la Comédie de Clermont-Ferrand. Une organisation citoyenne et artistique lancée lors de la crise sanitaire pour défendre la culture et l’avenir des intermittents du spectacle. Le 17 mai dernier, pour ne pas gêner la réouverture des lieux culturels, le collectif a migré vers la Maison du Peuple.

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© Charlotte Pargue

La réouverture des lieux culturels, après des mois d’inactivité, procure beaucoup d’émotions. Mais pour le collectif Culture en Danger 63 représenté par les intermittents du spectacle, les sentiments sont partagés : à la fois très heureux de voir le spectacle revivre mais aussi préoccupés par la situation précaire qui leur est réservée.

La reprise des spectacles avec toutes les contraintes sanitaires et les jauges réduites, à 35% pour le théâtre de la Comédie par exemple, laisse envisager un avenir peu glorieux.

C’est pourquoi le collectif, bien que délocalisé à la Maison du Peuple, continue de se mobiliser.

Pour soutenir le mouvement, Culture en Danger 63 vous invite à participer à la troisième édition de la Marche Colorée.

Aline Saldanha

Israël-Palestine dans l’œil des médias

Actus

Depuis le 10 mai dernier, le conflit israélo-palestinien connaît un nouvel épisode. Bombardements et affrontements se succèdent, rapportés par les médias. Avec quel traitement journalistique ? On en parle avec Amandine Kervella, maîtresse de conférences et chercheuse en Sciences de l’Information et de la Communication.

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© Haitham Imad / EPA / NEWSCOM / MAXPPP

C’est un conflit qui dure depuis plus de 70 ans et qui connaît un nouvel épisode depuis le 10 mai dernier. Entre Israël et la Palestine, les périodes d’affrontements meurtriers se succèdent mais, contrairement à d’autres terrains de guerres, ne tombent pas dans l’indifférence médiatique. Le conflit au Proche-Orient n’est pas passé sous silence dans les flashes infos ou sur les unes des quotidiens. Mais comment ? Les journaux français font-ils preuve d’impartialité ou de manichéisme ? Quel traitement médiatique est réservé au conflit ? A-t-il évolué depuis 5 ans, 20 ans ?

On en parle avec Amandine Kervella, maîtresse de conférences et chercheuse en Sciences de l’Information et de la Communication à l’École Nationale de Protection Judiciaire de la Jeunesse, membre du Laboratoire GERiiCO de l’Université de Lille. Elle fait partie du collectif EDUmédia et a rédigé une thèse sur Les discours de la presse française sur le terrorisme perpétré dans le cadre du conflit israélo-palestinien.

Tiphaine Crézé

Scolarisation des élèves voyageurs : « peut mieux faire » !

Social

De catégories floues au nombre approximatif d’élèves voyageurs, l’Éducation nationale remplit-elle sa mission ?

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© Vincent Michel / PHOTOPQR / LE TELEGRAMME / MAXPPP

Alexandra Clavé-Mercier est anthropologue, membre du Centre Émile Durkheim de l’Université de Bordeaux. Elle a dirigé la publication du double n°65-66, de la revue Études Tsiganes : Scolarisation des enfants « du voyage » : Des politiques aux pratiques.

études tsiganes terrain social le chantier radio

En France, la scolarisation des Enfants issus de Familles Itinérantes et de Voyageurs (EFIV) dépend des CASNAV (Centres Académiques pour la Scolarisation des Enfants Allophones Nouvellement Arrivés et des enfants issus de familles itinérantes et de Voyageurs).

L’Éducation nationale n’a pas forcément bonne presse auprès des Voyageurs, dont beaucoup gardent un mauvais souvenir, le lieu de stigmatisation et d’infantilisation.

Qu’en est-il aujourd’hui des progrès accomplis par l’Éducation nationale dans une meilleure prise en charge des élèves voyageurs et la continuité des enseignements.

L’enseignement à distance serait-il une solution ?

La scolarisation des enfants du voyage au Centre national d’enseignement à distance – Élisabeth Clanet

Loin des stéréotypes, et de l’essentialisation, Alexandra Clavé-Mercier interroge la pertinence des catégories – élève itinérant ou sédentarisé – plaide pour une meilleure formation des personnels et, enfin, relativise les craintes, réelles ou imaginées, que peuvent avoir les parents de voir leurs enfants perdre leur culture.

Pour continuer la réflexion, témoignages de parents voyageurs (Académie de Créteil).

Hugues Chevarin

La Constitution chilienne fait peau neuve

Actus

Plus de 30 ans après la fin de la dictature militaire, le Chili s’apprête à « dépinochétiser » sa Constitution et à en écrire une nouvelle. Les Chiliens viennent d’élire les membres de la Convention citoyenne qui sera chargée de la rédaction du texte dans les prochains mois. Emmanuelle Barozet, sociologue à l’Université du Chili et membre du Centre d’Études du Conflit et de la Cohésion Sociale revient sur ce nouveau chapitre de l’Histoire chilienne.

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© Jeremias Gonzalez / IP3 PRESS / MAXPPP

31 ans après la fin de la dictature militaire au Chili, les citoyens s’apprêtent à écrire une nouvelle page de leur histoire en « dépinochétisant » la Constitution. Ils viennent d’élire les 155 membres de la Convention citoyenne qui rédigeront, dans les prochains mois, une nouvelle Loi fondamentale pour sortir le pays de l’idéologie néo-libérale induite par son actuelle Constitution. Le droit de l’eau, l’éducation ou la place des peuples indigènes font partie des enjeux de ce futur texte, qui devra ensuite être soumis à un plébiscite de sortie et ratifié par l’ensemble de la population.

Emmanuelle Barozet, sociologue à l’Université du Chili et membre du Centre d’Études du Conflit et de la Cohésion Sociale (COES) revient sur ce nouveau chapitre de l’Histoire chilienne.

Tiphaine Crézé

Inventaire des aires d’accueil : un outil de lutte.s

Social

« La localisation des aires d’accueil est un symptôme parmi d’autres, savoir où sont les « gens du voyage » c’est interroger la place qui leur est assignée, c’est interroger la place où on les imagine, c’est l’art de penser dans la tête des autres ».

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Aire d’accueil des gens du voyage de Hellemmes dans le Nord, à proximité d’une cimenterie.
© Pascal Bonnière / PHOTOPQR / VOIX DU NORD / MAXPPP

Voilà des questions que bien peu de concitoyens se posent, quelle est la place des Voyageurs dans notre pays… est-ce celle de citoyens comme les autres ?

William Acker fait œuvre utile en donnant à voir, à comprendre dans le temps et l’espace, les différentes assignations auxquelles les Voyageurs sont soumis depuis plus d’un siècle en France.

Où sont les « gens du voyage » ? – Inventaire critique des aires d’accueil, aux Éditions du commun, est un « manuel d’histoire-géographie » d’un genre nouveau ! Une critique des aires d’accueil, mais aussi celle plus profonde : celle de l’accueil.

L’ouvrage s’ouvre sur un souvenir personnel et se clôt sur un cri d’alarme : « Comment prétendre accueillir, prendre soin et inclure dans des lieux majoritairement inhospitaliers, pollués et isolés ? Quel vivre ensemble comptez-vous obtenir en restreignant, en séparant et en regroupant une partie de la population aux seuls espaces indésirables ? »

Et durant ce trop long siècle, allant des années 1860 jusqu’au 21ème siècle, une histoire faite de discriminations, de violences, d’enfermements, une histoire construite aussi de nos stéréotypes, de nos représentations, de nos peurs… et chacun sait combien la peur est mauvaise conseillère !

Une histoire d’exclusion tant institutionnelle qu’humaine, une exclusion qui connaît un regain avec l’odieux usage, pour faire de l’audience, d’images à sensation par les média mainstream. Gare à ce que l’on met dans nos têtes !

Puis, s’ouvre – une inhabituelle géographie -, aux pages roses comme celle du cahier de citations latines, un inventaire qui n’a rien de poétique… un état des lieux au niveau national des aires d’accueil !

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Les principaux chiffres qui ressortent de l’inventaire

Le constat est sans appel !

En République française, les Voyageurs, nos concitoyens, sont parqués aux abords de déchetterie, de station d’épuration, de site Seveso… un apartheid qui ne dit pas son nom ! Un apartheid environnemental !

Qui s’en soucie ? Nos représentants, nos édiles, nous-mêmes, … ne pas voir, ne pas entendre, et ne pas dire : du silence à la lâcheté, de la lâcheté à la complicité !

Ce livre a donc bien des vertus :

celle de montrer ce que nous ne voulons pas voir,
celle d’ouvrir nos esprits à ces autre.s, nos concitoyen.ne.s Voyageurs.euses,
celle de nous éclairer pour tout dire.

Oui, être éclairé.e, et ne plus pouvoir dire, nous ne savons pas, nous ne savions pas !

Vous l’aurez compris, Terrain Social en recommande chaudement la lecture et félicite les Éditions du commun pour l’engagement dont elles font preuve en publiant cet outil de lutte.s

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Terrain Social renvoie, aussi, à l’excellent travail paru dans la revue Ballast au mois d’avril 2021 :

Les mobilisations environnementales à l’intersection des luttes voyageuses ?Lise Foisneau
« Terrains désignés » [portfolio]Valentin Merlin
Un terrain à soi, des témoignages

Ainsi qu’à l’interview accordée par William Acker au journal Le Monde.

L’inventaire et le travail de William Acker sont également disponibles intégralement et mis à jour grâce au travail de Philippe Rivière sur le site visionscarto.net.

Hugues Chevarin