À La Réunion, un addictologue en croisade contre le rhum

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Chef du service d’addictologie du CHU de La Réunion, le docteur David Mété dénonce le très bas prix du rhum, rendu possible par une “taxation dérisoire” des alcools produits localement. Ce qui a des conséquences délétères en termes de santé publique.

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© jacky SCHOENTGEN/MAXPPP ILE DE LA REUNION, 08/03/20 ; rhumerie a Saint Gilles les bains

Une place sur le podium dont La Réunion se passerait bien. Après les Hauts-de-France et la Bretagne, l’île située dans l’Océan indien est la troisième région de France la plus touchée par la mortalité liée à l’alcool, selon l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives.

Plus d’alcools forts que dans l’Hexagone

Avec une spécificité locale, détaillée par le docteur David Mété, président de la Fédération régionale d’addictologie de La Réunion : “Dans l’Hexagone, c’est le vin, autour de 12-13 degrés, qui est plutôt consommé. Ici, c’est le rhum à 49 degrés. On consomme volontiers des spiritueux et quand on a un peu plus de pouvoir d’achat, on se paie du whisky à 40 degrés. Il y a vraiment une habitude de consommer des spiritueux, qui sont des alcools très forts, avec des conséquences qui sont plus rapides, plus lourdes et plus délétères en termes de conséquences sur la santé mais aussi de troubles du comportement, suicides, violences, accidents de la route.” Chaque année, plus de 400 décès sont directement liés à la consommation d’alcool sur l’île. C’est sans compter sur les décès indirects.

« Une inégalité de santé publique »

Une différence qui peut s’expliquer. Grâce à une fiscalité allégée datant de la départementalisation en 1946, les producteurs locaux d’alcool peuvent vendre leur produit à bas prix. Le litre de rhum blanc est par exemple vendu entre 8 et 10 euros dans les magasins réunionnais, un prix plus faible que dans l’Hexagone. “C’est complètement aberrant, fustige le chef du service d’addictologie du CHU de La Réunion. On paie l’alimentation en général 10 à 30% plus cher ici que dans l’Hexagone. Ce n’est pas acceptable que la seule chose que l’on paie moins cher, c’est l’alcool, sachant que c’est un produit toxique, addictif, tératogène, cancérogène. C’est l’illustration de cette inégalité de santé publique”.

La dernière campagne de publicité de la marque de rhum Charrette a ulcéré le docteur David Mété. En cause : voir La Réunion associée à cet alcool dévastateur pour certains consommateurs.

Vers une taxation locale plus forte ?

Une inégalité que le médecin addictologue dénonce par des tweets incisifs et des campagnes de communication grinçantes dans les médias locaux. Il n’hésite pas non plus à interpeller les députés locaux. Récemment, le ministre de la Santé François Braun est venu à sa rencontre, en compagnie des autres acteurs de l’addictologie à La Réunion. “Un temps de rencontre conséquent et des perspectives très encourageantes”, a tweeté le docteur dans la foulée. S’oriente-t-on vers une augmentation de la taxation des rhums et autres alcools produits sur l’île ? C’est tout le combat mené par l’inusable docteur Mété.

Astrid Aracksing et Kilian Kerbrat