La douce et tendre déclaration de November Ultra

Actus

La musicienne française November Ultra symbolise parfaitement ce courant extrêmement vaste couvrant le monde de la « bedroom pop ». Pour certains, elle est la voix du trio Agua Roja, groupe de pop electro, ayant atteint une certaine reconnaissance publique et critique, au travers de deux EPs à la production très léchée entre 2015 et 2018. Aujourd’hui, elle se présente en solitaire et en toute autonomie, avec un premier titre en forme de ballade, tout en douceur et en tendresse, non sans une certaine espièglerie et un certain décalage, que souligne avec malice un clip charmant et artisanal.

november ultra soft and tender

© Pauline Darley

Il y a finalement quelque chose, de culotté dans cette façon, d’assumer le côté fleur bleue de ce titre, sans sombrer dans un romantisme dégoulinant, qui plus est pour ouvrir les portes de sa nouvelle incarnation musicale. Soft & Tender est un titre faussement simple, porté par une intention émotionnelle (comme son nom l’indique) pleine de douceur et de tendresse et une vraie musicalité. A l’évidence, les mots transportent beaucoup de sincérité dans cette déclaration pétillante et sensible, à l’image de ce regard habité traversant ce clip. Sans véritable explication, une certaine grâce s’installe avec bonheur, au point de rappeler les premiers pas de Feist !

En route vers un premier long format composé de 11 titres (prévu pour 2021), composé en toute autonomie avec Ableton Live, la jeune femme revendique les influences décisives de Franck Ocean, des Strokes, d’Amy Winehouse… Mais aussi de la copla espagnol, ancrée dans ses racines familiales : à elle désormais de décupler l’effet de surprise provoqué par Soft & Tender, et de transformer ce premier pas probant, en véritable révélation.

Le premier album de November Ultra est prévu pour 2021.

Laurent Thore

À l’hôpital, une crise en pleine crise

Social

La crise de la Covid-19 a percuté de plein fouet le système hospitalier français, déjà gravement sous tension, mettant en lumière de fortes inégalités territoriales.

MEDIA
terrain social podcast crise hopital pierre andré juven

Quelles sont les marges de manœuvre pour les territoires, la Seine-Saint-Denis par exemple, et les villes, telle Grenoble, face à l’homogénéité et l’uniformisation des mesures sanitaires nationales ?

Dans Terrain Social, aujourd’hui, on interroge ces inégalités et les questions d’échelles dans la crise de la Covid-19 avec Pierre-André Juven, sociologue, spécialiste de la santé, chargé de recherche au CNRS et adjoint à l’urbanisme et à la santé de la Ville de Grenoble.

En 2019 Pierre-André Juven a publié La casse du siècle. À propos des réformes de l’hôpital public (aux éditions Raisons d’Agir), coécrit avec Fanny Vincent et Frédéric Pierru.

Il est aussi co-auteur avec Jean-Paul Gaudillière et Caroline Izambert d’un nouveau livre à paraître le 7 janvier 2021 : Pandémopolitique. Réinventer la santé en commun (éditions La Découverte).

Hugues Chevarin

Voir venir les pandémies

Environnement

Les candidats-vaccins font semble-t-il quelques progrès ces temps-ci, dans la lutte contre le SARS-CoV-2. Mais plutôt que d’attendre la prochaine pandémie, si on essayait d’avoir un coup d’avance ?

voir venir les pandémies

Cultures vivrières dans une zone déboisée du parc national du Banco, Côte d’Ivoire, 8 octobre 2020.
La Côte d’Ivoire a l’un des taux de déforestation les plus rapides au monde.
© Legnan Koula / EPA / Newscom / MaxPPP

Cela fait des siècles que l’humanité fait face, périodiquement, aux maladies contagieuses. L’une des plus marquante en Europe, de 1347 à 1352, fut la peste noire, qui a exterminé entre 25 et 50 % des populations touchées. Heureusement, les progrès de la science dans le domaine de la vaccination, conjugués à l’amélioration de l’hygiène et à une bonne alimentation, nous ont permis d’obtenir, peu à peu, une immunité collective bénéfique.

Pour bien comprendre ce qui nous arrive aujourd’hui avec le coronavirus, il faut savoir que la plupart des pandémies connues et émergentes sont causées par des virus d’origine animale, appelés « zoonoses », qui peuvent se transmettre de manière directe, ou indirecte, par la consommation de produits animaux, comme les œufs, le lait ou la viande.

Selon l’OMS, l’Organisation Mondiale de la Santé, 60% des maladies infectieuses chez l’Homme proviennent du monde animal, et sur les 30 nouveaux pathogènes humains détectés ces trente dernières années, 75 % sont issus d’animaux. Merci les pangolins, merci les chauve-souris.

Mais ce qui inquiète les scientifiques actuellement, c’est que les opportunités pour les pathogènes de sauter les frontières de l’espèce ne peuvent que se multiplier, en raison notamment de l’urbanisation rapide, des mouvements de population – dans lesquels le tourisme ne joue pas un rôle négligeable – ou encore en raison du défrichage frénétique de nouvelles terres à travers le monde. Greenpeace le rappelait récemment, d’ailleurs : la destruction des écosystèmes favorise le développement de maladies infectieuses puisqu’elle met les animaux sauvages directement en contact avec l’Homme. Autres causes : le commerce croissant de viande, de lait et de produits animaux, le changement climatique, et la résistance aux antibiotiques.

Or la mondialisation des échanges et la crise écologique qui en découle vont s’accroître dans les années à venir, et provoquer toujours plus d’occasions de pandémie. C’est ce que révèle un rapport publié sur les pandémies le jeudi 29 octobre dernier par la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES).

Selon les chercheurs qui travaillent sur ces questions, des solutions existent, et elles sont toutes simples (et ce sont toujours les mêmes) : changer les modes de productions agricoles, notamment les plus invasifs, et freiner la perte de biodiversité. On tourne donc bien toujours après la même question : celle de la réduction de la pression sur les écosystèmes.

À l’heure où l’on se rend compte qu’il aura fallu au moins un an (et plus d’un million de morts) pour trouver un début de vaccin contre le SARS-CoV-2, on pourrait peut-être arrêter de courir après les virus… Et commencer à s’intéresser à la prévention.

Pascal Rué

L’esprit solaire de Wendy Martinez

Actus

Depuis quelques jours, une chanson obsède notre playlist, avec son décalage volontairement rétro et son humeur solaire tout en apesanteur. Ce titre se nomme « La Chevauchée Électrique », il est le prélude au premier EP en solo de la musicienne Wendy Martinez, véritable et évidente révélation de cette fin d’année.

wendy martinez ep la chevauchée électrique

Tout ceci n’est pas vraiment un hasard : depuis les débuts du Chantier en 2018, son groupe, Gloria, figure de proue du label Howlin’ Banana Records, est une des gourmandises organiques qui transportent notre couleur musicale vers des ailleurs colorés et psychédéliques. Sur son nouveau chemin, si elle conserve cette attirance pour les sonorités vintage, elle assume totalement l’héritage d’un état d’esprit symbolisé par la vivacité du label Saravah de Pierre Barouh, toujours accompagnée par le décisif Kid Victrola dans le développement d’une instrumentation feutrée, toute en finesse et en nuances.

Loin d’être une suiveuse, elle propulse l’élégance naturelle d’une Lætitia Sadier (Stereolab) dans une théâtralité que n’aurait pas reniée, l’étonnant collectif d’Avignon, le Théâtre du Chêne Noir (auteur entre autres, de l’album culte, trésor pour tous les diggers de la planète, Chant pour le Delta, la Lune et le Soleil en 1976). Avec un sens artistique rare, elle montre que la chanson peut toujours être en France, un lieu d’exigence, d’aventure et de poésie.

Le premier EP de Wendy Martinez sortira en février 2021 via Le Pop Club Records et Belka.

Laurent Thore

« Plastic deal » : l’affaire n’est pas dans le sac !

Environnement

Selon le dernier rapport du programme des Nations Unies pour l’environnement publié en 2019, la pollution plastique constitue l’une des principales menaces environnementales pesant sur la planète.

plastic deal kenya usa

Déchets plastiques jetés au milieu de la route dans le bidonville de Korogocho à Nairobi, au Kenya.
26 octobre 2020
© Daniel Irungu / EPA / Newscom / MaxPPP

Actuellement, 40% de la production de plastique dans le monde est destinée à des emballages à usage unique. C’est une catastrophe en soi, mais comment peut-on tenter de faire évoluer ce chiffre, alors même que l’enjeu de l’industrie est d’augmenter la production de produits emballés dans les pays où son utilisation est limitée ?

La réponse à cette question passe par le sujet du recyclage, qui reste une problématique non résolue.

A titre d’exemple, en 2019, les États-Unis ont exporté plus de 500 millions de tonnes de déchets plastiques à recycler à travers le monde. Mais l’Asie et la Chine, qui étaient encore depuis peu les principales destinations mondiales du recyclage, ne veulent plus servir de « poubelles », et c’est désormais l’Afrique qui devient visiblement « l’Eldorado des déchets ».

La preuve : les États-Unis envisagent de sceller un « plastic deal » (un accord sur le plastique), avec le Kenya, dans les mois prochains.

Cet accord commercial permettrait officiellement de développer une industrie du recyclage dans le pays, pour, disent ses promoteurs, créer des emplois. Mais le revers de la médaille, selon Frederik Mehu, responsable de Greenpeace Afrique, c’est que seulement 7% des déchets concernés peuvent être recyclés par le Kenya. Le reste risque de terminer dans des décharges à ciel ouvert, ce qui serait une catastrophe pour l’écosystème local.

… et ce qui irait à l’encontre de l’interdiction récente de l’utilisation, de la fabrication et de l’importation d’emballages plastiques dans le pays.

Car il faut dire que l’Afrique, continent le moins polluant de la planète, n’a attendu personne pour mettre en place des politiques environnementales vertueuses sur ces sujets-là : citons l’exemple du Rwanda, qui est un modèle de propreté depuis des années. En effet, Kigali, la capitale rwandaise, est devenue la ville la plus propre du continent Africain : depuis 2008 les sacs et emballages non-biodégradables y sont interdits. Les rues sont impeccables, et on n’y plaisante pas : une police de la propreté distribue des amendes à celles et ceux qui ne respectent pas les règles.

Et pour impliquer la population, une journée de nettoyage obligatoire a été mise en place, tous les mois, c’est l’Umuganda, pendant laquelle tout le monde se mobilise pour la propreté. Un bon exemple de « deal » plus intéressant que ceux qui viennent des USA…

Pascal Rué

Mieux vaut toujours mourir riche

Social

À l’occasion de la 13ème Journée mondiale pour le droit de mourir dans la dignité qui se tiendra lundi prochain, Terrain Social s’interroge sur les inégalités face à la mort digne en France avec Jean-Luc Romero-Michel.

MEDIA
terrain social podcast jean luc romero michel

Homme politique français aux multiples engagements, Jean-Luc Romero-Michel fonde en 1995 l’association des Élus Locaux Contre le Sida et préside l’A.D.M.D. (Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité).

Que ce soit l’affaire Vincent Lambert ou plus récemment la tragédie vécue par Alain Cocq, dans son combat pour recevoir une sédation profonde et le refus d’Emmanuel Macron de l’y autoriser, la question de la dignité devant la mort fait toujours débat dans notre société : la sédation profonde, étant réservée, dans le cadre de la Loi Léonetti de 2005, révisée en 2016, aux personnes dont la mort à brève échéance est certaine.

Celles et ceux qui souhaitent, en France, mourir dignement se doivent de partir en Belgique ou en Suisse. Et donc d’avoir les moyens de le faire !

Jean-Luc Romero-Michel a publié aux Éditions Michalon en 2018, Lettre ouverte à Brigitte Macron, dans laquelle il souhaitait « la sensibiliser aux dures conditions de la fin de vie en France ».

Hugues Chevarin

Samba de la Muerte offre sa musique à l’appel du remix

Actus

L’album « A Life With a Large Opening » de Samba de la Muerte aura indéniablement marqué les esprits par son sens mélodique, son ouverture d’esprit, mais aussi sa grande musicalité. Près d’un an après sa sortie, Samba de la Muerte ouvre les portes de son territoire créatif, à un ensemble d’artistes, musiciens, producteurs pour un album de remix imminent autour de l’emblématique track « Motech ». Mais histoire de bien débuter cette nouvelle histoire, une première sensation signée par l’étoile montante de la scène électronique française Calling Marian est à découvrir dès aujourd’hui, en avant-première sur notre site, et bien sûr sur notre antenne.

samba de la muerte remix motech

Tempo appuyé, beat puissant, montée progressive, groove insidieux et minimal, trajectoire rectiligne vers une vraie ligne de mire dancefloor, la touche Calling Marian imprègne les premiers instants de cette relecture deep techno, où le refrain s’exprime comme un lointain fantôme, apparaissant et disparaissant à l’envi, comme un phare au milieu d’un piste de danse onirique fantasmée. Aucun doute, l’intention est volontairement dansante, au sens rythmique du terme, elle pourrait ainsi rappeler par certains aspects, les pépites que dévoilait et dévoile encore la passionnante Ellen Allien dans ses mixes élégants, immersifs, énergiques et planants.

L’album Motech & Friends sera disponible le 20 novembre prochain.

Laurent Thore

À en perdre son latin

Actus

C’est la sortie rap de la semaine (et peut-être de la rentrée), le nouvel album de Pumpkin & Vin’S Da Cuero nommé, Abysses Repetita est le rayon de soleil hip-hop du moment. Leur nouvel LP est l’expression extrêmement aboutie et personnelle d’une complicité artistique décisive. Abysses Repetita affiche une esthétique vibrante, à travers sa musique élégante, fluide, sensuelle et moderne mais aussi une poésie consciente totalement assumée.

abysses repetita pumpkin vins da cuero

Ce nouveau chapitre présente ainsi la rappeuse Pumpkin à un haut niveau de maturité et d’assurance, toujours animée par la conviction, la détermination, qu’on lui connaît. Mais elle semble aussi libérée d’un certain poids et d’une certaine pression. Dépassant les sentiments de frustration et de découragement, qui peuvent s’emparer des artistes indépendants, elle assume totalement son univers aussi bien textuel que musical. Il y a de la nuance, de la fluidité, de la maîtrise, du groove dans son flow organique et joueur. Il y a de l’audace dans ses formules et ses rimes. Il y a beaucoup d’intelligence et d’implication dans son regard très personnel sur l’humain, l’identité et plus simplement sur la vie, à l’image de Banana Bread, sommet de générosité et de vérité, et titre phare de la playlist du Chantier depuis quelques semaines.

De son côté, le beatmaker (terme presque réducteur sur ce nouveau disque), Vin’S Da Cuero démontre encore une fois, son envie de se remettre en question à chaque nouveau chapitre de leur discographie, et sa soif d’évoluer vers toujours plus d’ambition et de musicalité. Il a mis en son, une continuité sonore et musicale remarquable, magnifiée par un sens du détail extrêmement fin. Toujours aussi inspiré par les grands producteurs du boom bap original, mais aussi littéralement à l’affût de la création actuelle, notamment de l’autre côté de l’Atlantique, il active une musique qui dépasse largement le cadre classique du rap, par ses aller-retours vers le jazz, la soul, le R’n’B, l’électro. Pour Le Chantier, Vin’S Da Cuero dévoile d’ailleurs dans un mix inédit, les sources d’inspirations qui ont nourri la genèse d’Abysses Repetita. Il est à découvrir ce vendredi 23 octobre à 19h (avec rediffusion ce dimanche 25 octobre à 11h) sur Le Chantier.

Voici les références du mix :

Dizzee RascalQuality
DreamvilleDown Bad feat. J.I.D, Bas, EarthGang, Young Nudy, J. Cole
LogicIcy feat. Gucci Mane
Pumpkin & Vin’S da CueroBanana Bread
Anderson .PaakCome Home feat. André 3000
Mac MillerBlue World
Sa-RocHand of God
BasTribe feat. J. Cole
La Fine ÉquipeMe By
R.A. the Rugged ManLegendary Loser
The InternetLook What U Started
Jay ElectronicaGhost of Soulja Slim feat. Jay-Z
The Black Eyed Peas4EVER feat. Esthero
Little SimzShotgun feat. Syd
Dave B.Magnum
Kali UchisYour Teeth In My Neck

L’album Abysses Repetita de Pumpkin & Vin’S Da Cuero est disponible en vinyle, CD et digital sur le shop de Mentalow Music et chez tous les bons disquaires.

Laurent Thore

Mélodie, mon amour

Actus

La musique pop influence à l’évidence la couleur musicale du Chantier, qu’elle soit mélodique, élégante, alternative, cosmopolite, malicieuse, romantique, décalée, militante, rageuse, expérimentale… Si pour certains, tout a déjà était dit, que plus rien ne reste à inventer, à l’inverse, des groupes, des artistes, continuent d’œuvrer dans le champ de la pop, en traçant leurs propres chemins, activant le jeu subtil de la mélodie et du verbe, avec beaucoup de sincérité, de sensibilité, de passion à l’image dernièrement de Tunng, Magon, Jim Ballon, Slim & The Beast, DG Solaris, Nicolas Michaux et Louis Jucker.

le chantier pop musique

Tunng

Tunng est certainement l’un des groupes les plus attachants du circuit pop mondial. Depuis 2003, ce groupe londonien à géométrie variable a construit une discographie remarquable à et sensible, à la musicalité fluide et inventive, dessinant les reliefs d’un univers folk amoureux du son et des expérimentations, tout en gardant une incroyable propension à délivrer de délicieuses chansons pleines d’esprit, de décalage et de grâce. Dans cette continuité créative, emmené par l’épatant Sam Genders (de retour depuis 2018), Tunng se signale depuis le début de l’année à travers des titres aussi intenses et magnifiques que Scared To Death, A Million Colours ou ce qui apparaît déjà comme un classique Death is the New Sex (rejoignant ainsi les emblématiques Hustle, Bullets et ABOP). Ils révèlent avec brio l’essence du futur album Tunng presents… DEAD CLUB : en premier lieu sa grande finesse de timbres et d’harmonies au niveau de l’instrumentation (centrée autour du piano), mais ouvre aussi les portes d’un concept, largement influencé par l’œuvre de l’écrivain et homme de lettres anglais, Max Porter. Ce LP dépasse tout simplement le cadre de la musique, par son envie d’aller vers les autres, par son envie d’exprimer un regard humaniste poétique et philosophique, par son envie de questionner la condition humaine et notre rapport à la mort. Écouter Tunng presents… DEAD CLUB devient alors l’occasion de vivre une expérience émotionnelle, pleine et entière, que ce soit à la première rencontre, emporté le foisonnement mélodique de ces 12 titres ou imprégné écoute après écoute par la singularité, la justesse d’un travail intellectuel, littéraire et réflexif de très grande qualité (ayant aussi donné lieu à une série de podcast).

L’album Tunng presents… DEAD CLUB de Tunng sortira le 6 novembre prochain sur le label Full Time Hobby.

Magon

Il y a à peine un an, Magon dévoilait avec son premier album solo Out In The Dark, un étonnant tempérament électrique et vif, en parfait « songwritter indie ». Il baignait alors avec insouciance en plein revival 90’s, dans une veine Pixies, Sebadoh, Dinosaur Jr., le tout avec ce mélange de désinvolture et d’élégance digne des Modern Lovers de Jonathan Richman. Depuis quelques jours, l’israélien, désormais installé à Paris, active les slides de guitare du nonchalant et très prenant Change, prélude à son album Hour After Hour. Sa musique évolue sur ce 2ème disque : elle prend les habits d’un folk rock garage, pouvant rappeler par moments les grandes heures de l’anti-folk NY : le dandysme décomplexé d’Adam Green, la fraîcheur détonante de son pote Jeffrey Lewis. Difficile également de ne pas évoquer la figure du Velvet Underground qui plane au dessus de ce disque urgent et élégant, plein de charme et de vie.

L’album Hour After Hour sortira le 29 janvier 2021 sur le label December Square.

Jim Ballon

Chez Jim Ballon, le temps s’écoule différemment. Il s’étire dans les méandres héroïques du son. Il s’évade dans la poésie des textes, porté par le lyrisme d’un chant vibrant et expressif, dans les mélodies évanescentes du dialogue permanent entre la guitare et la basse. Il s’immisce dans les interstices d’un imaginaire mystérieux et psychédélique. Pour accrocher à Plastic Shores (2ème et passionnant album des Tourangeaux), il faut donc aimer se perdre, aimer se laisser emmener dans un espace cotonneux, immersif, mystique, qui combinerait la sensibilité d’Andrew Bird avec le post-rock narratif des premiers Mogwai, le mysticisme incantatoire de Lift To Experience avec cette capacité à propulser la musique dans la stratosphère, du groupe américain The Black Angels. Loin d’être convenue ou attentiste, la musique du trio montre avec beaucoup d’intentions, qu’en 2020 la pop peut être toujours aventureuse et libre sans être nécessairement inaccessible ou pédante.

L’album Plastic Shores de Jim Ballon est sorti le 25 septembre chez Another Record / Figures Libres et Idéal Crash.

Slim & The Beast

Slim & The Beast réunit trois copains, trois frères de cœur (dont deux le sont aussi de sang) autour d’une certaine vision musicale, définie historiquement entre autres par des orfèvres pop comme Paul Mc Cartney, Simon & Garfunkel, Crosby, Stills, Nash & Young. La musique du trio est ainsi une musique heureuse, sensible, nomade et harmonieuse. Elle n’a pas vraiment d’autre prétention que de toucher la sensibilité des gens par sa générosité, sa simplicité, sa lumière. Si la base de leurs chansons semble souvent naître de l’éternelle guitare-voix, depuis quelques temps, leur folk agile se révèle dans des arrangements élastiques et modernes, aux fines effluves soul, blues, disco, funk, électro. Ne voulant pas rester prisonnier d’une étiquette folk réductrice, Aurélien, Aaron et Samuel ont en effet ouvert leur territoire créatif à des compositeurs et arrangeurs talentueux et précis, comme Thomas Lavernhe (Pampa Folks…), Yan Gorodetsky (Gush…) et même Jules Jaconelli (connu entre autres, pour son travail de composition pour le cinéma et la télévision), tout en étant largement influencés par les écoutes des dernières productions de Tame Impala et de Parcels. Distractions est la parfaite illustration de l’évolution en cours du groupe, qui se révélera avec toujours plus de nuances, prochainement sur un deuxième EP, acteur d’un groove fin et organique.

L’EP II de Slim & The Beast sortira le 30 octobre 2020 avec Wiseband.

Nicolas Michaux

Autant l’avouer du côté du Chantier, le nom de Nicolas Michaux n’évoquait quasiment rien, il y a encore quelques jours. Et pourtant, une seule écoute de l’album Amour Colère (son 2ème LP, sorti cette année) aura suffi pour nous combler de bonheur, emporté par un sens de la composition peu commun, et bluffé par une maturité artistique tout en nuances et en apesanteur. Le belge permet en effet sur ce disque à deux facettes de sa personnalité musicale de cohabiter avec finesse : son côté intimiste autour de chansons fragiles, romantiques et faussement naïves, chantées en français, (déjà mise en lumière en 2016 sur le LP À la vie A la mort, largement acclamé, à sa sortie sur le label français Tôt ou Tard) et un côté rock à l’anglo-saxonne, symbolisé par des morceaux élégants et sensuels, et même remuants comme sur le très entraînant Parrot. Son activité de producteur n’est certainement pas étrangère à la justesse confondante qui émane de ce disque particulièrement équilibré et cohérent, qui ne quitte plus notre platine depuis une première écoute gourmande et jouissive.

L’album Amour Colère de Nicolas Michaux est sorti le 25 septembre 2020 sur le label Capitane Records.

DG Solaris

Derrière DG Solaris, se cache, ou plutôt se décuple le talent d’un habitué de la playlist du Chantier, à savoir l’anglais Daniel Green, plus connu sous le patronyme de son groupe principal Laish. Plus simplement, ce premier album de DG Solaris est la résultante d’un voyage au long cours en Amérique du Sud en compagnie de sa complice dans la vie, comme dans la musique, Leana Green. Spirit Glow est ainsi une sorte de traduction musicale d’une expérience amoureuse, très humaine, riche et introspective. A deux voix, ces deux âmes sensibles et romantiques, mais absolument pas niaises, dévoilent une pop tendre et imagée, en forme de conversations, solidement accompagnés par de fidèles musiciens comme Matt Canty à la batterie ou Tom Chadd aux claviers. En ressort une délicieuse collection de morceaux naturellement folk, foncièrement pop, subtilement psychédéliques, n’ayant pas peur d’un certain lyrisme, et surtout d’exalter les émotions et la passion qui l’habite. Par effet de miroir, la version acoustique de cet album, souligne avec une vérité bluffante, la sincérité de la relation qui unit Daniel et Leana, dans des instants absolument divins comme The Moon. DG Solaris s’inscrit ainsi profondément dans l’héritage sonore du folk psyché anglais, symbolisé entre autres par la grande musicienne Vashti Bunyan, mais avec la singularité d’une histoire personnelle et intime saisissante.

L’album Spirit Glow de DG Solaris est disponible depuis le 19 juin dernier, sa version acoustique depuis le 28 août 2020.

Louis Jucker

Le suisse pourrait raffler le titre honorifique d’indé créatif de l’année. En même temps, Louis Jucker s’épanouit artistiquement depuis quelques années, dans une activité musicale débordante, que ce soit en solitaire, au sein de Autisti avec la géniale Emilie Zoé, ou avec ses fidèles compagnons de route dans Coilguns, pour un versant plus extrême, bruyant et sauvage. A peine le temps de se remettre du choc provoqué par l’inattendue relecture de son album solo Krakeslottet, avec justement ces potes de Coilguns, avec qui il a tourné pour défendre ce disque volontairement lo-fi, que se présente déjà le pénétrant Something Went Wrong, véritable petite merveille de sensibilité post-grunge, qui pourrait aller jusqu’à rendre dingue l’un des maîtres du genre en la personne de Lou Barlow. Des chansons bricolées et artisanales à la beauté naturelle vibrante, un feeling exceptionnel pour un artiste particulièrement inspiré, une malice instrumentale qui se joue des contraintes et se libère des conventions, une sincérité décuplée par un enregistrement sans artifice, au plus près du réel. Autant d’éléments qui nourrissent une oeuvre particulièrement touchante, profondément marquée dans son ADN par la notion même de création indépendante, et par sa volonté de proposer une alternative intègre face à une certaine standardisation qui caractérise le versant le plus industrielle et médiatique des musiques populaires.

L’album Something Went Wrong de Louis Jucker sortira le 30 octobre 2020 sur le label Hummus Records.

Laurent Thore

Le son de la persévérance *

Actus

Foisonnant, épique, radical, rageur, militant, violent, vivant, créatif, viscéral… Autant de qualificatifs qui pourraient englober le territoire des musiques extrêmes, si cher à notre web radio spécialisée, La Messe de Minuit. Pénétrer ce monde est l’assurance d’une expérience saisissante, remplie de de surprises, de méandres et de détours. Voici 7 groupes, 7 albums, remarquables et remarqués en 2020, et autant de nuances pour la couleur de La Messe de Minuit.

* Traduction littérale du titre de l’album d’un des groupes fondateurs et emblématiques du métal extrême, Death.

la messe de minuit webradio le chantier

Greg Puciato

L’ancien chanteur des imposants The Dillinger Escape Plan sortira dans quelques jours, son premier album solo Child Soldier: Creator of God, une œuvre très personnelle et sans réelle étiquette stylistique. Elle combine en effet de nombreuses influences, le plaçant de fait, à la croisée de groupes aussi différents que Nine Inch Nails, Torche, Black Flag (une référence majeur pour lui), Depeche Mode, Deftones, Ken Mode, Converge… Un morceau comme Roach Hiss symbolise peut-être parfaitement ce creuset esthétique à travers une ferveur heavy dévastatrice inaugurale, décuplé par un sens du groove démoniaque. Alternant déflagrations matinées de violence punk, de noirceur death et d’impacts hardcore avec des passages lancinants aux relents indus quasi-lithurgiques, Greg Puciato s’implique décidément avec toujours autant d’intensité, aussi bien physique que mentale dans sa musique. Quand on sait que le musicien, en plus d’une palette vocale impressionnante de nuances et de magnétisme, en parfait multi-instrumentiste, a lui-même exécuté toutes les parties (à l’exception de la batterie) de ce disque : ceci ajoute encore plus de poids à un album entier et libérateur, pleinement assumé, déjà impressionnant, mais aussi foncièrement sincère et sensible. Au-delà de la musique, par les thématiques abordées, il fait indéniablement partie des artistes et musiciens américains, qui montrent une autre Amérique, beaucoup moins binaire, et surtout beaucoup plus complexe que son image médiatique.

Child Soldier: Creator of God sortira le 23 octobre 2020 sur Federal Prisoner, le propre label de Greg Puciato, fondé avec Jesse Draxler.

Torve

La Messe de Minuit offre une large place au courant Post-Hardcore (certes désormais un peu fourre-tout tout de même), et notamment à une scène française en pleine ébullition, à travers des groupes aussi talentueux et différents que Lysistrata, Dakiniz, New Favourite, Birds In Row… et donc Torve. Depuis Besançon, ces 5 musiciens actifs et passionnés ont dévoilé en début d’année un premier album très prometteur, héroïque et généreux, marqué par le sceau de l’indépendance et de l’autonomie. Directe, sans être simpliste, la musique du LP The Part Where It Kills You évoque la filière référencée At The Drive In et Mclusky, avec quelques touches émo à la Touché Amoré. Le rock’n’roll le plus énergique et électrique n’est jamais bien loin sur les tempos les plus rapides. Il se dirige même vers quelques incursions math rock, dans certains développements rythmiques. Voilà en somme, un exemple très parlant de la vivacité de la scène rock bruyante actuelle hexagonale.

L’album The Part Where It Kills You est sorti en février 2020 sur le label Araki Records.

Venomous Concept

Au sein de Venomous Concept, (qui porte très bien son nom), se distingue deux figures très respectées des musiques extrêmes et déviantes, à savoir Kevin Sharp, le chanteur des cinglants Brutal Truth (groupe emblématique du catalogue Relapse) et bien sûr Shane Embury, le bassiste des incontournables Napalm Death (d’ailleurs de retour cette année avec le terrible et très engagé, Throes Of Joy In The Jaws Of Defeatism). Souvent associés au métal version extrême, ces groupes s’inscrivent pourtant profondément dans un esprit punk aussi bien dans la forme que dans le fond. Et bien évidemment, c’est aussi le cas de Venomous Concept qui fait vivre au temps présent l’esprit punk hardcore de Black Flag, GBH, Discharge, Wasted Youth, Germs et donc de Poison Idea, dont il tire son nom d’un des titres. Sur Politics Versus The Erection, le punk est violent, excessif, frontal, au point d’évoquer l’abnégation rythmique de Slayer, l’aigreur sombre de Today Is The Day. Mais de manière très contrastée, son imaginaire est aussi celui de la provocation et l’engagement, à l’image d’une pochette qui aurait très bien pu être celle d’un album des Dead Kennedys, à l’heure Trump. A tous les « newcomers », Venomous Concept rappelle que les anciens sont encore les patrons quand ils mettent autant de passion, d’intensité, de vie dans une musique toujours aussi libératrice, intense et jubilatoire.

L’album Politics Versus The Erection de Venomous Concept est disponible depuis le 28 août 2020 sur le label Season Of Mist.

Alpha Wolf

Depuis l’Australie, et plus exactement Melbourne, où il est désormais basé, le groupe de néo métal Alpha Wolf affiche un tempérament rageur et guerrier, le positionnant de fait dans la catégorie « core », et pas vraiment dans la catégorie « émo » (quoique sur Bleed 4 You). Il n’est d’ailleurs pas si étonnant d’apprendre que le groupe tire son nom du film survivaliste The Grey. Nous pourrions ainsi aisément rapprocher Alpha Wolf de l’emblématique groupe canadien The Acacia Strain (référence évidente de La Messe de Minuit) : mêmes stigmates death metal et même pugnacité hardcore. Qui plus est, la noirceur intrinsèque du discours de ces deux combos (néanmoins différents notamment en raison de la culture propre de leur pays d’origine) est un point de convergence vers une vision pessimiste et apocalyptique du monde et de l’humanité, mais sans tomber dans un désespoir névrosé ou verser totalement dans une misanthropie démesurée façon black métal. A Quiet Place To Die, deuxième album des Australiens, apparaît comme un album exutoire, monolithique, particulièrement indiqué pour ceux et celles qui aiment se faire secouer sans ménagement dans la machine à laver, à travers le programme basique, sans rinçage, ni séchage.

L’album A Quiet Place To Die d’Alpha Wolf est disponible depuis le 25 septembre 2020 sur le label Sharptone Records.

Pallbearer

Formé en 2008, le groupe américain Pallbearer est devenu depuis lors, un référence du courant doom, même si sa musique introduit de nombreux éléments psyché, stoner, rock progressif, shoegaze, post rock, post metal, heavy metal… et un champ esthétique qui pourrait être recouvert par des groupes aussi différents que les Smashing Pumpkins, Alice In Chains, Pink Floyd, Black Sabbath, Soundgarden, Monster Magnet, Melvins… Prélude à son album à venir (Forgotten Days), trois titres déjà disponibles, dont le très prenant, The Quicksand Of Existing ouvrent la voie d’une musique toujours aussi lyrique, expressive et immersive, cultivant par essence un imaginaire héroïque, brumeux et philosophique. Si certains groupes de musiques extrêmes, basent avant tout leur puissance sur un côté impactant, Pallbearer installe quand à lui un rapport au temps et à l’espace très particulier, tout en progression et en ascensions climatiques, à travers des morceaux plutôt longs en bouche, générant des masses sonores monstrueuses, véritables mille-feuilles en strates semblant ne jamais vouloir s’arrêter de grossir.

L’album Forgotten Days de Pallbearer sortira le 23 octobre 2020 via Nuclear Blast.

Untitled With Drums

Nous n’attendions peut-être pas les clermontois à un tel niveau d’excellence. Leur post-metal sombre et mélodique est carrément sublimé sur ce deuxième album, à travers une production n’ayant rien à envier à leurs influences américaines. Leur leader, Martin LB se montre particulièrement inspiré, révélant une sensibilité vocale pleine de nuances et de spleen absolument décisive, et précisons-le en tant que chanteur bassiste. Plus largement le groupe construit collectivement, avec une cohésion remarquable, une musique personnelle, basée sur de solides compositions et d’excellentes chansons. Il se distingue par sa capacité à synthétiser avec passion et humilité leurs attirances pour le grunge, le metal, le doom, le shoegaze, le néo métal, le sludge et même la pop. Parcouru de part en part, par un vent de mélancolie extrêmement sincère, sans maniérisme, Hollow marque indéniablement de son empreinte l’année métal 2020, en s’adressant aussi bien aux fans de Deftones, Quicksand, Torche, que ceux d’Alice In Chains, Jesu ou Helmet.

L’album Hollow d’Untilted With Drums est disponible en France via Araki Records et Atypeek Music depuis le 06 mars 2020.

Skeletal Remains

En manque de headbang, de growl et de stage diving ? Une bonne rasade de Skeletal Remains devrait vous remettre les idées en place. Leur trash metal violent et brutal tendance death metal old school ne laisse aucun répit sur la longueur d’un album dévastateur et implacable, même si le groupe isole, dans la grande tradition « heroic-fantasy » des plages de transitions climatiques. Batterie hystérique, riffs et solos de guitares dégoulinants, basse galopante, chant hargneux et sanguinaire, tels sont les ingrédients de cette musique radicale et guerrière, qui se signale néanmoins par son envie de célébrer les pionniers du genre comme Death, Carcass, Deicide, Sepultura… Âmes sensibles s’abstenir, pour les autres, foncez !

L’album The Entombment Of Chaos de Skeletal Remains est disponible depuis le 11 septembre 2020 via Century Media.

L’ensemble de ces artistes est à découvrir tous les soirs de minuit à 1h sur Le Chantier, et plus généralement, sur notre webradio La Messe de Minuit.

Laurent Thore