Meurtres conjugaux, ultime violence machiste !

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A quelles résistances les mentalités françaises sont-elles soumises pour ne pas prendre conscience de l’ampleur du problème ? Dans quel continuum de violence ces féminicides s’inscrivent-ils ? Comprendre la psyché des agresseurs, des auteurs de violences conjugales, est-il un des chaînons pour appréhender, et en finir avec, ce cycle de mort ?

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Capture d’écran du site du Collectif Féminicides par compagnon ou ex.

À l’heure où ces lignes s’écrivent, le site du Collectif Féminicides par compagnon ou ex affiche à son macabre compteur le chiffre de 29 femmes tuées depuis le début de l’année 2023. Au-delà de ce terrible chiffre, mais si nécessaire à la prise de conscience, comment comprendre que notre société laisse, sans réagir, se commettre tant de meurtres de femmes, en particulier des meurtres conjugaux.

J’en veux à celles et ceux qui ne se sentent pas concerné.e.s. Comme si ça ne pouvait arriver qu’aux autres, à l’autre, l’étranger, le pauvre, le poisseux. Je les déteste mais, en l’écrivant, je réalise combien je jalouse aussi leur ignorance.

Laurène Daycard est membre du collectif de journalistes indépendantes Les Journalopes. Elle collabore notamment avec Mediapart, L’Obs et Libération. Elle publie aux éditions du Seuil, Nos absentes. A l’origine des féminicides

Dans cette enquête, c’est à notre ignorance que nous sommes confronté.e.s. Alors quelques faits, parmi d’autres : 

… en 2020, selon le ministère de l’Intérieur, 35% des victimes de féminicide conjugal avaient subi des violences antérieures. Cette année-là, une défunte sur cinq, 18%, avait porté plainte. En vain. Quatre fois sur cinq, cette même plainte est classée sans suite.” (Source : ministère de la Justice).

De sa propre prise de conscience du phénomène “féminicide” à la nôtre, c’est un long chemin semé “d’absentes” que nous invite à suivre Laurène Daycard

Ignorance et silence conduisent à l’impunité mais “l’impunité n’est pas que l’absence de punition par la loi, elle recouvre également un contexte global de laisser-faire, d’indifférence qui encourage la violence et crée un sentiment d’impuissance et d’injustice chez les victimes”. 

“Le féminicide n’est pas seulement genré. C’est aussi un crime d’Etat.” 

Que de manquements à tous les échelons -police, justice, administration- mais qu’attendre d’autre d’une société patriarcale et sexiste !

Dès lors, la journaliste s’inscrit dans les pas des victimes de meurtres conjugaux, pour les nommer, en retracer l’histoire, rencontrer les familles endeuillées, les orphelin.e.s, les ami.e.s. Elle se donne pour mission d’assister au procès des meurtriers, de croiser leur regard, et qui, dans le déni de leur acte se conçoivent, eux aussi, comme des victimes. 

Tous ne passent pas à l’acte, mais entretiennent un “cycle de l’abus” visant à maintenir leur proie sous emprise !

Un conjoint violent ne l’est pas tout le temps. Un jour, il est prédateur. Le lendemain, il devient charmeur.” 

Alors, faire face aux agresseurs !

En participant à un groupe de responsabilisation dans un Centre de Prise en Charge des Auteurs de violences conjugales (CPCA), Laurène Daycard referme la boucle de ce “continuum de la violence” : “Ce sont des hommes qui nous émeuvent, nous font rire, auxquels on s’attache et l’on aime aussi parfois. Ces liens affectifs ne font pas de nous des complices, à condition de ne pas ignorer leur violence, ni de cautionner leur déni. C’est une ligne de crête. Il ne faut jamais perdre de vue que ce ne sont que des individus, les symptômes d’un système qui produit ce mal, ces mâles.

Nos absentes est et doit être une prise de conscience pour toutes et tous afin que cesse “la guerre aux femmes” !

Terrain Social, avec la journaliste Laurène Daycard, vous confronte à la violence machiste, et à l’une de ses terribles conséquences, les meurtres conjugaux.

Laissons lui la parole avec les toutes dernières lignes de Nos absentes

Plus nous serons nombreux et nombreuses à lire ces lignes, plus nous serons à faire vivre le souvenir de ces femmes. Les absentes feront aussi partie de nos vies.

Hugues Chevarin

Poursuivre : 

Tout d’abord, une somme : Féminicides – Une histoire mondiale, Christelle Taraud à La Découverte.
La guerre aux femmes, Rita Laura Segato, chez Payot 

Un article : Féminicides : cinq mortes en une semaine, dans l’indifférence générale, Mediapart (Sarah Brethes)

Liens importants : 
Le planning familial
La fédération nationale Solidarité Femmes 
Le 3919 est le numéro national de référence d’écoute téléphonique et d’orientation à destination des femmes victimes de violences (en particulier des violences conjugales), à leur entourage et aux professionnel·le·s concerné·e·s.