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Invisibles, les femmes sans domicile sont peu ou partiellement étudiées. L’approche genrée de ce phénomène met en lumière une violence initiale à ces « carrières de rue ». Toutefois, le fait d’être une femme peut se révéler « avantageux » dans l’accès à une solution d’hébergement.

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© Isabelle Rozenbaum / AltoPRESS / MAXPPP

Dans l’étude Les trajectoires des femmes sans domicile à travers le prisme du genre : entre vulnérabilité et protection, croisant enquêtes statistiques et entretiens, Marie Loison-Leruste et Gwenaëlle Perrier proposent d’introduire le critère du genre pour comprendre les parcours de la perte du logement à l’accès à l’hébergement des femmes sans domicile.

Les enquêtes à ce propos dans l’Hexagone sont récentes ; la première date seulement de l’an 2000. Toutefois le travail de Maryse Marpsat, Un avantage sous contrainte : le risque moindre pour les femmes de se trouver sans abri, est précurseur dans les études de sciences sociales en France.

Comprendre les trajectoires de ces femmes, c’est aussi faire émerger la violence initiale de ces « carrières de rue ».


« Ces femmes sont en particulier exposées à des violences sexuelles, perpétrées par des hommes de leur entourage.
Il s’agit donc souvent de violences fondées sur le genre.
Ainsi, celui-ci constitue un facteur de vulnérabilité dans les trajectoires des femmes sans domicile, jouant un rôle déstabilisateur dans celles-ci, voire le motif (déclaré) de la perte du logement. Ces trajectoires s’inscrivent dans des rapports de genre que l’on observe aussi auprès d’autres groupes sociaux que les sans-domicile : les violences constituent en effet un outil central de reproduction de l’ordre genré (Bereni et al.,2012).
On pourrait dire que les femmes sans domicile constituent des victimes paradigmatiques de ces violences, du fait de la fréquence de leur exposition à celles-ci, et parce que leur situation de sans-domicile contribue très vraisemblablement à les faire apparaître davantage que les autres femmes comme « à la disposition » des hommes. »



A contrario, dans « le « parcours » allant de la rue au logement de droit commun peut être comparé à un escalier à gravir » : être une femme, mieux encore être une mère, peut être un avantage « relatif » mais décisif dans l’accès à un hébergement.

Toutefois « ces mobilités ascendantes (Brousse, 2006, 30), c’est-à-dire qui vont de la rue vers un centre ou d’un centre vers un logement aidé (Hély, Loison-Leruste, 2013) » se trouvent empêchées par le manque de places en hébergement, par les limites et les manques de l’action publique.

Les sciences sociales s’ouvrent à une approche sensible au genre qui doit permettre à l’avenir de mieux comprendre les trajectoires des femmes sans domicile, qui sont au carrefour de plusieurs discriminations, de plusieurs formes de violence, et les « désinvisibiliser ». Elles doivent aussi permettre de mieux former les acteurs sociaux tant sur le terrain qu’en institution. Enfin, peut-être, infléchir les politiques publiques vers une meilleure prise en charge des femmes sans domicile.

Autre publication :
Loison-Leruste MarieHabiter à côté des SDF. Représentations et attitudes face à la pauvreté, L’Harmattan, coll. Habitat et Société, 2014

Extrait sonore du film documentaire :
Femmes invisibles Survivre dans la rue de Claire Lajeunie

Hugues Chevarin