Actus
Le Chantier, c’est évidemment un programme principal, mais aussi trois webradios parallèles pour multiplier les possibles et décupler le plaisir. Dans l’univers prolifique et créatif de la musique indépendante actuelle, il ne se passe en effet pas un jour, une heure, une seconde, sans tomber sur une pépite sonore, un musicien étonnant, un album intense, une avant-première plus que prometteuse. Comme chaque lundi, voici une sélection forcément suggestive mais particulièrement éclectique et surtout impressionnante de densité, de titres et artistes qui vont marquer dès cette semaine et durablement nos quatre radios.
Le rap, est une composante importante et décisive de la playlist du Chantier. Mouvement artistique majeur et polymorphe, il est le lieu d’une foisonnement permanent et de l’apparition de personnalités marquantes comme celle du belge Alvin Chris. Fier d’un nouvel EP Enchanté sorti il y a peu, le jeune rappeur se distingue par son sens du « storytelling », cette manière sensible, nuancée, nonchalante de rapper. Je rappe comme je respire annonce-t-il d’ailleurs, en ouverture de son format court à travers le morceau Coucou c’est encore moi. En somme un rap cotonneux, au groove élégant, qui n’oublie pas d’être tourmenté sur le très prenant Psycho. Morceau qui tranche à l’évidence avec le plus classique et quelque peu convenu, Question de temps, mais sans véritablement rompre la cohérence d’un univers personnel très affirmé, en pleine effervescence. Depuis quelques jours, Alvin Chris illustre avec beaucoup de justesse et de sincérité les méandres des relations amoureuses avec Un verre de trop.
Laetitia Shériff est une vraie référence en matière de rock bruyant et électrique, véritable alter-ego français de la passionnante américaine Shannon Wright et bien sûr de l’inévitable PJ Harvey. Nous pourrions aussi oser le rapprochement par son jeu de guitare, par la sensibilité de son écriture et de son chant, avec Thurston Moore, membre historique des emblématiques Sonic Youth. Comme lui, Laetitia Shériff est une musicienne généreuse, curieuse, passionnée et créative. Fière d’un 4ème album, Stillness à paraître en novembre prochain, elle se signale principalement à travers des morceaux fluides, marqués par le sceau de l’efficacité power pop à l’image de Deal with This (déjà en écoute sur Le Chantier). D’autres affichent une tempérament plus introspectif comme Go to big sur et son humeur très Patti Smith, dont Laetitia Shériff revendique fièrement l’influence décisive. Stillness sera à n’en point douter l’un des albums rock de cette fin d’année, et bien sûr, de la playlist du Chantier. En attendant voici une session vivifiante enregistrée il y a quelques jours pour l’émission Basique de France 4.
Depuis de nombreuses années, le label InFiné se distingue par une direction artistique exigeante, singulière, avide d’œuvres différentes, brisant les frontières de principe qui régissent l’univers des musiques populaires. Il y a donc une forme de logique à ce que la productrice de musiques électroniques, Sabrina Bellaouel rejoigne les rangs du label parisien, avec son étonnant EP, fièrement nommé We Don’t Need To Be Enemies. Ce format court est une œuvre aventureuse et versatile, combinant avec force l’affirmation manifeste d’une déclaration de fond, avec une volonté musicale recherchée, rappelant par instants les aspirations afro-futuristes de figures comme Georgia Ann Muldrow et Flying Lotus. Difficile de rompre d’ailleurs la continuité narrative introduite par ces 5 morceaux très différents mais hautement complices, et même de considérer l’un d’entre eux comme un « single »: voici ainsi à l’évidence un disque idéal pour notre webradio Nuit, tu me fais peur, de par son pouvoir évocateur et hypnotique.
Le métal, et ses différents dérivés, souffrent (mais entretiennent aussi volontairement) d’une image persistante et aride, réduisant cette musique à une simple déflagration de violences et de sauvageries. A l’écoute d’un album comme le prochain du groupe parisien de post-métal, OVTRENOIR, Fields Of Fire, c’est une musique certes implacable et lancinante, mais à la beauté froide et mélancolique qui s’impose. Élevant un mur du son héroïque, digne des plus intenses envolées shoegaze, dans les méandres d’un post-rock guerrier et expressif, le quatuor révèle avec force à travers un premier extrait, Phantom Pain le climat épique caractérisant son premier album. De quoi rassasier notre appétit pour les musiques extrêmes et différentes, symbolisé par la programmation détonante et addictive de notre webradio La Messe de Minuit dont ce LP sera l’une des attractions phares dans les mois qui viennent.
Derrière l’énigmatique patronyme Constellationn, se dissimule un artiste évoluant au croisement des chemins de la création radiophonique, de la musique audionaturaliste et de la philosophie cosmique des musiciens afroturistes américains en la personne du clermontois Arnaud S. Largement influencé par l’oeuvre et les intuitions de Brian Eno, il dévoile sous la forme d’un EP immersif le chemin d’une recherche sonore autour de l’élément aquatique, véritable moteur d’une évasion temporelle et géographique, hors du temps et hors du monde. En résulte une expérience sensorielle légère et sensuelle, tirant vers le meilleur de la culture « New Age », mais aussi vers la générosité d’une électronica organique, à rapprocher de certaines extrapolations instrumentales de Tommy Guerrero ou du dernier album du passionnant Sam Prekop, notamment sur le groove minimal et percussif guidant les paysages pastorales de Flottant.
Le musicien Waldeck a été l’un des instigateurs de la scène électronique autrichienne à la fin des années 90 aux côtés de figures comme le duo Kruder & Dorfmeister ou encore les Sofa Surfers. Développant avec goût leurs propres visions du courant trip-hop de l’époque, ces musiciens se distinguaient par leur culture musicale éclectique, aussi bien tourné vers le jazz, l’exotica, les musiques de films que le dub, la drum & bass et le hip-hop. Plus de 20 ans après l’inaugural et très remarqué LP Balance of The Force, Klaus Waldeck poursuit son aventure musicale à l’instar d’un Kid Loco ou d’un St Germain, avec l’album léger et accessible Grand Casino Hotel dans un chemin organique aux saveurs vintage que certains pourraient assimiler un peu facilement à de la vulgaire electroswing. Comme sur le titre One of These Days, interprété avec nuance par la chanteuse complice du producteur viennois, Patrizia Ferrara (et son petit air de la fameuse Róisín Murphy), se dévoile une soul élégante et cinématique, qui sera le rayon de soleil de la playlist du Chantier pour cette rentrée pas comme les autres.
L’EP Enchanté d’Alvin Chris est sorti le 28 Août 2020.
Stillness de Laetitia Shériff sera disponible le 6 novembre 2020 sur le label Yotanka.
L’EP Don’t Need To Be Enemies de Sabrina Bellaouel est sorti le 4 septembre 2020 sur le label InFiné.
L’album Fields Of Fire d’OVTRENOIR sera disponible le 23 octobre 2020 sur le label Consouling Sounds.
L’EP Sentiment Océanique de Constellationn est sorti le 14 juillet 2020 et est disponible sur bandcamp.
L’album de Waldeck Grand Casino Hotel est disponible depuis le 3 juillet 2020 sur le label Dope Noir Records.
Les nouveautés du moment
Dans cette sélection constamment renouvelée, retrouvez uniquement des morceaux que votre primeur va vous envier.
La messe de minuit
Retrouvez ici une sélection inspirée de La messe de minuit, diffusée chaque jour de minuit à 1h sur Le Chantier. C’est le rendez-vous incontournable des musiques extrêmes et pas uniquement métal !
Nuit tu me fais peur
Espace de libre expression singulier à la ligne musicale climatique, ne soyez pas surpris si vous rencontrez des créations sonores expérimentales ou des happenings non-identifiés de plus de 20 minutes. Tout est parfaitement sous contrôle !
Laurent Thore