Social
Dans son livre Change ton monde, Cédric Herrou témoigne de son combat, celui de l’accueil, sans restriction d’origine, de genre, de couleur.
Quand la France, pays des droits de l’Homme, ne respecte plus les principes qui la fonde – Liberté, Égalité, Fraternité -, le citoyen est-il en droit d’apporter son aide à tout autre être humain qui en a le besoin, sans se voir opposer le « délit de solidarité » ? À cette question, le Conseil constitutionnel, en 2018, a répondu par la reconnaissance du « principe de fraternité ». La Cour de cassation, le 31 mars dernier, a rejeté un pourvoi du parquet général de Lyon, confirmant la relaxe définitive de Cédric Herrou.
MEDIA
Cédric Herrou s’exprime devant le tribunal après son procès pour assistance illégale aux migrants.
Nice, le 10 février 2017.
© Sébastien Nogier / EPA / MAXPPP
De ce printemps 2016 jusqu’à la création de la première coopérative agricole Emmaüs, ce jeune agriculteur fait la démonstration que l’on peut, que l’on doit venir en aide à qui se trouve dans la détresse, sans avoir à lui demander son identité, sa nationalité, sa religion ou quoique se soit d’autre.
Cédric Herrou a emprunté un chemin semé d’embûches, un peu comme l’impraticable route qui mène à son exploitation dans cette vallée de Roya, à la frontière franco-italienne. Et c’est en chemin pour la rejoindre qu’il va basculer !
Déjà, dans le quartier populaire de l’Ariane, à Nice, où il a grandi, Cédric posait un regard différent sur le monde. Se méfiant de l’institution quelle qu’elle soit, l’école en premier lieu, dont il dit : « on y n’apprend pas l’intuition, on la détruit ! ». Intuition qui lui sera d’un grand secours… Vivant en retrait, La Roya est son refuge.
Mais le bruit et la fureur du monde vont venir jusque-là ; des migrants tentant de traverser la frontière, en prenant tous les risques, vont croiser son chemin.
« Mon but ne serait pas de les aider à passer la frontière, mais de leur éviter de prendre des risques », dit-il, au moment où il se donne cette mission.
Devant l’absurdité d’une application tatillonne et dangereuse des accords de Dublin, qui régissent l’espace de Shengen, plaçant les migrants dans une situation sans solution, les conduisant à un sort cruel et souvent fatal, il sait la justesse de son combat !
Un monde devenu fou, où la peur et la haine sont les instruments des politiques : « Les noirs, toujours les noirs. La chasse aux noirs était ouverte. Jamais je ne m’habituerais à cette traque frénétique. Comment détester autant une couleur de peau, jusqu’à ne plus ressentir la détresse d’un enfant ? »
Désormais, rien ne l’arrêtera, ni la violence policière, ni l’inquisition judiciaire, ni les attaques politiques et les menaces de toute nature proférées contre lui… Du combat individuel au combat collectif, il va au devant des ennuis à visage découvert. Usant de son aura médiatique, il se fait porte-voix ! Comme dans le film Libre de Michel Toesca qui suit l’homme et ses camarades dans leurs combats.
Change ton monde est un témoignage précieux de notre temps troublé, un témoignage de l’engagement, un plaidoyer pour l’humanisme. Vous y croiserez les « sans visage » de la migration, celles et ceux dont on détourne pudiquement le regard, mais aussi celui de tout.e.s les militant.e.s, pour la plupart anonyme.s, d’une juste cause.
Change ton monde, 2020, Éditions Les Liens qui Libèrent
L’État s’acharne à le.s criminaliser, il.s lui oppose.nt la fraternité.
Qui lit ce témoignage emprunte déjà ce chemin !
Le combat continue…
Hugues Chevarin