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Un modèle productiviste qui s’essouffle, des pratiques qui inquiètent les consommateurs, un déficit d’image : le monde agricole français est en crise ! Mais est-il en capacité de faire sa mue ?
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©Philippe TRIAS/PHOTOPQR/LE PROGRES Paysage du Jura, Lons-le-Saunier, 7 mai 2020
“Tu oublies qu’on avait un idéal depuis la fin de la guerre, ça s’appelait l’unité paysanne. Qu’on soit céréalier beauceron, éleveur de cochons breton, maïsiculteur de l’Adour ou paysan des terres rapiécées des Vosges, on était de la même condition. Le combat de chacun était le combat de tous. Maintenant ça ne parle plus à personne, l’unité paysanne. C’est chacun pour sa gueule et c’est pour ça qu’on crève un par un”.
Au sortir du second conflit mondial, une promesse a été faite de nourrir le pays. A-t-elle été tenue et à quel prix ? La mise en concurrence de la société paysanne a-t-elle eu raison des anciennes solidarités ? Le monde paysan français est en pleine évolution. L’agriculture productiviste, intensive, faite d’intrants nocifs, a permis des rendements toujours plus considérables : “On faisait le jeu des gros, le club des cent quintaux à l’hectare, qui nous poussait devant pour quémander des aides”. Et voilà le revers à la médaille. De l’endettement à l’empoisonnement, bien des cordes étranglent le monde paysan !
Dans son dernier roman, Mohican, l’écrivain et journaliste, Eric Fottorino, dépeint un père Brun, longtemps aveuglé par les feux de la modernité, à l’heure des choix ultimes. Au moment de cette transmission, le père saura-t-il “faire du fils, le frère” ? Se mourant d’un cancer, il souhaite léguer autre chose que le malheur, et d’une erreur l’autre, veut couvrir d’éoliennes la propriété familiale afin d’en assurer l’avenir. Mo, le fils, soutenant “un retour à la nature”, s’insurge contre ce bruit et cette fureur. “Il maudit cette époque où le progrès se mesure au rendement du vent”. Eric Fottorino se saisit, non sans une certaine tendresse, de la question paysanne, interroge ses modèles, et explore ses voies d’avenir -en un éternel retour-.
Et par la voix de ses personnages, plaide pour “un assujettissement raisonné du règne animal et végétal, de la terre et des fruits qu’elle porte”. Ce monde paysan, malmené et mal défendu, saura-t-il faire sa révolution ?
Mohican, histoire d’enracinement et de traditions, est un chant de la terre !
Hugues Chevarin