Culture
Que reste-t-il, dans la mémoire collective de la République, de cet homme aux multiples engagements ? L’Histoire lui a-t-elle suffisamment rendu hommage ? Quelle dette avons-nous envers lui ? Est-ce grâce au théâtre, qui lui était si cher, que cette figure resurgit sur la scène contemporaine ? Quel devenir pour le lieu de sa détention, l’ancienne maison d’arrêt de Riom, entre mémoire et histoire ?
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Le comédien Xavier Béjà interprète Jean Zay. (Crédits : Cie Théâtre en Fusion)
Le 30 mars à 20h, au Rexy Théâtre de Riom, sera donnée la pièce Jean Zay, L’homme complet de la compagnie Théâtre en Fusion, à l’invitation de l’association AMARIOM, qui œuvre à la mise en valeur de l’ancienne maison d’arrêt qui abrita, durant les années noires du régime de Vichy et de l’Occupation, d’illustres personnages : Léon Blum, ancien Président du Conseil du Front Populaire, Edouard Daladier, ancien Président du Conseil et signataire des Accords de Munich en 1938, mais aussi le maréchal De Lattre de Tassigny.
Jean Zay y vécut incarcéré du 8 janvier 1941 jusqu’au 20 juin 1944, avant d’être assassiné par la Milice, aux ordres de Darnand, le bourreau français, dans un bois près de Cusset (Allier). Tout concourt en sa personne : ministre de l’Education nationale et des Beaux-Arts du Front populaire en 1936, parlementaire et officier, pour être acteur du drame historique qui se jouera dans les geôles du régime de Vichy, dont il était la bête noire -juif, franc-maçon, et contre l’armistice de juin 40 !
La radio Le Chantier, pour évoquer cette soirée du 30 mars, a demandé au comédien, Xavier Béja, qui a adapté Souvenirs et solitude, récit de captivité et interprète de Jean Zay, ce que représente d’incarner un tel homme –« se mettre dans les pas de son écriture »-, et à Michel Cochet, au metteur en scène de Jean Zay, L’homme complet, quels ont été ses partis pris (minimalistes) qui confèrent force et sobriété à l’ensemble.
Cette soirée, c’est un lieu, une prison qui a failli disparaître, comme nous l’explique Jacques Carré, président de l’association AMARIOM, mais aussi les raisons d’un combat -la sauvegarde et la mise en valeur de ce patrimoine inestimable-. Enfin, Hélène Mouchard-Zay, seconde fille de Jean Zay, et fondatrice du Centre d’Etude et de Recherche sur les Camps d’Internement dans le Loiret (CERCIL) qui sera présente à cet événement, et avec laquelle il sera possible de dialoguer autour de ses engagements, nous a confié quelques souvenirs ! Et combien lui importe que cette prison, qu’elle a connue au berceau, devienne lieu de mémoire et d’histoire !
Légende : Madeleine Zay quittant la prison avec ses deux filles, Catherine et Hélène – Musée de la Résistance en ligne
Dernière lettre de Jean Zay à son épouse Madeleine :
19 juin 1944 (veille de son assassinat)
Mon cher petit amour bien aimé,
Voici la dernière étape, celle qui sera brève
et au bout de laquelle nous nous retrouverons unis
et tranquilles dans notre bonheur, avec nos filles.
Elle était inévitable ; il faut la supporter avec
courage et confiance, avec une certitude entière
et une patience inébranlable. Ainsi je ferai,
même loin de toi, même sans nouvelles. Chacun de nous
restera plus près que jamais de la pensée de l’autre
et lui inspirera à distance toute sa force. Je
te confie mes filles et sais comment tu les gar-
-deras ; je te confie papa, dis-lui surtout de
n’avoir aucune inquiétude d’aucune sorte ; tu
le rassureras pleinement, ainsi que Jacqueline.
Je pars plein de bonne humeur et de force.
Je n’ai jamais été si sûr de mon destin et
de ma route. J’ai le cœur et la conscience
tranquilles. Je n’ai aucune peur. J’attendrai
comme je le dois, dans la paix de ma pensée,
l’heure de vous retrouver tous.
A bientôt,
Jean Zay
Hugues Chevarin
Souvenirs et solitude, Jean Zay, Editions Belin, 2017
“Hélène Mouchard-Zay, du sens de la justice au sens de l’Histoire”, une série de l’émission A voix nue sur France Culture.
L’association des amis de Jean Zay
Quatre vies en résistance, une exposition au Panthéon !