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L’écologie serait-elle incompatible avec la démocratie ? Une dictature verte pourrait-elle advenir ? Quoi de réel dans ces interrogations ? Au contraire, n’est-il pas urgent qu’advienne le “jardin commun” ?

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Le 25 mars 2022, environ 3500 jeunes ont manifesté dans le centre ville de Nantes pour la marche pour le climat et contre le capitalisme ©Franck Dubray/PHOTOPQR/OUEST FRANCE/Franck Dubray

“En démocratie, le citoyen ne se réalise ni en tant que spectateur, même averti, de l’exercice du pouvoir par les dirigeants, ni en tant qu’agitateur. C’est par l’expérience bien comprise qu’il participe véritablement à la vie des groupes et des lieux auxquels il est relié.”
Chacun.e d’entre nous a son mot à dire, à son geste à accomplir afin qu’advienne un exercice plein et entier de la démocratie – non plus seulement représentative, mais aussi réellement participative.

Et dans l’urgence que vit notre espèce, la démocratie est l’alliée objective de l’écologie. N’est-il pas temps donc, au sein même de cette urgence, de faire acte de sagesse et de réinterroger les mythes fondateurs ? De nous conduire différemment, de nous gouverner autrement, de faire la place au vivant sous toutes ses formes !

“Réconcilier l’art d’être citoyen et l’art de créer et conserver des lieux communs est devenu une urgence absolue”.

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Joëlle Zask est philosophe. Elle enseigne à l’Université Aix-Marseille. Spécialiste de John Dewey et de philosophie sociale, elle est l’auteure d’Écologie et démocratie, publié aux éditions Premier Parallèle.

“[…] développer une relation avec son environnement en tant que pays (ville, quartier, village, jardin partagé) suppose également d’en prendre soin et de le réparer, si besoin est. De l’aménager en le ménageant, de l’occuper en s’en occupant.”

D’Adam – et le jardin d’Eden – à Noé, en passant par la philosophie libérale, et la figure agrarienne de la culture américaine, et jusqu’à l’agriculteur endetté, malade de sa pratique, du XXIème siècle, que disent ces figures des modèles d’usage de l’espace commun ? Notre monde est bien un jardin mais plus ou moins bien entretenu… Et à notre époque, bien peu d’entre nous sont capables de l’entretenir.

“L’anthropocène est l’ère du pillage ; celui-ci s’aggrave d’autant plus que le risque de raréfaction des éléments indispensables à la vie grandit“

Depuis l’avènement du techno-capitalisme, ce jardin est soumis à une exploitation sans frein aux seules fins d’accroître les profits de quelques-un.e.s ! Faut-il faire à nouveau l’expérience du jardin -s’inscrire dans ses cycles, en être les gardiens- et par là-même faire advenir partout et pour tout un chacun.e l’autogouvernement.

“Via l’expérience, l’autogouvernement, qui est au principe des modes de vie démocratiques (s’engager dans une situation, former sa personnalité, prendre des initiatives, agir librement sous la conduite de l’observation des conséquences de ses propres activités, rester prudent, etc.) se relie étroitement à l’écologie, c’est-à-dire à l’effort de maintenir ou de restaurer les équilibres entre mon environnement et moi-même.”

Dans Écologie et démocratie, l’auteure démontre le bien fondé et la nécessité de l’autogouvernement, seule voie ayant une issue. Elle y développe la figure d’un.e citoyen.ne aux multiples capacités lié.e.s par une commune et réciproque responsabilité, jusqu’à celle du hacker, véritable Robin des bois dans le “jardin confisqué”, un activiste du “jardin partagé”.

Terrain Social appelle, avec la philosophe Joëlle Zask, à cultiver, tout à la fois, son jardin… et notre jardin commun et d’en être tous.tes. les gardiens.

Hugues Chevarin

Quelques références évoquées dans l’entretien :

Genèse, Livre I

Esope, Le Laboureur et ses enfants

Jean de la Fontaine

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