Culture
Manon Delatre est projectionniste dans un cinéma d’art et essai. Son travail la passionne, elle s’investit, prend des responsabilités. Puis l’épuisement et l’ennui finissent par prendre le dessus. Une situation personnelle qui témoigne d’un phénomène aujourd’hui sociétal lié à notre relation au travail.
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© François Destoc / BEP / LE TELEGRAMME / MAXPPP
Accumulation de stress, surcharge de travail, épuisement professionnel… Fin 2020, environ un million de personnes étaient en burn-out « sévère », d’après un baromètre de la santé psychologique des salariés français en période de crise.
À travers Se faire virer paru aux Éditions du commun, Manon Delatre, revient sur ses expériences de travail dans le domaine du cinéma. D’emblée, l’autrice nous affirme que la notion de burn-out est utilisée abusivement.
« Je n’ai pas fait de burn-out, c’est très clair pour moi c’est un mot clinique qui a une définition à laquelle je ne corresponds pas […] J’ai presque plus fait un bore-out, je m’ennuyais terriblement dans mon travail ça m’a amené à être dans un état dépressif assez avancé. »
L’ennui au travail, une perte de sens, des éléments qui amènent bien souvent à cette douleur au travail, la plupart du temps insidieuse. Cette ancienne projectionniste a su identifier de cette déchéance ; une perte de sens liée au matériel.
« Elle est arrivée tout bêtement par le passage de la projection pellicule 35mm à la projection numérique […] Je me suis sentie dépossédée de mon travail par la machine et les hotlines à distance. »
Et puis après ces heures sombres à ne plus pouvoir trouver la force de se lever, de se nourrir, arrive le temps de la reconstruction. Manon Delatre laisse les objectifs et caméras pour gratter du papier. « L’écriture pour garder une trace, pour transmettre », précise-t-elle. Un remède qui lui permet d’échanger avec d’autres personnes victime de cet épuisement si fréquent, qu’elle perçoit comme « un phénomène massif ».
Elle décrit son essai comme « un formidable vecteur de conversation avec des gens. Parce que c’est fou quand on ouvre cette porte le nombre de personnes qui sont mal au travail et pour qui c’est enrichissant d’échanger sur le sujet de se sentir moins seul, moi-même je me suis sentie beaucoup moins seule en échangeant et en écrivant ». Une sorte de bel happy-end prévisible à la fin d’un film.
Aline Saldanha