Monde arabe : instrumentalisation de la fatigue sociale

Social

Comment les pouvoirs autoritaires du monde arabe instrumentalisent-ils ce ras-le-bol social ? Pourquoi la demande démocratique ne parvient-elle pas à s’imposer ? La discorde, la fitna, est-elle depuis toujours implantée au coeur du monde arabo-musulman ? Y aurait-il comme une “malédiction du monde arabe” ?

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© Miguel Juarez Lugo/ZUMA Press/MAXPPP – Aleppo, Syria, December, 2012. A little boy tries to keep himself warm with a small fire along a sidewalk in the Alshaar neighborhood of this city. The street is near the ruins of the Dar Al Sheffaa hospital, where more than 30 people died when the Syrian government bombed it by air almost a month ago. Décembre 2012, un petit garçon se réchauffe dans le quartier Al-Shaar, Alep, Syrie.

Antonio Gramsci expliquait alors que l’ancien n’était plus, mais que le nouveau n’avait pas encore vu le jour. Le temps séparant ce passé révolu de cet avenir non encore advenu était celui des monstres”.

Voilà donc ce à quoi est confronté le monde arabe (élargi) depuis 2011 !

Docteur en histoire et en sciences politiques, Hamit Bozarslan est directeur d’études à l’EHESS. Ses travaux portent sur la sociologie historique et politique du Moyen-Orient. Il publie aux éditions de La découverte, Le temps des monstres, Le monde arabe 2010 – 2021.

Depuis le début du XXème siècle, et la fin du califat ottoman, fin de l’Oumma -(une impossible !) communauté des croyants-, et plus encore avec la décolonisation et la sécularisation du monde arabe, à tous ces moments de son histoire, n’y a-t-il pas un rendez-vous manqué : celui de la démocratie ?

Que nous dit du monde arabe la parenthèse révolutionnaire de l’année 2011 ?

Les régimes se suivent et parfois se ressemblent, non pas dans leur forme, mais dans leurs moyens et leurs fins : la captation de la moindre richesse à leur propre profit par la corruption, le détournement, la violence jusqu’à l’épuisement.

Dans ce “temps de monstres”, Hamit Bozarslan remet en perspective ses propres analyses sur cette décennie 2010-2021, s’en préjuger de l’avenir. Toutefois, les aspirations légitimes des peuples de ce monde arabe élargi à une vie démocratique banale ne sont, pour l’instant, pas à l’ordre du jour !

“A ceux qui avaient choisi la liberté d’expression, ce “temps perfide” rappelle que le pouvoir ripostera en évoquant sa “liberté de destruction” et son corollaire : l’épuisement social.”

Terrain Social questionne, avec l’historien Hamit Bozarslan, l’instrumentalisation de la fatigue sociale des sociétés civiles arabes.

Hugues Chevarin

Ouvrages d’Hamit Bozarslan cités dans l’interview :

Qu’est-ce qu’une révolution ? Amérique, France, Monde arabe 1763 – 2015

L’anti-démocratie au XXIe siècle – Iran, Russie, Turquie

Revues vivement conseillées : Moyen-Orient et Orient XXI

Autres références : L’incertitude démocratique et L’invention démocratique de Claude Lefort.

Une notion : Eschatologie