Ce que l’accueil fait au territoire (non-métropolitain) et réciproquement !

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Quelles sont les conséquences de cet accueil “forcé” pour ces territoires ? En quoi cela peut-il structurer et relancer le développement territorial et, peut-être, construire de nouvelles solidarités ?

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Les activités culturelles et artistiques de solidarité à l’Élégante à Ambert.
(Crédit : R. Arfaoui, dessin vendu, à prix libre, par l’association l’Élégante, 2018)

Rafik Arfaoui est docteur en géographie, enseignant-chercheur (ATER) en géographie et aménagement (Université de Picardie Jules VerneEA Habiter le Monde), affilié à l’Institut Convergences Migrations (Projet LOCALACC) (2021-2025).

Il est l’auteur d’une thèse remarquée : Pilotage national versus coproduction territoriale de l’accueil des demandeurs d’asile dans les territoires non-métropolitains, soutenue en décembre 2021 à l’Université Clermont Auvergne.  En outre, Rafik Arfaoui est lauréat du Grand Prix de thèse de la Ville de Clermont-Ferrand.

© Rémi Boisseau

“[Les] politiques migratoires ont pour point commun des “mobilités gouvernementales […], c’est-à-dire qu’elles produisent des déplacements forcés. La politique de dispersion est multiscalaire avec une continuité des logiques de répartition des charges entre les pays de l’UE, les départements et les régions de France et, à l’échelle locale, entre les communes. En effet, avec la mise en place des CADA (Centre d’Accueil pour Demandeurs d’Asile) diffus, la mise en réseau des communes suit une logique de “solidarité” et de partage des responsabilités, ou du “fardeau” de l’accueil.”. (Rafik Arfaoui)

L’Etat, donc, se “décharge” de ses missions au nom de la “solidarité” entre les territoires et cela n’est pas sans conséquence sur ces territoires non-métropolitains.  L’impact de l’accueil des migrants, demandeurs d’asile, sur les territoires loin des grandes villes, et en particulier sur des “territoires fragiles”, est de plusieurs ordres : économique, social et territorial.

Faut-il comprendre que cet accueil, d’abord subi par les demandeurs d’asile, serait une “chance”, avant d’être une contrainte, pour des territoires “fragile[s], [qui se situent] entre enclavement et décroissance” ? La mise en place de structures d’accueil, les CADA, permet le maintien d’un certain nombre d’autres équipements, mais, bien plus, d’envisager un véritable développement territorial.

Mais l’accueil, loin des métropoles, provoque de grandes difficultés dans l’accompagnement administratif des demandeurs d’asile (éloignement des centres urbains -préfecture-),  met à mal l’égalité de traitement et épuise l’encadrement. Toutefois, le réseau d’interconnaissance, “un attribut majeur” de ces territoires fragiles, démontre que la société civile peut prendre le relais, en particulier pour les déboutés du droit d’asile.

Un double mouvement -de l’accueil au territoire et de la production de l’accueil par le territoire- recompose aussi ce territoire en termes de solidarité. “Du devoir d’accueil au droit à l’accueil [se traduit] : du territoire solidaire au territoire révolté.” […] “Le droit à l’accueil est constitutif du territoire révolté. Il serait utile de rappeler que la révolte ne naît pas seulement chez « l’opprimé », mais aussi au « spectacle de ’loppression ».” (Rafik Arfaoui en référence à Albert Camus). 

L’accueil a bien un effet sur le territoire non-métropolitain. Il crée les conditions d’un nouveau dynamisme territorial et reconfigure les solidarités locales. Le territoire “accueillant” produit des conditions d’accueil, mais très hétérogènes selon les territoires concernés.

Terrain Social vous propose, loin des débats idéologiques, avec Rafik Arfaoui, un exercice de géographie sociale : ce que l’accueil fait au territoire non-métropolitain, et réciproquement.

Hugues Chevarin

L’article : Ce que le territoire fait à l’accueil, ce que l’accueil fait au territoire. Une géographie de l’asile dans le territoire ambertois, paru dans la Revue Européenne des Migrations Internationales (REMI), (English translation !).

Références citées dans l’interview :

Le CADA Détours à Cunlhat dans le Puy-de-Dôme,

Association Cantonale d’Animation de la Combe de Savoie
à Saint-Pierre d’Albigny,

un texte : L’homme révolté, Albert Camus

Pour être complet : 

Loi Asile et immigration – 10 septembre 2018,

Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII)