Actus
Le jeune producteur de musiques électroniques OJÛN formule un regard artistique tendre et sensible sur l’île de son enfance, à travers des compositions toutes en nuances et en évocation. En investissant dans ses créations certains principes de l’ethnomusicologie, il donne à son album, un étonnant pouvoir d’immersion et construit une subtile narration abstraite faite de sensations et d’implicites. Si ce chemin forme un lien évident avec la culture propre de la Réunion, il s’imprègne avant tout d’un autre rapport aux temps, contemplatif et philosophique.
Bat Karé oppose ainsi face à la frénésie du monde actuel, une véritable parenthèse onirique, un délicieux moment d’évasion, aussi simple que généreux.
MEDIA
Guillaume Chartin
Il ne faut pas se laisser tromper par l’apparente simplicité des compositions, ou vouloir trop vite ramener ce jeune artiste dans le jeu des comparaisons avec les références esthétiques de son propre domaine, à savoir des figures comme Bonobo, Rone, Max Cooper, Pantha Du Prince… À l’inverse, il faut profiter de Bat Karé comme d’une expérience pleine et enrichissante à plus d’un titre, en débranchant le cerveau et en se laissant porter vers cet ailleurs lointain et captivant.
À ce titre, ce long format s’écoute comme un tout, où le tracklisting a un sens profond et réel. Même si les noms des morceaux pourraient passer comme secondaire, ils transmettent parfaitement l’investissement intime qui a été celui de Guillaume Chartin, une mécanique intérieure gorgée de souvenirs, d’odeurs, de couleurs, de sons, de paysages et de mouvements comme dans le clip de Oussa ou Sava ?
Logiquement mais sans véritable autorité, c’est Gran Merkal qui pose les fondations du développement à venir : une omniprésence du rythme et un jeu de miroir permanent avec la tradition des percussions de l’île par l’action du sample et du séquençage ; une sculpture de paysages sonores à la frontière du synthétique et de l’organique. OJÛN nous transporte dans des aller-retours réguliers et progressifs entre ciel et terre, et une métaphore sonore entre le réel et le spirituel, entre la vie intérieure et le rapport aux éléments.
Pour ceux et celles, qui ont déjà vécu cette sensation ilienne si forte, elle est certainement décuplée sur l’île de la Réunion, de par son histoire, sa géographie, sa topographie, sa culture… À travers des morceaux imposants, se formulent des sentiments contrastés en forme de tumultes et de dualités, cette ligne de partage qui a certainement habité la création et donc le créateur : entre l’enfant et l’adulte (Anamorphose), entre l’île et la métropole (Home Is Where I’m Not), entre organique et électronique (Oussa ou Sava ?), entre tradition et modernité (Tout Monde).
Si cette œuvre est ainsi la voie d’une quête très personnelle, elle transpire avec beaucoup de bienveillance par le son et sans le dire, d’une profonde humanité, d’un altruisme sincère et touchant.
L’album d’OJÛN, Bat Karé, est disponible depuis le 12 février 2021 via le label 18Heures48, Pschent et Inouïe Distribution. Il est à découvrir cette semaine sur l’antenne du Chantier, accompagné par des extraits d’une interview réalisée par la rédaction.
Un CD dédicacé est à gagner ! Pour participer, rien de plus simple, envoyez un mail à : [email protected]. Bonne chance !
Laurent Thore