Public, un modèle d’avenir

Social

A-t-on cherché à invisibiliser le “public” et par quels mécanismes s’est accompli ce processus ? A quelle défiance, à quelle concurrence le registre du public a-t-il été soumis ? Quel avenir pour le “public” ?

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© Bruno Levesque / IP3 Cergy France 13 Septembre 2019 Manifestation des sapeurs pompiers du 95 et des agents hospitaliers du val d oise pour la défense du service public à l’appel du syndicat Cgt (IP3 PRESS/MAXPPP).

“Comme si chacun cherchait à s’approprier ce que le mot conserve de valeur symbolique : entre des acteurs étatiques qui “semblent publics” mais qui apparaissent soucieux de montrer qu’ils agissent comme des opérateurs privés et des entreprises privées, qui en sens inverse, mettent une énergie inédite à placer leur action sous le label de l’intérêt général. […] Que l’on pense aux multiples formes de green-, pink-, social-, human rights-washing et autres instrumentalisations des discours d’intérêt général que portent les entreprises dans leur “stratégie de marque” ; mais aussi, du côté des gouvernements, à l’hypertrophie des discours sur l’intérêt public…”

Le 07 février dernier, Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques de France lançait la première plateforme de marque employeur du service public* : Choisir le service public.gouv.fr.

Que recouvre cette notion de “marque employeur du service public”, qui fait très  “Start Up Nation”? A quelle subtile confusion prête-t-elle ? A quel détournement du sens du mot “public” aboutit-elle ? Si nous devons  répondre à ces interrogations, il est nécessaire d’être “armé.e” sur le sens du mot “public” !

“Public” est un mot aussi ancien que l’Europe, il est aux origines comme la Res Publica (Chose Publique) latine !

Sur les ruines d’une Europe, par deux fois responsable d’un conflit mondial, un programme fort, celui du Conseil National de la Résistance, mettait la question du “public” au cœur de la reconstruction, sinon de l’Europe, à tout le moins celle de la France. Mais, depuis trente ans, on assiste à un affaiblissement, “un effacement” du public.

La révolution néolibérale s’est en effet réalisée moins contre les Etats que contre ce programme fort du public auquel ils s’étaient pour partie arrimés dans l’après-Seconde Guerre mondiale.

Antoine Vauchez est politiste, directeur de recherche au CNRS et membre du Centre européen de sociologie et science politique (Université Paris 1, EHESS). Ses travaux portent sur l’histoire du centre du pouvoir européen, du Marché unique à l’euro, mais aussi sur les transformations néolibérales du droit et de l’État.

Il publie dans la, désormais indispensable, collection “Le mot est faible”, aux éditions Anamosa, un titre puissamment évocateur : Public. Au cœur du public s’est lové un système délétère et défiant, celui du pantouflage des hauts fonctionnaires, mettant leur savoir et leur savoir-faire au service de l’intérêt privé. Par ailleurs, le recours aux cabinets de conseil privés s’est accru dans des proportions considérables, faussant toujours plus le jeu normal des institutions du “public”, et accroissant de même la défiance envers elles.

L’auteur balaie le champ des nouveaux possibles du “public” par la mobilisation de puissants leviers démocratiques. 

C’est ici que s’inscrivent les combats pour “la démocratisation de la démocratie” qui se sont multipliés ces dernières années. Ils visent en effet à corriger l’effacement des institutions classiques du public fort, élus, partis et parlements en tête, et ils cherchent à renouer les liens avec le “public faible” des causes citoyennes en prise directe avec les nouvelles attentes et les nouveaux besoins collectifs qu’ils soient sociaux, sanitaires, éducatifs, écologiques, etc.” 

Terrain Social, avec le politiste Antoine Vauchez, analyse ce retour du “public” comme un modèle d’avenir !

Hugues Chevarin

Pour aller plus loin :

Antoine Vauchez co-anime avec A.-L. Delatte et S. Hennette le podcast « Public Pride. Pour un nouvel abécédaire du public ».

À propos des cabinets de conseil privés :

une analyse “saignante” par Frédéric Lordon (Blog du Monde diplomatique)

Comment ces cabinets de conseil privés recrutent-ils ?