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« The Missing View », le premier disque solo du musicien bordelais Sol Hess ouvre les portes des sentiments contrastés, ombragés et mélancoliques de son créateur. Son instrumentation épurée principalement basée sur la relation entre la guitare classique et la voix, construit d’étonnants tableaux souvent proches de la mise à nu, portés par une liberté expressive captivante. Si l’ensemble joue entre sa propre fragilité et sa grande puissance émotionnelle, il dessine le chemin d’une narration très personnelle, pleine de recoins et de méandres, mais porteuse d’une véritable pureté et d’une admirable vérité.

sol hess the missing view le chantier

Le titre d’introduction Ants In The Leaves pose le décor avec ses arpèges de guitares évanescents et ses arrangements sonores spacieux propulsant le contexte vers un ailleurs. Certains pourraient qualifier ce morceau de « slowcore », à l’écoute d’une humeur désabusée, de cette manière vibrante d’osciller entre le parlé et le chanté, de cette façon de laisser sonner les notes entre les silences.

Cette profondeur de champ émotionnelle abyssale pourrait rappeler à l’évidence le très grand Mark Kozelek (Red House Painters, Sun Kil Moon…), et pourtant, à l’inverse, l’écoute de The Missing View nous renverrait bien plus à une figure de la musique indé hexagonale comme Raoul Vignal (son sublime The Silver Veil sorti en 2017) et même aux derniers albums de Matt Elliott. En effet, comme son illustre contemporain anglais, sa musique est parcourue par de nombreux fantômes. Les fantômes du passé (de troublantes similitudes dans la voix avec Elvis Presley…), les fantômes de l’histoire, les fantômes du doute… au point d’évoquer un certain mysticisme à l’image de la déclamation liturgique incantatoire de King Of Chihuahi.

De toute façon, au-delà d’une certaine proximité esthétique, chacun de ces artistes précédemment cités, affiche une étonnante singularité dans son rapport à la création, à la musique et au monde. À ce titre, Sol Hess dévoile dans ce disque une profonde humanité, une intense réflexion sur la condition humaine. Si nous mettons en perspective cette nouvelle voie solitaire avec ces groupes précédents (Docteur Culotte, Sweat like an Ape!), il remet aussi en question de sa propre musique.

Quelque part, The Missing View construit sa propre mécanique temporelle, narrative : il n’est pas étonnant de découvrir que cet artiste est également scénariste de bande-dessinée (La Lionne aux éditions Treize Étrange). Ce long format ouvre une parenthèse salvatrice face à la frénésie du monde moderne, ne serait-ce que pour se reconnecter à la nature (Ants In The Leaves, Little Tiny Insects). Parfois difficile d’accès, loin d’être séducteur, mais en même temps doté d’une sincérité absolument bouleversante, ce premier album de Sol Hess est un véritable cadeau en cette période incertaine et troublée.

The Missing View de Sol Hess sort le 18 janvier 2021 sur le label Platinum Records en France et sur le label P572 au Canada.

Il est à découvrir toute cette semaine sur Le Chantier dans Déjà Là, la matinale de Benoît Bouscarel (7h40) et dans le 9-12 de Christophe Rossignol (9h30), accompagné par des extraits quotidiens de l’interview de Sol Hess, réalisée il y a quelques jours par l’équipe de rédaction.

Un vinyle dédicacé de cet album est à remporter cette semaine en écoutant la matinale du Chantier.

Laurent Thore