Social

Que reste-t-il de la classe ouvrière ? A-t-elle disparu ? Quelles formes prennent les nouvelles mobilisations ? Comment sont-elles inscrites dans le temps ? Que transmettent-elles -valeurs, mémoire et manières de lutte- ?

MEDIA

© PHOTOPQR/VOIX DU NORD/PIERRE ROUANET ; 09/05/2023 ; Trith Saint Leger. Semaine de mobilisation pour les 350 salariés de Valdunes (société spécialisée dans les roues et les essieux pour le ferroviaire), lâchés par leur actionnaire unique (le Chinois MA Steel) la semaine dernière. Les politiques se succèdent sur le piquet de grève de l’usine de Trith Saint Léger, une rencontre est prévue au ministère de l’Industrie.

Les médias se font l’écho des luttes ouvrières, souvent pour en minorer l’importance ou la profondeur, insistant, surtout, sur une disparition supposée de la classe ouvrière, comme diluée dans un ensemble plus grand, celui des classes populaires.

Terrain Social vous propose d’aller plus loin !

Et comme le formule l’historien Nicolas Hatzfeld, dans la préface de l’ouvrage : Il y a “Deux dynamiques (Reconstruction et Crise) donc, deux séquences d’expérience sociale partagées par le groupe ouvrier et de représentation de son rôle dans la société.

“[…] une stylisation conforte l’image d’un basculement autour des années 1979-1983, séparant les Trente Glorieuses de la Crise et, pour ce qui concerne le groupe ouvrier, distinguant une période d’affirmation de la classe en position centrale dans la société française et un temps de délitement et d’effacement au profit de la référence populaire.

Même si “la récession a commencé dès les années 60 à frapper certaines branches industrielles et, par voie de conséquence, des localités ou régions particulières à ces activités. […] Quoi qu’il en soit, la conscience d’un basculement irrémédiable dans une récession s’impose pleinement avec le deuxième choc pétrolier de 1979 et ses effets, qui finissent de l’emporter en 1982 avec le tournant de la politique gouvernementale dit de la rigueur.

Nathalie Frigul est maîtresse de conférences en Sociologie à l’université Picardie – Jules Verne, elle est membre du Centre Universitaire de Recherches sur l’Action Publique et le Politique – Épistémologie ; Sciences Sociales (CURAPP- ESS ).

Elle a codirigé et cosigné en collaboration avec Pascal Depoorter, Thomas Venet et Sébastien Vignon : Les mondes ouvriers : figures de (dé)mobilisations, aux Presses Universitaires du Septentrion. Elle y contribue avec Pascal Depoorter dans l’article : Crise, mobilisations et judiciarisation des conflits de travail. Ils y analysent la fermeture de la Manufacture, dans la Somme, une usine de fabrication de canapés qui a appartenu à un des plus gros groupes français d’ameublement. Dans cette contribution, les deux auteurs “s’intéresse(nt) au «monde d’après», celui des batailles perdues par les salariés qui tentent de sauver leur honneur devant les tribunaux.”.

© Patrick Despoix. Ancienne manufacture des frères Saint – Flixecourt, Picardie, France.

Après cette bataille perdue, est mise en place une association d’anciens salariés, avec à leur tête, Manuel, syndicaliste CFDT, “devenue le lieu où la lutte s’organise, mais elle doit aussi pouvoir mettre en lumière tout le processus de fermeture et démontrer sa légitimité à revendiquer. Faire vivre une cause commune en la confrontant au débat public, construire une vérité devient l’enjeu des réunions.” mais surtout “une vérité collective

Donc, “L’association des anciens salariés de la «Manufacture» constitue un des espaces d’action collective qui participent du renouvellement des formes de mobilisation”.

Les mondes ouvriers : figures de (dé)mobilisations” donnent à entendre au plus près du terrain les échecs, les espoirs, et quelquefois les victoires ouvrières. Loin de se résigner à une médiatique disparition de la classe ouvrière, les auteurs.rices montrent comment elle a perdu “sa position de centralité”, malmenée par la mondialisation et les restructurations, les délocalisations, l’ensemble conjugué avec un affaiblissement historique des structures syndicales.

Mais, déjà, d’autres combats doivent se mener -droit du travail, réforme des retraites- nourris de l’expérience collective des luttes passées.

Terrain Social, avec la sociologue Nathalie Frigul, se fait un devoir de transmission des luttes ouvrières.

Hugues Chevarin

Poursuivre :

Tout d’abord, cité par Nathalie Frigul : La formation de la classe ouvrière, E. P. Thompson, Seuil (trad.)

D’autres luttes : 

Film documentaire : Merci Patron, François Ruffin

A l’origine de l’autogestion : l’épopée des Lip, France Culture

Un épisode de Terrain Social sur les ex-GM&S à La Souterraine dans la Creuse : 

#55 – “Ceux qui trop supportent” – Arno Bertina

Terrain Social signale, pour faire le lien avec le combat contre la réforme des retraites, une interview du secrétaire de la CGT 13 (Bouches-du-Rhône), Olivier Mateu, dans la revue Ballast.

Enfin, la série : Le temps des ouvriers, Arte TV

Illustration musicale et sonore : Slogans criés dans une manifestation contre la réforme des retraites, janvier 2023 à Clermont-Ferrand, Bella Ciao, chant socialitste et révolutionnaire italien, Le pieu (L’estaca), chant catalan, entonné après la victoire à la ZAD Notre-Dame-des-Landes.