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Décembre 1960, à Alger, le peuple se soulève contre l’occupant, reprend le contrôle de la ville, infligeant à la face du monde colonial un cuisant échec. Faisant tache d’huile, ce mouvement populaire essaime sur tout le territoire algérien, préfigurant une inévitable victoire.

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Comment les soulèvements algériens de décembre 1960 ont-ils pu se produire, et pour quelques jours figer de stupeur l’occupant colonial, la France, et cela, seulement, deux années après la féroce répression exercée durant la bataille d’Alger (de janvier à octobre 1957) ?

Dès les origines de la conquête de l’Algérie (1830), l’empire colonial français met en place des outils de contre-insurrection, les perfectionnant sur tous les théâtres des guerres coloniales. Dans ces « forges de la contre-insurrection » vont s’élaborer « les machines de guerre contre le peuple », et y fabriquer une méthode, une doctrine, celle de la « guerre contre-révolutionnaire ». Une doctrine que la France vantera bien au-delà de ces événements !

Toutefois, les tensions au sein du colonialisme français, entre les Ultras (futurs putschistes) et la 3ème voie, incarnée par de Gaulle, montrent les failles dans l’édifice colonial, même après la victoire de la bataille d’Alger, une victoire en trompe-l’œil !

Un seul héros, le peuple est le fruit d’un long travail d’enquête indépendant . L’auteur Mathieu Rigouste, sociologue, et militant s’interroge sur le rôle des sciences sociales dans les processus de maintien de l’oppression :

« Les sciences sociales peuvent servir à reproduire ces rapports de domination dans leurs formes et leurs démarches, lorsqu’elles sont employées pour connaître les dominé.e.s. L’ethnologie coloniale a montré malgré elle comment la construction d’un groupe humain en objet de recherche pouvait collaborer avec des stratégies de contrôle et d’oppression. La construction de notre démarche de recherche a commencé par chercher à rompre avec cette généalogie. »

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Ce travail de socio-histoire permet de comprendre que les ferments de la résistance, de la révolte, du « soulèvement général des damnés » est un long processus historique. Ces événements des 10, 11 et 12 décembre 1960, ce Dien Bien Phu politique, ne sont pas fortuits. Le peuple algérien, « ce seul héros », s’est construit dans une résistance continue et protéiforme durant la longue occupation coloniale française.

« Les chemins qui mènent des premières révoltes au soulèvement généralisé ont été notamment tracés par ces anonymes qui firent circuler les informations,qui ont transporté les colères et les joies, le courage et la détermination, entre les familles, les groupes, les quartiers puis les villes. »

Durant ces trois journées, l’Algérie va être la scène d’une insurrection sans précédent. L’écrasement du soulèvement et la violente répression qui s’en suivra ne pourront pas dissimuler l’échec de la doctrine contre-révolutionnaire.

« Les médias occidentaux doivent se rendre à l’évidence. Au contact des soulèvements de décembre, trois mythes politiques s’effondrent, écrit à l’époque Janet Flanner, la correspondante à Paris du New York Times : Le mythe que l’Algérie était française, que seule une poignée de rebelles voulait l’indépendance et que seul de Gaulle pouvait imposer la paix. »

L’aveuglement, pour ne pas dire la complicité, des médias, est une question toujours actuelle.

Un seul héros, le peuple, publié aux Éditions Premiers Matins de Novembre, est une somme considérable et passionnante. De l’Histoire aux histoires, nous cheminons avec le peuple algérien qui en ces journées de décembre 1960 va secouer, de manière stupéfiante, le joug colonial français.

Ce travail est un outil de savoir, de réflexion, mais aussi un moyen de construire les luttes d’aujourd’hui. « La socio-histoire tente de comprendre l’implication du passé dans le présent« . Connaître les événements de décembre 1960 en Algérie, c’est saisir un peu de notre histoire (française). C’est aussi, et peut-être surtout aller s’abreuver aux « sources quotidiennes d’une culture de résistance populaire« .

Cette résistance continue sur : https://unseulheroslepeuple.org/

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L’ennemi intérieur – La généalogie coloniale et militaire de l’ordre sécuritaire dans la France contemporaine
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Hugues Chevarin