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Concorde est le titre du nouvel album du musicien de musiques électroniques Alexandre Bazin, mais pour la petite histoire, il aurait aussi pu être le nom qu’il aurait donné à un groupe, si ces aventures musicales avec des camarades de jeu avaient dépassé les murs du garage à l’adolescence.
Aujourd’hui, Alexandre Bazin appartient au Groupe de Recherches Musicales, le fameux GRM créé en 1958 par Pierre Schaeffer, et désormais rattaché à Radio France et à l’INA. En parallèle, depuis quelques années maintenant, il développe sous son propre nom, une œuvre et une discographie naviguant dans un océan très vaste et mouvant entre culture pop et musiques expérimentales, à dominante électronique. Concorde apporte de nouvelles nuances dans la musique de son créateur, toujours avide de découvertes, de nouvelles sensations, de nouveaux challenges.
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© Clement Beauvais
D’une certaine manière, il y a deux tempéraments qui cohabitent chez Alexandre Bazin : d’un côté, l’exigence, le perfectionnisme, le sens du détail d’un musicien accompli et aguerri aux techniques de productions et de mix, côtoyant l’excellence ; de l’autre, le côté curieux, joueur et émerveillé, presque enfantin, qui s’active dans le jeu, la découverte et l’expérimentation.
Si le musicien aurait bien du mal de son propre aveu à définir le fil conducteur de sa discographie, nous pourrions simplement dire qu’elle est ainsi animée par le plaisir, qu’elle est toujours autant attisée par la dimension magique de la musique. La musique est certainement pour Alexandre Bazin le moyen d’accomplir une quête personnelle dont il n’a certainement pas encore fait le tour. Comme le disait très bien et à juste titre le sociologue Pierre Bourdieu : la musique est l’art pur par excellence, elle ne dit rien et n’a rien à dire. Elle n’a pas besoin de mots. Par la même, la musique instrumentale d’Alexandre Bazin est ainsi une musique qui en appelle profondément au sensible et à l’émotion de chacun, de chacune d’entre nous. Particulièrement sur ce nouvel album, elle s’inscrit dans une culture globalisée et hybride de la musique : certains pourront entendre la pulsation métronomique et martelé de la disco (Concorde), le travail de sculpture et de spatialisation du son du dub (toujours sur Concorde), certains percevront les lointains stigmates de la surf music, du rock garage et du rock psyché (Dunes, White Arrow), d’autres les vibrations métalliques de la musique industrielle (Red Ochre), certains pointeront des envolées cosmologiques et rétrofuturistes, inscrites dans l’imaginaire de l’électro et de la techno de Détroit (Swollen Seas, Superior Aero), certains ne pourront s’empêcher d’associer la musique d’Alexandre Bazin à la créativité musicale allemande des années 70 symbolisé par le Krautrock (Supercollider, It Comes In Waves). D’ailleurs autant de musiques qui entretiennent de profondes relations, mécaniques d’interactions et d’influences réciproques.
Loin de revendiquer une influence décisive de tel ou tel courant, Alexandre Bazin préfère évoquer la porosité qui a toujours animé les musiques populaires, et la figure de Thom Yorke pour sa capacité à faire le pont entre la musique dite classique et la musique pop.
En résulte un album attachant, plein de sensibilité, d’espaces, de recoins, un long format immersif et captivant, jouant sur la profondeur de champ et les paysages sonores, une collection de 10 titres longs en bouche, qui s’installe dans l’inconscient au fur et à mesure des écoutes, et devient progressivement cet objet familier et rassurant vers lequel l’envie de revenir est très forte, pour fuir le côté très anxiogène du monde actuel mais aussi rêver à un futur prometteur à la fois humain et technologique.
Concorde est aussi un disque modeste au sens noble du terme, à l’image de son créateur, tout en étant ambitieux, en allant chercher par exemple le feeling musical décisif de musiciens aussi talentueux et expressifs que le batteur François Lazarre Des Moulins (Turzi, Forever Pavot) ou encore du jeune guitariste Maxence Crouzard, repéré aux côtés de Thomas Dutronc et de Matthieu Chedid.
L’album d’Alexandre Bazin est sorti le 26 mars 2021 sur le label Kowtow Records. Il est à découvrir cette semaine sur l’antenne du Chantier, accompagné tous les jours, par de nouveaux extraits d’une interview réalisée il y a quelques semaines par téléphone.
Pour la plus chanceuse ou le plus chanceux d’entre vous, un vinyle dédicacé est à gagner cette semaine, pour participer, rien de plus simple, envoyez un mail à : [email protected] !
Bonne chance !
Laurent Thore