Actus
Les indicateurs ne trompent pas. Avec sa seule guitare acoustique et sa voix de velours, le jeune musicien Théo Charaf fait l’unanimité avec un premier album d’une pureté éblouissante et d’une sincérité désarmante. Sans opportunisme aucun, et surtout pour libérer son âme de ses propres tourments, il s’est emparé de la profondeur du blues originel et s’est nourri du goût de la « folk music » pour le récit. Fin mélange entre des compositions très personnelles et des reprises millésimées (Bob Dylan, Skip James…), son long format est devenu ainsi la métaphore d’un long périple riche en émotions, véritable voyage dans le temps et dans le son.
© Sarah Fouassier
Pour se laisser convaincre de la qualité rare de ce disque, il suffit dans un premier temps de s’abandonner dans la mise à nu émotionnelle du single inaugural Vampire. Troublante déclaration romantique, où ce nouveau « hobo » de la modernité se glisse dans la peau d’un monstre de la nuit, et exprime par effet de miroir la mélancolie nocturne qui est la sienne. Non sans hasard, c’est bien ce titre qui ouvre concrètement la voie pour l’ensemble des 10 titres de cette œuvre imposante et quelque part, déjà intemporelle, à contre-courant d’une tendance musicale actuelle, largement animée par la logique de l’instant et de l’éphémère.
Dans cet esprit, Théo Charaf se confronte d’ailleurs à des monuments comme Oh Sister de Bob Dylan (en duo avec une magnifique voix féminine) ou encore Hard Time Killing Floor Blues de Skip James (où sa guitare revêt un intense habit d’électricité), avec beaucoup de respect et d’implication. Il montre notamment que ces compositions n’ont rien perdu de leur superbe au 21ème siècle, que ces textes résonnent avec toujours autant de véracité avec l’actualité. Pour invoquer l’esprit de ces grandes figures des musiques populaires américaines, Théo Charaf a opté pour une vérité acoustique et sonore confondante de réalisme et de proximité de champ, rendue possible par la science analogique du studio Electrophonic Recordings.
Plus largement, Théo Charaf semble avoir trouver avec son premier LP en solitaire (il a déjà une vraie expérience en groupe, à travers le garage punk de Beaten Brats), le remède artistique à un mal être conférant un dimension presque mystique à sa démonstration d’humanité en 10 chapitres. Il y a même une part de magie dans la façon avec laquelle il interprète de manière sidérante un autre classique de Skip James, Devil Got My Woman.
Dans un monde où nous aspirons à retrouver du sens dans nos propres existences, Théo Charaf a rallumé la flamme de vie instinctive et créative des premiers bluesmen ruraux du sud des États-Unis en ravivant leur sens poétique, la puissance de leurs mélodies, la sincérité et la liberté de leurs expressions et le minimalisme de leurs instrumentations. Le pari était osé, et même risqué, mais il est parfaitement gagnant.
L’album de Théo Charaf sort le 22 janvier 2021 sur le label Wita. Il est à découvrir cette semaine sur l’antenne du Chantier, accompagné tous les jours par de nouveaux extraits d’une interview réalisée par la rédaction.
Pour la plus chanceuse ou le plus chanceux d’entre vous, un vinyle dédicacé est à gagner cette semaine : stay tuned !
Laurent Thore