ZAFER KRÉOL – Quelles solutions face à l’illectronisme à La Réunion ?

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C’est une situation d’urgence à La Réunion : l’illectronisme touche près d’un quart de la population. En 2017, 23% des réunionnais ne s’étaient jamais connectés à internet, selon l’INSEE. Pourtant, il est indispensable de maîtriser les compétences informatique et numérique, à l’heure où la plupart des démarches administratives s’effectuent en ligne. Alors, comment lutter contre l’illectronisme ? Quelles solutions existent ?

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© Le Chantier/L’espace de médiation numérique “Switch Numérik”, dans le quartier des Camélias à Saint-Denis de La Réunion

L’illectronisme est un néologisme désignant “le fait qu’une personne ne maîtrise pas ou ne possède pas les compétences numériques et informatiques nécessaires à l’utilisation et la création de ressources”. Cela ne concerne pas uniquement les ordinateurs et internet comme l’explique Marina Thiburce, médiatrice numérique à l’ADRIE (Association pour le Développement des Ressourceries, l’Insertion et l’Environnement), intervient aussi dans les bureaux de la Banque Postale et accompagne des usagers à utiliser les distributeurs automatiques de billets. En effet, certaines personnes ne souhaitent pas s’en servir, car elles ont peur de se tromper puisqu’elles ne les maîtrisent pas.

Les médiateurs numériques interviennent également dans les Espaces de Médiation Numérique. Leur rôle est d’accompagner des personnes qui sont dans l’incapacité de réaliser certaines démarches et activités avec un ordinateur, une tablette ou un smartphone. Djouneid CADJEE est médiateur numérique à Switch Numérik, il y accompagne le public. La structure, qui a enregistré 5 000 passages en 2021, permet aux usagers de venir réaliser leurs formalités administratives en ligne, mais aussi de scanner et imprimer des documents.

© Le Chantier/Djouneid CADJEE, médiateur numérique devant les locaux de Switch Numérik.

On est dans l’urgence, il y a encore quatre, cinq ans on parlait d’un fossé numérique, là ce n’est plus un fossé à réduire c’est une fracture à combler. Ce sont des milliers de personnes à aider sur le territoire réunionnais, on n’y arrivera pas tout seul. ”, Bruno Pichon, directeur de l’AGAME.

Le coût élevé du matériel et de l’abonnement internet sont les deux principales raisons évoquées par les Réunionnais pour expliquer l’absence d’équipements électroniques chez eux. Pour permettre à chacun d’accéder à cette nouvelle technologie, l’association AGAME propose des ordinateurs reconditionnés à prix réduits. Pour son directeur Bruno Pichon, il est urgent d’agir dans la lutte contre l’illectronisme pour réduire la fracture numérique. Pour cela, il est également le président-directeur général de l’organisme de formation MIIR (Maison de l’Insertion et de l’Inclusion à La Réunion) qui forme les demandeurs d’emploi de la ville du Port, dans l’ouest de l’île, à l’utilisation des nouveaux outils numériques et informatiques. 

© LE CHANTIER/Bruno Pichon, directeur de l’AGAME et PDG de MIIR, en compagnie de l’assistante de direction Béatrice Ruiz.

« L’idée c’est que cette personne là, par la suite, devienne autonome et n’ait plus besoin d’assistance”, Erwan YSKLOMP responsable et encadrant technique de la Webcup Campus Nord

En plus de l’accompagnement lors des démarches, et des formations dédiées à ces nouveaux outils, certaines structures proposent des ateliers numériques spécifiques à une compétence. C’est le cas de la Webcup où les usagers peuvent venir suivre un atelier où ils apprennent notamment à utiliser la bureautique, à réaliser seuls des démarches administratives, à utiliser une messagerie électronique, etc. Le rythme d’apprentissage est libre, chacun peut apprendre avec autant de séances que nécessaire pour devenir autonome.

© LE CHANTIER/Erwan YSKLOMP (à droite) responsable et encadrant technique de la Webcup Campus Nord interrogé par notre journaliste Arthur NOEL (à gauche).

Sans tous ces dispositifs pour lutter contre l’illectronisme, il existe un risque d’exclusion sociale liée au numérique. Margot Beauchamps, géographe, spécialiste des enjeux sociaux du numérique, nous l’expliquait sur Le Chantier, il y a quelques semaines.

Lola Fourmy et Arthur Noël