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L’arrivée des locations de logements meublés de courte durée, autrement dit des Airbnb, dans nos pratiques n’est pas sans impact. De la raréfaction des logements à la gentrification des quartiers, en passant par les troubles du voisinage, sur le Chantier, on se questionne sur le cadre légal de ces locations. Quelles lois les encadrent ? Quelles villes y sont sensibles ? Quels rôles pour la Cour Européenne de Justice ? Benjamin Cottet Emard, Avocat membre du cabinet Itinéraires Avocats, est notre invité.
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© Marquet Frédédic/ La Montagne
Benjamin Cottet Emard est avocat au sein du cabinet Itinéraires Avocats à Lyon.
Lyon, comme d’autres grandes villes, se heurte au problème de ce que l’on nomme la airbnbsation. Derrière ce terme se cache une réalité : la multiplication des logements transformés en logements locatifs de courte durée. Une pratique devenue commune et qui entraîne une hausse du marché de l’immobilier locatif ainsi qu’une gentrification des quartiers, voire même dans certains cas l’apparition de quartiers “touristiques”.
Benjamin Cottet-Emard plante le décor : “à Lyon il y a des quartiers qui sont particulièrement touchés par les locations Airbnb et donc la ville de Lyon met en œuvre des systèmes de compensation dans ces quartiers-là.”
Face à ces problèmes, certaines villes comme Paris ou Lyon ont mis en place un système d’autorisation. Si un logement est une résidence secondaire et que les propriétaires souhaitent le mettre en location sur des plateformes du type Airbnb, une limitation de 120 jours par an, doit être appliquée. Par ailleurs, il reste toujours possible pour eux de louer plus souvent et au-delà des 120 jours, mais pour cela le statut du bien immobilier doit être changé : devenant de fait un local commercial et plus habitable. Une subtilité supplémentaire, d’ores-et-déjà appliquée à Paris, s’ajoute à cette demande. Il y a une sorte « d’échange » à réaliser, tout simplement, le logement devenu local commercial doit être remplacé, et vice et versa. Sans cette réciprocité, les propriétaires ne pourront plus louer en toute légalité leur logement.
Néanmoins, la cible des villes ne sont pas les locations temporaires de logement principal, mais bel et bien celles et ceux qui cherchent à en faire un commerce (entreprise, investisseurs,…). “Si vous voulez les cibles des grandes villes c’est vraiment l’investisseur immobilier qui sorte du parc locatif classique les airbnb. » Ajoute l’avocat lyonnais.
Face à ces nombreux problèmes, on peut s’interroger sur le temps qu’a mis la législation française à s’établir. Pourtant ce n’est pas si étonnant d’après notre invité. “On a deux intérêts contradictoires qui se font face à face. On a d’une part, garantir l’accès au logement pour toutes et tous. Et d’autre part, permettre l’accès à des locations meublées courte durée, qui sont moins chères que des hôtels […] donc il y a ce blocage-là. Et puis effectivement s’attaquer aux grosses entreprises américaines qui font de la location courte durée […] ça n’a pas été quelque chose qui tombe sous le sens dès le départ et la loi, elle, arrive souvent un peu tard.”
La mise en place tardive d’un encadrement légal en France, vient réguler ces pratiques, et est conforté par les décisions de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) validant ces mesures et leur donnant une plus grande légitimité.
“La décision de la CJUE […] c’est effectivement quelque chose qui restreint l’usage des airbnb dans les grandes villes, mais c’est pour poursuivre un objectif d’intérêt général, » souligne Benjamin Cottet-Emard.
Une utilité publique qu’il résume par une lutte contre : la pénurie de logement, la hausse des prix ou encore le détournement des locaux à usage d’habitation pour en faire un usage commercial.
Pour aller plus loin sur la “airbnbsation” des villes: cet excellent article de The Conversation.
Christophe Rossignol et Souhila Bouab