Actus
Le premier se nomme Enguerran, il est le batteur. Il est celui par qui la vie jaillit du sol et se transforme en pulsations irrésistibles. Le second se nomme Lancelot, il est le guitariste. Il est celui par qui la foudre pénètre les vibrations des cordes, et se transforme en électricité sauvage et jubilatoire. Ils forment le duo Bafang. Fiers de leur premier album fraîchement sorti dans les bacs, les deux rockeurs activent toute la puissance de leur rock incandescent dans le clip d’Ibabemba, vidéo inventive, foisonnante de couleurs, de culture et d’esprit.
Le titre de leur LP, Elektrik Makossa, est un clin d’œil évident à la figure tutélaire de Manu Dibango, véritable emblème et fierté du Cameroun, le pays de leurs grands-parents. Leur illustre aîné débarque très jeune à Marseille en 1949, il se fraye ensuite un chemin dans les clubs de jazz de la capitale en compagnie d’un autre des acteurs de la diaspora artistique camerounaise en France, Francis Bebey. Curieux de nature, et avant tout amoureux de la musique avec un grand M, il s’ouvre au mambo et à la biguine antillaise, se frotte au rock naissant avec Dick Rivers, et même au rhythm ‘n’ blues afro-américain en devenant le chef d’orchestre de Nino Ferrer.
Bien des années plus tard, sur les côtes normandes, depuis Caen, à sa manière, la musique de Bafang est devenue également un joyeux creuset culturel et cosmopolite, façonné par les rencontres et les expériences musicales. Elle reste foncièrement rock dans l’âme, si tant est que le rock ‘n’ roll reste avant tout un état d’esprit plutôt qu’une posture. Sur Ibabemba, dans le son comme dans l’image, le rock ‘n’ roll s’embrase ainsi comme la guitare de Jimi Hendrix. Il rentre en fusion comme les éruptions volcaniques de Rage Against the Machine. Mais il reste libre et se moque des frontières : fier de son métissage vibrant, il est joyeux et volontaire. Il revendique aussi bien ses propres racines à l’image de celui de l’immense musicienne haïtienne Moonlight Benjamin, que l’héritage de Led Zeppelin, de Muddy Waters et de Sister Rosetta Tharpe. Il n’oublie jamais que la danse est au cœur de la vie, et qu’il doit toujours s’adresser aussi bien au corps qu’au cœur de l’humanité.
Si le rock américain est la musique du diable, elle devient ici la musique du Njounjou, cet esprit du mal et de la méchanceté qui pénètre l’esprit des hommes quand ils recouvrent leurs visages en choisissant le mauvais masque.
Pour résumer, nous pourrions entendre et percevoir à travers Ibabemba, une délicieuse métaphore philosophique, ensoleillée et colorée de la vie en général, cette mise en scène de la lutte interne et éternelle de la condition humaine, incitant chacun à lutter contre ses propres démons, assumer ses propres choix, pour trouver le chemin de la liberté et de l’émancipation.
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L’album Elektrik Makossa est disponible depuis le 27 novembre 2020 sur le label Soulbeats Records.
Laurent Thore