Actus

« Le Week-End », long format imminent du quintet Satellite Jockey est le bonheur du moment. Le groupe, basé à Lyon et emmené par Rémi Richarme, n’a jamais semblé aussi libéré. Il assume avec toujours plus d’envies sa propre incarnation instrumentale et son aspiration esthétique, à travers la délicieuse volonté organique de son collectif. La couleur musicale est foisonnante et expressive, elle ose l’emphase et le lyrisme. L’utopie créative et musicale a décidément encore de beaux jours devant elle.

satellite jockey album de la semaine le chantier radio

© Lise Dua

Depuis 2011 et des premiers albums très marqués par la pop, le rock indé et le psychédélisme anglo-saxon, la bande de Rémi Richarme a suivi le chemin de sa propre émancipation stylistique, avec notamment la dynamique de sa trilogie Modern Life, de 2017 à 2019. Encore plus loin, Satellite Jockey souffle avec Le Week-End un vent de fraîcheur communicative et nous baigne dans un véritable hédonisme solaire.

Cette impression est largement renforcée par la complémentarité vocale jubilatoire des voix de Rémi et de Pauline Le Caignec (KCIDY, Tôle Froide), qui se révèle dans cette approche joueuse du français. La musique de Satellite Jockey est en effet un agglomérat vivant et cosmopolite d’influences multiples, traversant l’histoire des musiques populaires, sans vraiment se soucier de l’air du temps et du quand dira t’on. La grande richesse de timbres et de sonorités développée par la complicité entre orgue, batterie, basse, flûte, violon, guitares, piano… ouvre avec délice le champ des possibles.

Ainsi, comme chez leurs contemporains américains de Vampire Weekend, se télescopent, fusionnent, s’associent, coopèrent dans une étonnante cohérence sonore, jazz, funk, reggae, chanson, disco… mais sous forme de pointillismes, car la tonalité générale reste évidemment pop. Comme un symbole, c’est d’ailleurs le morceau Le Week-End, aux effluves caribéennes, presque reggae, qui donne son titre à l’album. Peut-être une manière de célébrer les racines alternatives de Satellite Jockey et d’invoquer l’ouverture d’esprit parfois incomprise du triple album Sandinista des Clash. Il faut d’ailleurs savoir se délecter de la poésie naïve des textes surréalistes de Emo 4 Me, de Trompe la peur, Plus rien à faire… pour profiter pleinement des vertus homéopathiques de ce grand format.

En France, le poids historique de la variété induit souvent une défiance critique envers ceux qui osent la langue française dans le chant, comme Satellite Jockey. Pourtant un label aussi culte que Saravah a démontré la parfaite antithèse de ce raisonnement réducteur et catégorique. D’une certaine manière, Satellite Jockey se positionne aujourd’hui ainsi comme un héritier indirect de l’anti-conformisme de Brigitte Fontaine, Areski, Higelin

Enfin, difficile de ne pas pointer le titre Paix Sociale comme le point d’orgue héroïque de ce LP. Alors que notre envie de danser n’a peut-être jamais été aussi forte, voilà une vraie petite bombe rythmique libératrice autant qu’un manifeste conscient et humaniste de notre époque. Le clip plein d’humour et d’esprit qui accompagne ce titre, démontre d’ailleurs, une nouvelle fois, que l’art est l’une des plus éclatantes manières, si ce n’est la plus éclatante, de mettre à distance le réel, d’interroger notre monde et de nuancer la rigidité de la pensée dominante.

L’album Le Week-End de Satellite Jockey sort ce vendredi 5 février 2021 via les labels Another Record, Creature Production et Le Pop Club Records. Il est l’album du Chantier à découvrir toute cette semaine dans notre matinale, accompagné par des extraits de l’interview de Rémi Richarme, réalisée par Christophe Rossignol.

Un vinyle est à gagner sur l’antenne du Chantier, pour cela rien de plus simple, envoyez un mail à : [email protected] en indiquant simplement le titre diffusé le matin même.

https://satellitejockey.bandcamp.com/
https://www.facebook.com/satellitejockey

Laurent Thore